Naufrage en eau chlorée, Night Swim présentait un réel potentiel, malencontreusement gâché par un scénario à l’écriture paresseuse et par une mise en scène en-deçà des attentes générées par le court-métrage original.
Miskimmer
Avec NIGHT SWIM, le jeune réalisateur Bryce McGuire adapte en long-métrage l’un de ses courts de 2014. Une piscine, une nageuse, quelque chose dans l’eau… En à peine quatre minutes, cette première mouture parvenait à instaurer une ambiance inquiétante, avec un travail du son et de la lumière efficace et sans fioriture. Malheureusement, étiré sur 1 h 38, le concept perd de sa saveur et en devient même ridicule. Exit la nageuse solitaire, cette fois, on suit les déboires d’une famille-type américaine qui emménage dans une maison de rêve – avec piscine dans le jardin, donc. Le père, atteint d’une sclérose en plaques, en profite pour s’enivrer des bienfaits de l’hydrothérapie. Et c’est là que le bât blesse. À l’image, le malotru paraît possédé par l’évacuation du bassin et la force obscure qui en émane suscite dès lors bien plus le rire que l’effroi.
Dommage. Car NIGHT SWIM témoigne, dans son premier quart, d’un réel potentiel. À force de murmures dans les skimmers et d’apparitions fantomatiques, le film plaque les codes de la maison hantée sur les contours de sa piscine. De bonnes idées, malheureusement gâchées par un recours à des monstres numériques bien inutiles et à un scénario superficiel, sans le moindre éclat. Bardé de longueurs, le récit tente avec grand-peine d’expliciter la complicité entre le père et la fille, puis la distance entre le père et le fils. Et au milieu du cercle familial se tisse une malédiction, vite expédiée entre quelques scènes de remplissage. Bryce McGuire semble effectivement bien plus intéressé par la mise en scène du sursaut, que par la nécessité de raconter une histoire. Un défaut qui faisait pourtant la force de son court-métrage original.
La noyade
D’un point de vue artistique, NIGHT SWIM déçoit d’autant plus que le fameux court présentait une mise en abîme de la piscine esthétiquement réussie. Dans le cadre noir de la nuit, le bleu turquoise du bassin créait un espace lumineux et rassurant, d’où le danger ne semblait pas pouvoir surgir. Dans le long, jour ou nuit importent peu, et la créativité se limite à n’immerger la caméra qu’à la surface du bassin. Des idées fortes du court-métrage, on retrouve le contraste entre le fond de la piscine, d’où les contours paraissent flous et les sons étouffés, et la surface de l’eau, où tout redevient net et audible. Malheureusement, la débauche d’effets numériques cheaps nuit à ce jeu sur le son et la lumière, puisque le film abandonne tout effort dès lors qu’il dévoile ses monstres.
À la production, on retrouve les sociétés Blumhouse et Atomic Monster – fondées respectivement par Jason Blum et James Wan. Un détail important, dans la mesure où NIGHT SWIM semble rigoureusement entrer dans le moule artistique des sorties horrifiques calibrées pour un large public. Une image propre et lisse, un décor de banlieue sans âme, à peine quelques effusions de sang au risque de faire désordre… L’ennui en devient abyssal, tant sur le fond que sur la forme. La composition léchée de certains plans prouve le talent certain du réalisateur, néanmoins il ne parvient jamais à se détacher de la “patte Blumhouse”. En résulte un triste constat d’échec.
Et enfin, le naufrage
En effet, NIGHT SWIM était prometteur : il avait tout pour susciter la curiosité avec un postulat original. Malheureusement, il tombe dans le drame familial facile, carte abattue perpétuellement dans le genre horrifique récent. Depuis Hérédité d’Ari Aster en 2018, les projets autour de la cellule familiale semblent effectivement exciter les producteurs de films d’horreur – même si, bien sûr, la thématique se veut récurrente dans le genre et ce, dès ses origines. Or, n’est pas Ari Aster qui veut. En témoigne la flopée de productions médiocres parues l’an passé, qui jouent toutes des variations sur ce même thème. Citons en vrac Le Croque-mitaine, Evil Dead Rise ou 5 Nights at Freddy’s.
Toutefois, la pierre n’est pas forcément à jeter en direction des producteurs. En réalité, NIGHT SWIM échoue, car il ne sait que faire de son concept. Si une piscine hantée peut paraître fantastique sur le papier, encore faut-il construire un scénario autour et parvenir à raconter quelque chose d’un tant soit peu lisible et censé. Le problème de NIGHT SWIM est qu’il ne raconte rien. Ou alors de manière trop superficielle pour parvenir à créer de réels enjeux. Les personnages souffrent d’un cruel manque de développement, si bien qu’on ne s’y attache jamais vraiment. De même, leurs motivations reposent sur des évidences simplistes. Et l’on tombe dans les travers de ces films qui n’ont rien à offrir, sinon les quelques fulgurances déjà présentes dans la bande-annonce. Touché, coulé.
Lilyy Nelson