SI BEALE STREET POUVAIT PARLER

SI BEALE STREET POUVAIT PARLER, une histoire lumineuse dans une Amérique bien sombre – Critique

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Corroborer ou désenchanter. Tel est le défi lancé aux récompensés après chaque remise de prix. Après avoir été oscarisé en 2016 pour MOONLIGHT, Barry Jenkins ne fait pas exception à la règle. Et pour son troisième film, SI BEALE STREET POUVAIT PARLER, le réalisateur confirme son talent en donnant vie avec délicatesse à l’histoire d’amour d’un couple confronté à des injustices sociales et raciales.

Si Beale Street pouvait parler, elle aurait de nombreuses histoires à raconter. Cette artère de Memphis a été le cœur battant du blues, le lieu de passage de légendes comme Louis Armstrong ou Albert King ainsi qu’une des pionnières des droits des Africains-Américains. C’est aussi dans cette rue que de nombreuses histoires d’amour sont nées. Comme celle de Tish (Kiki Layne) et Fonny (Stephan James), si proches depuis l’enfance que leur rapprochement a été une évidence. Une relation poétiquement racontée dans SI BEALE STREET POUVAIT PARLER, adaptation du roman éponyme de James Baldwin.

Dans l’Amérique des années 70, en proie aux injustices sociales et à la discrimination raciale, le jeune couple essaie de survivre alors que Fonny est envoyé en prison pour un crime qu’il n’a pas commis. Alors qu’elle se consacre à libérer son fiancé, Tish découvre qu’elle est enceinte. Pleine d’espoir et de certitude, elle se lance alors dans un combat pour que son enfant ne vienne pas au monde dans celui qui a injustement condamné Fonny. Dès l’annonce de sa grossesse, s’alternent alors des souvenirs poétiques de leur histoire d’amour et des étapes cruciales dans la préparation du procès de Fonny. Un récit en parallèle pour un résultat plus que réussi.

Photo du film SI BEALE STREET POUVAIT PARLER

Visuellement, SI BEALE STREET POUVAIT PARLER est un bijou. En continuant dans la lignée esthétique de Moonlight, Barry Jenkins continue à allier couleurs, luminosité et rythme avec brio et délicatesse. Dans une Amérique malheureusement trop sombre, l’histoire est ponctuée de vert sapin, de blanc virginal ou encore de jaune ocre. Autant de touches de couleurs apportés avec parcimonie par les décors ou les vêtements des personnages. La somptueuse garde-robe colorée de Tish apparaît alors comme l’incarnation d’un message d’espoir dans un monde où c’est « Nous versus le monde. » Ce « nous », c’est la jeune femme et son compagnon face à une société injuste puis sa famille qui se ralliera à son combat. Tous sont ainsi illuminés avec délicatesse et poésie par une lumière talentueusement orchestrée qui caresse leur peau à chaque instant.

Au-delà de leur histoire touchante, Fonny et Tish sont d’autant plus attirants que chaque seconde du film semble être utilisée pour les magnifier et les rendre encore plus beaux. Ce sont d’ailleurs ces mêmes secondes qui peuvent parfois paraître longues mais qui servent à la mise en beauté du récit mais aussi son rythme narratif. Avec ses pauses et ses lents travellings d’un personnage à l’autre, SI BEALE STREET POUVAIT PARLER permet aux spectateurs de prendre le temps de voir les personnages respirer, se regarder et s’émouvoir. Le rythme permet également de restituer une intensité palpable lors de certaines scènes cruciales comme celle de l’annonce de la grossesse de Tish.Photo du film SI BEALE STREET POUVAIT PARLERCette dernière scène marque d’ailleurs une rupture dès le début l’histoire. Alors que le décor politique et social riche de l’époque s’installe, cette annonce présage la difficulté de la libération de Fonny. Dès la nouvelle de sa grossesse et son rythme brutal et crescendo, la réaction de sa belle-famille divulgue l’épreuve que va être son futur. Comme lors de sa relation avec Fonny, ce sera « Nous versus le monde » malgré l’emprisonnement de ce dernier.

Tish a avec elle sa famille aimante dont sa mère (Regina King, nommée pour l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle) et contre elle une Amérique religieuse, raciste, discriminante et violente. Ce « Nous» désigne tour à tour Fonny et Tish, cette dernière et sa famille ou encore la jeune fille et son enfant… dans tous les cas tous obligés de faire face aux difficultés sociales, politiques et judiciaires de leur pays. SI BEALE STREET POUVAIT PARLER ne se réduit donc pas à une opposition manichéenne entre biens et méchants mais pose le décor pour de nombreux problèmes de société. Du viol à la discrimination raciale en passant par le vol, le long-métrage témoigne d’une réalité difficile et complexe.Photo du film SI BEALE STREET POUVAIT PARLERSI BEALE STREET POUVAIT PARLER communique non seulement l’extase d’une histoire d’amour idéalisée par le point de vue de l’héroïne mais également une réalité politique et sociale poignante. Au-delà de la relation entre Fonny et Tish, Barry Jenkins témoigne des problèmes sociaux de l’Amérique des années 70 qui ont malheureusement l’air beaucoup trop modernes et d’actualité. Ce long-métrage utilise la beauté et des images oniriques pour témoigner de ces injustices et des traumatismes de chacun pour un résultat poétique et sensible accompagné par une magnifique bande sonore signée Nicholas Britell.

Sarah Cerange

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Note des lecteurs3 Notes
Titre original : If Beale Street Could Talk
Réalisé par : Barry Jenkins
Acteurs : Kiki Layne, Stephan James, Teyonah Parris
Production : Plan B Entertainment et Pastel Productions
Date de sortie : 30 janvier 2019
Durée : 117 minutes
4
Poétique

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