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MICHAEL CIMINO – UN MIRAGE AMÉRICAIN, voyage au bout de la nostalgie – Critique

Jean-Baptiste Thoret n’en a pas fini avec Michael Cimino. Après une conversation enregistrée en 2010, puis la sortie d’un livre, voilà que le critique français réalise un film nous proposant de faire un état des lieux des décennies après le passage du cinéaste américain, dans la petite ville de Mingo Junction. C’est là où il tourna son chef-d’œuvre, Voyage au bout de l’enfer en 1977.

Jean-Baptiste Thoret et Michael Cimino, troisième acte

En 2010, le critique Jean-Baptiste Thoret réalise un rêve de cinéphile. Il décroche quelques jours d’entretiens auprès de l’agent de Michael Cimino. Un entretien à première vue classique qui va rapidement devenir autre chose, lorsque le réalisateur américain lui propose de prendre la route avec lui : « Si vous voulez comprendre mes films, vous devez voir les paysages où ils ont été tournés ». Jean-Baptiste Thoret embarque dès lors pour un road trip avec un artiste qu’il admire profondément et enregistre la plupart de leurs conversations, Cimino au volant de sa voiture. De cette série d’extraits audios naîtra par la suite un livre passionnant, publié en 2013 par Flammarion et écrit par JB Thoret (Michael Cimino, les voix perdues de l’Amérique).

Cimino se confie sur l’ensemble de sa carrière, ses succès, ses échecs, les projets qu’il refusa et ceux qu’il n’a jamais pu monter. Il parle aussi de son pays, qu’il n’a jamais cessé d’aimer en dépit d’un amour pas toujours réciproque. Il nous quitte en 2016, laissant derrière lui une filmographie atypique faite de très grands films et d’autres plus mineurs.

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Sur le tournage de Voyage au bout de l’enfer

Sous l’impulsion de la chaîne Arte, Jean-Baptiste Thoret accepte de repartir sur les traces du réalisateur en 2020 pour faire un documentaire de 52 minutes par la suite diffusé à la télé. Devant l’ampleur du contenu ramené par le cinéphile et son équipe, il est alors décidé, avec la complicité de la société Lost Films, d’en faire une copie prolongée destinée aux salles de cinéma. Intitulé MICHAEL CIMINO, UN MIRAGE AMÉRICAIN, le film dure désormais 2h10 et est programmé pour sortir dans nos salles obscures début 2022.

Un voyage nostalgique en Amérique

De par sa genèse, le film est scindé en deux parties bien distinctes. La première heure se situe uniquement dans la petite ville ouvrière de Mingo Junction où Michael Cimino tourna Voyage au bout de l’enfer en 1977. Jean-Baptiste Thoret et son équipe y retournent en hiver 2020. Le documentaire s’ouvre sur les plans de la ville aux mêmes endroits où Cimino planta sa caméra à l’époque. Thoret utilise la musique Katyusha sur ces plans, chant d’Europe de l’Est entendu également dans le film, pour un effet réussi, d’une belle puissance.

La nostalgie commence déjà à nous submerger et très vite, nous découvrons des visages. Ceux d’hommes et de femmes à l’intérieur d’un bar qui vont nous raconter leurs vies passées dans cette petite ville ouvrière. Puis comment un tournage de cinéma est venu jusqu’à eux dans les années 70. Ils se souviennent aussi de l’impact qu’aura provoqué la première vision du film, un film dont ils ne savaient rien lors du tournage.

Un beau voyage nostalgique dans une Amérique peu connue et un ultime hommage à Michael Cimino. 

Jean-Baptiste Thoret s’intéresse dans un premier temps à ces américains, procédant à un état des lieux toutes ces années après. Cela peut nous décontenancer dans le sens où l’on parle d’abord peu de Cimino, comme cela aurait sans doute été le cas dans un documentaire plus traditionnel. La balade est d’autant plus appréciable, car ce qui suivra sera plus classique dans sa narration, bien qu’important pour celles et ceux n’ayant rien lu sur le cinéaste américain. Cette première partie se termine avec l’arrivée de l’acteur John Savage sur la Cavatina de Stanley Meyers, autre grand moment élégiaque où l’émotion perce.

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John Savage ©Lost Films

Un cinéaste Fordien à la recherche de son Ouest

La seconde partie, plus linéaire, suit la voix off de Cimino recueillie en 2010 par le critique français qui se confie sur sa carrière. On reprend alors la plupart des choses écrites dans le livre en 2013, dans un hommage retraçant sa filmographie. L’occasion de revenir sur le douloureux souvenir causé par l’échec de La porte du Paradis, le deuxième film mis en scène par Michael Cimino après avoir raflé tous ces oscars pour Voyage au bout de l’enfer. Quentin Tarantino et Oliver Stone font office d’invités de marque, en analysant ses films, sa carrière. Stone nous raconte l’homme, l’ayant côtoyé plusieurs fois au travail et ses humeurs napoléoniennes. Il nous dit que Cimino était un immense artiste, mais il n’était pas simple et parfois dur avec les autres.

« Faire du cinéma, c’est inventer une nostalgie pour un passé qui n’a jamais existé »

Michael Cimino

Techniquement, Jean-Baptiste Thoret et son chef opérateur Laurent Brunet prennent le parti pris de tourner en CinémaScope. Un choix évident afin de s’aligner sur les standards utilisés par Michael Cimino dans sa mise en scène. C’est-à-dire utiliser des optiques courtes pour composer des plans très larges, immortalisant la grandeur et la magnificence des paysages de l’Ouest.

Évidemment marqué par le cinéma de John Ford, Cimino ne voulait pas verser dans la simple copie et il s’agit là du cœur du livre de JB Thoret, il était à la recherche d’autres paysages. Il est allé là où les autres n’allaient pas et aimait perdre ses acteurs dans l’immensité des décors naturels, comme pour rappeler la fragilité de notre condition humaine, mais aussi la puissance de la nature. Il est parti à la recherche de son Ouest.

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The Sunchaser ©Warner Bros.

MICHAEL CIMINO, UN MIRAGE AMÉRICAIN raconte tout cela et bien d’autres choses encore. Il se déguste comme un gros morceau dont on peut aussi s’interroger sur la durée et le public visé. Après We Blew it et Dario Argento, soupirs dans un corridor lointain, Jean-Baptiste Thoret a voulu aller encore plus loin, et nous présente ce troisième film comme son grand œuvre. Une œuvre réservée une fois de plus à une certaine audience cinéphile, mais le voyage en vaut incontestablement le détour.

Loris Colecchia

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afficheCimino - MICHAEL CIMINO - UN MIRAGE AMÉRICAIN, voyage au bout de la nostalgie - Critique
Titre original : Michael Cimino, un mirage américain
Réalisateur : Jean-Baptiste Thoret
Scénario : Jean-Baptiste Thoret
Acteurs principaux : John Savage, Tommy Fitzgerald, James Toback, Quentin Tarantino, Oliver Stone
Date de sortie : 19 Janvier 2022
Durée : 2h10min
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