Vous reprendrez bien un peu de zombie ? C’est parfait pour l’heure du thé. Pour ceux qui goûtent encore au découpage de chair putréfiée, malgré l’omniprésence actuelle de la figure du mort-vivant dans les différents médias, voici un divertissement aux accents british des plus délectables.
La prose de Jane Austen infestée par des morts-vivants…après tout, pourquoi pas, au point où on en est ! Abraham Lincoln a bien chassé du vampire pour Timour Bekmambetov, Daniel Craig s’est retrouvé au milieu d’un champ de bataille entre Cowboys et Aliens, et les nazis se la raconte space opera avec la saga des Iron Sky; alors vu le degré de dégénérescence atteint par ce genre de projets crossovers, on va pas jouer les vierges effarouchées à l’annonce de chaque concept improbable.
À l’origine d’ORGUEIL ET PRÉJUGÉS ET ZOMBIES, on trouve un roman écrit justement par Seth-Grahame Smith, le scénariste d’Abraham Lincoln, chasseur de vampires; roman qui fut l’un des best-sellers de l’année 2009 aux États-Unis. Il faut dire que la formule était simple, efficace et avait toutes les chances de séduire le public : introduire la figure du zombie, soit l’une des plus présentes dans la culture populaire actuelle, dans l’univers de Jane Austen, que les jeunes anglophones connaissent bien puisque il représente depuis deux siècles, un passage presque obligé de l’éducation sentimentale, à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Un décorum situé en queue de comète de l’époque romantique, annonçant déjà les bouleversements économiques, politiques et technologiques de l’ère victorienne; une pierre angulaire dans la littérature dont il suffit de compter les adaptations cinématographiques, télévisuelles et théâtrales pour constater la pérennité. Qui cherche à décrypter l’éternel discours, brodé siècle après siècle, où s’entremêlent l’expression des sentiments, les conventions de l’hétérosexualité et plus largement celles des sociétés prescrivant leur place aux femmes, savent qu’ils pourront toujours compter sur le regard affûté de Jane Austen.
De prime abord, ce qui m’a sauté aux yeux dans le film de Burr Steers, c’est sa générosité en termes d’action et d’effusion de sang, surtout dans son premier quart-d’heure, multipliant les angles de caméra et les effets de montage pour garantir son caractère burlesque au gore. Le générique de début sous forme de livre pop-up signe d’emblée la promesse d’un divertissement qui ne reculera d’avant aucun effet poseur, et assumera jusqu’au bout son esthétisation de la violence. Les lames sont scintillantes, les jupons virevoltants, la musique épique; pour peu il se dégagerait une appétissante odeur de pop-corn de ce flot d’images enlevé. Puis progressivement, mon oreille s’aiguise aux répliques qui ne sont pas parasitées par un bruitage digne d’un jeu vidéo; tiens, tiens, mais c’est le texte original d’Orgueil et Préjugés; à la virgule près dans certaines séquences ! Ils ont osé ! ils n’ont pas simplement gardé une vague caractérisation des personnages et un canevas d’enjeux sentimentaux; ils ont préservé une large partie du texte, suivant ainsi la structure du récit de manière fidèle…mais avec des zombies.
Ce divertissement possède un atout puissant : Lily James en combattante badass !
Je saisis enfin la consigne de l’exercice que se sont donné Burr Steers et Seth Grahame-Smith, et je savoure même pendant quelques instants ce jeu de tricotage entre deux types de récits, deux genres cinématographiques dont la rencontre atteint un degré d’improbabilité tel, que cela en devient presque poétique : une maille de Jane Austen classique et académique par-dessous, une maille de zombies fun et décérébré par-dessus. Cependant, même s’il est difficile de reprocher au film sa longueur ou ses baisses de rythmes, l’exercice de style finit par m’ennuyer avant le dénouement de l’histoire, me laissant regarder le déchaînement d’action avec un oeil distant, las de retrouver une fois de plus à l’écran la fameuse « grosse baston du dernier quart-d’heure », sans que ni la ligne Jane Austen, ni la ligne zombies marrants, ne réussissent à m’emmener vers des émotions cinéphiliques inédites.
Je retiendrais tout de même de ce divertissement du samedi soir, correctement exécuté et porté par un casting des plus sympathiques (Charles Dance, Lena Headey, Matt Smith), l’incarnation de la supra-héroïne Elizabeth, aussi craquante en demoiselle romantique que jubilatoire en combattante badass. Si les deux composants de la formule du film ont parfois du mal à aboutir à un matériau homogène, l’interprétation de Lily James rend cohérente et émouvante, l’alliance d’un fier tempérament et d’une sensibilité pleine de fraîcheur. Girl Power ! Pardon, je m’emporte…Lady Power !
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• Réalisation :Burr Steers
• Scénario : Burr Steers, d'après le roman de Seth Grahame-Smith
• Acteurs principaux :Lily James, Sam Riley et Bella Heathcote
• Date de sortie : 29 mars 2017 en DVD, Blu-ray et VOD
• Durée : 1h48min