• Réalisation : Brillante Mendoza
• Acteurs principaux : Jaclyn Jose, Julio Diaz, Andi Eigenmannl
• Durée : 1h50min
Rosa est une mère de famille connue dans son quartier. Gérante d’un petit shop, elle se sert de son établissement pour couvrir un trafic de drogues auquel elle participe. Jusqu’au jour où elle se fait balancer et que la police débarque pour l’arrêter, elle et son mari…
Brillante Mendoza a toujours voulu filmer les conditions de vie précaires à Manille. MA’ROSA s’ouvre donc comme un pur film social où l’on suit une héroïne dans son train-train quotidien. Le premier acte s’efforce de dépeindre la banalité d’une existence où le but est la survie, plutôt que la vie. Tout le monde demande de l’argent, tout le monde négocie… Et au milieu, la drogue est introduite dans le récit comme un élément normal, sans importance. Elle-même fait partie du quotidien. Cette débrouille et cette survie, c’est quelque part ce que le cinéma de Mendoza a toujours filmé. Ces Philippines où les mauvais actes sont parfois le seul moyen de continuer à exister.
MA’ROSA dresse un état des lieux assez effrayant, entre corruption des autorités locales et individualisme. Tout le monde balance tout le monde pour s’en sortir. Ainsi Rosa balance son fournisseur mais avant ça quelqu’un d’autre l’a balancé elle. Et sûrement quelqu’un d’autre sera encore balancé derrière. Ce cercle vicieux, le film le montre bien, en rendant opaque la frontière entre bien et mal. Des flics corrompus demandent de l’argent pour libérer Rosa et qui participe à la cagnotte ? Un commissaire de police. Tout comme un dealer appelle un Major lorsqu’il se fait arrêter. Brillante Mendoza montre tout ce petit manège comme une normalité de la vie dans son pays, exactement de la même manière qu’il concluait Kinatay où la découverte de morceaux de corps répandus dans la ville était le lot quotidien d’une population.
Il ne faut pas être rebuté par la caméra à l’épaule lorsqu’on se lance dans MA’ROSA. Mendoza fait du Mendoza avec sa caméra portée réagissant à l’action, ce qui donne cette fameuse impression de se croire dans un documentaire plus que dans une fiction. Dans ce style brut, le réalisateur nous perd un peu. Entre mouvements gênants et mises au point fuyantes, l’image nous agresse les yeux. Le sound design est dans la même optique, les bruits de la ville (et la pluie) nous oppressent, pour participer à restituer une atmosphère de désolation. Le traitement visuel joue par instant contre le film, nous immergeant par obligation. En d’autres termes, en collant sa caméra au plus proche des événements, on se retrouve immergés sans réellement créer un lien d’empathie avec les personnages. Comme s’il privilégiait l’action au détriment de ses personnages, l’immédiateté plutôt que la préparation.
Pourtant le film marche bien pendant une bonne heure, le réalisateur philippin étant formidable lorsqu’il capte l’atmosphère de sa ville, véritable fourmilière de pauvreté. Sa lumière sans artifices flagrants donne à l’image des atours de réalisme. Tout semble être fait pour jouer sur le style. Hélas au détriment d’une intrigue et d’un rythme qui s’effilochent dans la deuxième heure. Quelque chose dysfonctionne dans l’entreprise Mendoza ce coup-ci. Le suspense et le malaise de la scène du poste de police n’est pas un avant-goût de l’enfer que nous allons vivre mais presque le sommet du long-métrage. MA’ROSA livre ses meilleurs scènes lorsqu’il est dans un exercice d’oppression imposé par une unité de lieu. La caméra nerveuse liée à une limitation de l’espace permet de livrer deux moments où on retient littéralement son souffle. Tout le passage au poste de police évoqué auparavant mais aussi lors de la scène de filature où Rosa attend dans la voiture, que celui qu’elle a balancé vienne.
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On ne comprend pas comment le réalisateur philippin a pu perdre sa poigne, son art de nous lâcher des coups de poing francs et secs. Lorsque le film doit devenir difficile, il se la joue inexplicablement petit bras. Non pas que l’on cherche à être choqué par pur plaisir mais cette réserve qu’il pose désamorce une possibilité de tension. A l’image de toute la dernière partie où les enfants se mettent à chercher de l’argent pour la caution. Toute la galère inhérente à Manille ne semblent plus atteindre le récit d’un coup. Le film tombe dans une platitude visuelle et narrative nous empêchant d’être concernés. Peut-être nous sommes nous habitués à son cinéma et MA’ROSA démontre un besoin de renouvellement. Le script au potentiel certain sur le papier ne confirme aucune promesse une fois mis en images à cause du traitement formel fermé sur lui-même. Mendoza tente de nous rattraper par les sentiments in extremis mais il est déjà trop tard. Le choc que l’on attendait n’a jamais réellement eu lieu.
Publié le 18 mai 2016.
Maxime Bedini
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