couverture - PORTRAITS FANTÔMES, regarder ce qui disparaît - Critique
Crédits : Wilson Carneiro da Cunha

PORTRAITS FANTÔMES, regarder ce qui disparaît – Critique

En posant sa caméra sur Recife, Kleber Mendonça Filho scrute une période de transition, la disparition progressive des salles de cinéma dans sa ville natale. Un voyage bucolique et enchanteur par le réalisateur de Bacurau, en salle cette semaine.

Si les spectateurs se ruent vers Le Garçon et le Héron, il serait dommage de passer à côté de ce périple spirituel et autobiographique offert par Kleber Mendonça Filho. Avec PORTRAITS FANTÔMES, le réalisateur quitte la dystopie engagée au profit d’un récit intimiste et envoûtant dans sa ville natale. Entre images d’archive, extraits de films et contemporanéité, le puzzle sémantique engendré façonne un autoportrait touchant.

Tripartite, le documentaire s’attarde dans un premier temps sur la maison et la nostalgie des temps bénis de l’enfance. Premier film, première caméra, caractérisation des lieux sacrés de l’imagination…un prologue détonateur de ce qui fera par la suite toute la particularité du cinéma de Mendonça Filho. Non sans humour, la voix off accompagne chaque plan, des photos qui s’enchaînent jusqu’aux images capturées par la caméra familiale. Un élan inaugural touchant et explicite de toutes les motivations du metteur en scène.

Photo du film PORTRAITS FANTÔMES
Crédits : Joao Carlos Lacerda

Avec une véritable intuition poétique quand il s’agit de filmer sa ville, Mendonça Filho traite par la suite du temps et de son passage inéluctable. Sans tomber dans un pathos mélancolique, c’est même avec une certaine rigidité qu’il constate les mutations de sa ville. Ce territoire vaste devient un véritable sujet de cinéma, que le metteur en scène nous fait littéralement visiter. Le documentaire prend ainsi des airs de balades bucoliques, sans jamais omettre son principal sujet. Une réussite narrative qui participe au rythme entraînant du documentaire.

Au tréfonds de ce voyage aux multiples facettes et composantes se joue aussi une inquiétude tout à la fois politique et cinématographique. Si les salles de cinéma disparaissent, que reste-t-il ? Cet enjeu est comme condensé dans ce qui apparaît comme l’une des scènes-clés du film. Dans le dernier tiers, l’un des cinémas de Recife est remplacé par une église. Une manière d’ausculter l’évolution des croyances, qui se déplacent de la fiction thérapeutique vers une force collective.

Photo du film PORTRAITS FANTÔMES
Crédits : Cinemascopio

Cette introspection exhibée et le ton méditatif global pourraient sembler des abus narcissiques. Il n’en est rien, bien au contraire. Si Mendonça Filho invite à faire face à ce qui vient, la mutation des salles, c’est aussi avec espoir qu’il observe ces changements. Le cinéma, comparaît à un phénix , « meurt et renaît ». Une phrase énoncée dans le dernier tiers qui trouve un écho dans l’extraordinaire séquence de conclusion dont on ne vous dévoilera pas les tenants et aboutissants. La dernière pièce d’une mosaïque sémantique, clôture d’un film qu’on prendra plaisir à revoir.

Emeric Lavoine

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4
Un envoutant voyage.

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