

Que nous étions naïfs, êtres humains non britanniques, lorsque nous ne savions pas que les péripéties d’un ours en duffle-coat amateur de marmelades et de gaffes en tout genre puisse devenir symbole d’émerveillement, de retour en enfance et de divertissement rempli de charme. Depuis, deux aventures ont sublimé les grands écrans, et la saga Paddington est devenue un modèle de film familial intelligent et élégant. On trépignait alors d’impatience de découvrir si le dernier périple de l’ours péruvien dans son pays natal sans le réalisateur habituel allait toujours amener de la chaleur dans nos cœurs…
Cette fois, c’est la jungle
C’était la surprise pour la personne qui vous parle, et qui ne représente pas le public évident pour ce genre de production : les deux premiers films Paddington, orchestrés par le talentueux Paul King en 2014 et 2017, se révélaient de superbes aventures bon enfant mais inventives et réalisées avec soin. Mais l’anglais a dû laisser sa place pour aller fabriquer sa propre chocolaterie (et prouver encore une fois que divertissement grand public n’a pas à rimer avec facilité et fainéantise) avec Wonka (2023), porté par le toujours plus doué et charmeur Timothée Chalamet. A l’image de l’inventif chocolatier, King redoublait d’efforts et d’ingéniosité pour composer de fabuleuses recettes et aboutir à de bien belles créations pleines de vies et de couleurs. Mais il fût donc remplacé ici – King reste co-auteur de l’histoire – par Dougal Wilson, un vétéran (53 ans) dans la réalisation de pubs et de clips notamment, et qui met en scène son premier long-métrage.
Disons-le avec l’impassibilité d’une porte de métro londonien qui se referme sur un ours maladroit : alors que paradoxalement, le nouveau décor investi promettait encore plus de folies, les tribulations de Paddington dans le darkest Peru ne sont pas aussi inspirées que ces précédentes mésaventures dans la capitale britannique.
Pas si dark, ce Pérou
Et si ce fameux Pérou lointain brille peut-être sous un soleil trop lisse et des péripéties assez attendues par rapport au potentiel exploitable et après deux films colorés et riches jamais entravés par la grisaille londonienne, PADDINGTON AU PÉROU continue de s’amuser avec ses décors, avec lesquels ses personnages interagissent avec l’humour burlesque caractéristique de l’univers. Wilson ne manque donc pas de donner à son protagoniste de couler un bateau, chevaucher un lama ou redéfinir l’architecture d’un site sacré à lui tout seul. C’est toujours la grande force de la franchise, revenir à certaines bases du cinéma, magnifiées par des Chaplin et Keaton auxquels elle rend hommage : s’appuyer sur le mouvement et l’interaction avec les décors. Comme d’habitude, la petite famille et le reste du cast a aussi l’occasion d’amuser, entre Olivia Colman, Emily Mortimer (qui remplace sans difficulté Sally Hawkins) ou encore l’irrésistible Hugh Bonneville, impayable en père de plus en plus courageux. Et c’est aussi l’occasion pour Antonio Banderas de rappeler ses talents dans le genre, après une triste partition dans le fainéant Uncharted. Cerise sur le gâteau, Hayley Atwell passe même une tête, ce qui ne se refuse jamais.
Preuve que l’entreprise est toujours animées des bonnes intentions : personne ne tombe dans le ridicule. Malgré un scénario simple et un ton très (trop?) bon enfant et consensuel – encore plus en VF – l’ensemble reste drôle (le coup du déo) et toujours léché.
Car comme le rappelle le très bon et très sympathique Antoine Desrues, grand fan du personnage créé par Michael Bond en 1958, on peut être un adulte et cinéphile exigeant (voire critique professionnel bien sûr) et apprécier les aventures d’un ours péruvien aussi mignon que la peluche à son effigie. L’aventure familiale est traitée avec suffisamment de respect et d’amusement pour se laisser porter par cette boule de poils certes numérique, mais pourtant dotée de bien plus de cœur que beaucoup d’autres réalisations du genre… Marmelade forever.
Simon BEAUCHAMPS