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Quelque peu passé à la moulinette des Weinstein, MIMIC contient tout de même en germe la force créative de son auteur : un Guillermo del Toro, alors novice à Hollywood.
À la fin des années 90, Guillermo del Toro n’est pas encore le monstre sacré du cinéma que nous connaissons aujourd’hui. Il n’en demeure pas moins un jeune réalisateur prometteur. Après quelques épisodes de séries télé et deux courts-métrages, Cronos, son premier long, sort en 1993. Le film est remarqué dans plusieurs festivals, de Cannes aux Saturn Awards. Survient ensuite un événement tragique… Le père de Guillermo del Toro est enlevé contre rançon en 1997 au Mexique, son pays natal. Le réalisateur émigre alors vers les États-Unis… Et MIMIC devient son premier projet sous obédience hollywoodienne.
Bien qu’il ait pu trouver financement pour cette œuvre co-écrite avec Matthew Robbins, le tournage, sous l’égide de la société de production Miramax, se révéla éprouvant. Autant pour lui, que pour ses équipes. En effet, les frères Weinstein, alors à la tête de Miramax, ne cessèrent de contester les décisions de del Toro. Avec son budget limité, Bob Weinstein considérait MIMIC comme une série B horrifique générique. Tandis que son metteur en scène nourrissait davantage d’ambition pour son film. Le conflit fut tel que les Weinstein virèrent del Toro en pleine production. Mira Sorvino, l’actrice principale, dut faire pression en menaçant de quitter le navire, si le réalisateur n’était pas rappelé.
Del Toro par le menu
MIMIC naît donc dans la douleur. Et, si del Toro ne le désavoue pas totalement, le principal intéressé l’évoque, aujourd’hui encore, avec amertume. Pourtant, le film se révèle bel et bien empreint de la patte de de l’artiste. D’abord, et cela relève de l’évidence, parce qu’on y croise des monstres. Des insectes mutés génétiquement, jusqu’à atteindre une taille et une forme presque humaine. Dans les égouts de New-York, il se repaissent des sans abris, drogués et autres paumés, jusqu’à ce que cela ne suffise plus et qu’ils doivent explorer la surface pour trouver de nouvelles proies. Oui, le pitch sonne comme du del Toro. À n’en point douter.
L’esthétique des bestioles renvoie, de plus, à tout l’univers visuel déployé depuis par le réalisateur. Ces insectes de taille colossale évoquent à la fois l’imaginaire des classiques de la Hammer et la passion de del Toro pour la sensorialité des matières et autres fluides. Ces monstres ont une « gueule », un abdomen et des entrailles quasiment palpables à l’image. On sent presque sous nos doigts la carcasse dure mais fragile de l’insecte, ainsi que sa bouillie interne peu ragoutante… MIMIC présente également un travail du son remarquable, avec une recherche de gimmicks sonores qui participent à installer suspense et angoisse.
Tensions indicibles
Guillermo del Toro impose ainsi son style, malgré la pression exercée par Miramax. Il filme les souterrains abandonnés du métro new-yorkais comme un repaire de monstres steampunk. Presque comme une fable de Lovecraft, transposée à la fin du siècle dernier. Entre autres thèmes récurrents du réalisateur, on croise des enfants au destin funeste – à l’exception de l’étrange gamin, visiblement autiste, avec des capacités insoupçonnées. Également un père d’origine italienne, qui brandit une croix devant ce qu’il ne parvient pas à expliquer. Tous ces éléments confèrent à MIMIC une ambiance pesante et propre à son auteur.
Cependant, les tiraillements entre vision artistique et production demeurent cruellement visibles. En effet, certains personnages manquent de relief. À l’image du co-enquêteur incarné par James Brolin, semble-t-il posé là pour donner des allures cool et rebelles au projet, sans pour autant porter le moindre enjeu. De même que le happy end final, entre explosions et bons sentiments, paraît en tout point forcé et incohérent. Del Toro confiera bien plus tard qu’il diffère de la fin qu’il avait initialement écrite… Nonobstant, MIMIC ne manque pas pour autant de caractère et vaut le coup d’œil pour ce qu’il tient d’éloquent dans la filmographie de son réalisateur.
Lily Nelson
• Réalisation : Guillermo del Toro
• Scénario : Matthew Robbins, Guillermo del Toro
• Acteurs principaux : Mira Sorvino, Jeremy Northam, Giancarlo Giannini, James Brolin
• Date de sortie : 24 septembre 1997
• Durée : 1h42min