[dropcap size=small] Q [/dropcap]UEEN OF EARTH , le quatrième long métrage d’Alex Ross Perry relève plus d’un exercice de style ambitieux au résultat inégal que d’une réelle fiction quelque soit son genre : thriller, drame, teen-movie…
Si la réalisation et la mise en scène attribuent au film un intérêt certain, il se voit malheureusement écrasé par la faiblesse du scénario et l’étonnante absence d’intrigue.
QUEEN OF EARTH semble vouloir s’inscrire dans le registre exigeant du « cinéma d’auteur », la forme au service du fond. Mais le film n’y parvient que partiellement. On assiste à un film dont la dramaturgie fragile et quasi inexistante tente de servir d’alibi à une démonstration formelle dont les limites sont rapidement visibles.
Après Listen up Philip, le réalisateur s’intéresse aux portraits de femmes écorchées et tente de plonger au cœur des eaux troubles de leurs émotions à travers le duo Elisabeth Moss – Katherine Waterson.
Le film démarre avec une promesse de maîtrise. Il s’ouvre par un plan séquence sur le visage échevelé de Catherine en larme. Elle répond en sanglot à James qui la quitte. Son visage est blanc, ses lèvres rouges et ses yeux noircis dégoulinent. Gros plan fixe filmé sans pied. Cette figure aux allures de clowns méchant n’est interrompu qu’une unique fois par un très court contre-champs, un insert de quelques secondes du visage de James, l’élément temporel qui permettra de remettre les scènes du film dans l’ordre chronologique. Le réalisateur a en effet choisi d’avoir recours au flash back pour évoquer la genèse de la démence qui se repend dans le corps et l’âme de Catherine.
A l’image de cette première scène, il y a donc de très bons choix formels tout au long du film. Le huis-clos de la maison, haut symbole de l’enfermement mental, est filmé selon 2 échelles de plans. Catherine apparaît systématiquement en plan serré dans la nervosité d’une camera épaule et lorsqu’on la retrouve dans un plan large, elle y demeure coincée dans l’encadrement d’une porte ou perdue dans le vide d’une pièce trop blanche. Cette alternance parvient à créer une sensation d’oppression puis de vide chez le spectateurs, tel un corps incapable de trouver sa place et sa sérénité. La lumière projetée sur son visage dans certaines séquences en extérieur lui donne des allures de spectres errants et le réalisateur n’hésite pas faire un zoom sonore sur les accélérations des battements du cœur de la comédienne se livrant à un monologue glacial.
On ne peut pas nier que le voyage dans l’intime d’un corps qui souffre est une belle réussite du point du vue de la réalisation. Si beaucoup de longueurs parviennent tout de même à s’installer c’est parce que le scénario pèche par un manque cruel de ligne directrice.
L’utilisation abondante du flash back nous déroute totalement. Ces scènes du passé sont étonnamment trop riches et il ne se passe plus rien dans le reste du film. Le réalisateur semble avoir à cœur de retracer le background psychologique des personnages mais il ne fait que ça et en oublie, surement dès l’écriture, de penser l’intrigue et les enjeux du présent !
« Il y a un gros problème d’équilibre entre une antériorité dont on veut nous montrer les conséquences mais dont on ne dit finalement plus rien. L’histoire disparaît au profit d’un pur portrait psychologique dans le passé. »
Que se passe t-il maintenant? Que veut nous dire le film ? Rien d’autre malheureusement qu’une suite de situations et dialogues survolés et transparents. On débute sur une rupture amoureuse mais on traverse le film sans rien en savoir. Sauf dans le dernier quart du film mais on a changé de direction. On est passé par une histoire d’amitié, là encore sans véritablement la creuser autrement que par une opposition manichéenne attendue. Et puis c’est aussi l’histoire d’une fille et son père, la dépendance, le deuil etc. Beaucoup de chose mais peu de consistance à l’arrivée. Le film perd tout intérêt et traînaille au gré de ses allez-retours dans le temps et de ses multiples amorces de pistes avortées, on s’ennuie.
Les comédiennes quant à elles sont bonnes sans être époustouflantes, quelques beaux moments sont à noter pour Elisabeth Moss relativement intense dans ses monologues mais elle frôle tout de même parfois le ridicule et se montre plus grimaçante qu’inquiétante. On a malheureusement par moment envie de se moquer. Il faudra oublier une scène tant elle fait plus penser à une parodie de film d’horreur qu’à la manifestation bouleversante de la folie ; lorsque lors d’une soirée des invités se transforment en monstres s’approchant de Catherine toutes mains crochues et yeux sortant des orbites…
Non, on ne se souviendra pas de QUEEN OF EARTH malgré sa réalisation précise et conceptualisée car le film ne bénéficie pas d’un socle scénaristique assez solide pour être à la hauteur de ses ambitions. Dommage, ça aurait pu être vraiment mieux…
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• Titre original : Queen of Earth• Réalisation : Alex Ross Perry
• Scénario : Alex Ross Perry
• Acteurs principaux : Elisabeth Moss , Katherine Waterson, Patrick Fugit
• Pays d’origine : Etats Unis
• Sortie : 9 septembre 2015
• Durée : 1h30
• Distributeur : Potemkine Films
• Synopsis : Catherine traverse une mauvaise passe. Son amie d’enfance, Virginia, l’emmène dans la maison de campagne de ses parents, nichée au bord d’un lac. Le lieu semble idéal pour se ressourcer, mais l’état de Catherine se dégrade et ne tarde pas à prendre une tournure inquiétante.
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