Quatre femmes dans l’état du Gujarat vivent sous le diktat d’une société misogyne qui ne les épargne pas. Ensemble, elles avancent vers leur désir d’émancipation.
LA SAISON DES FEMMES, film de la cinéaste indienne Leena Yadav, sorti en avril dernier en salles, sort en DVD chez Pyramide vidéo le 20 septembre 2016. Le film coup de poing sur la condition des femmes en Inde rassemble tout de même les ingrédients d’un Bollywood et détone par sa très belle photographie (Russell Carpenter, le directeur photo de Titanic).
Malgré sa petite trentaine, Rani (Tannishtha Chatterjee) est déjà veuve et sur le point de marier son fils Gulab, petit vaurien qui a déjà adopté tous les codes misogynes de la société indienne. A ses côtés, Lajjo (Radhika Apte), femme battue par son mari, Bijli (Surveen Chawla) danseuse et prostituée et Janaki, la jeune épouse de son idiot de fils. Toutes les quatre se retrouvent régulièrement pour échapper un temps à leur quotidien et partent en virée à bord d’une moto-carriole improbable. Le film montre une réalité sans fard de la violence faite aux femmes et dénonce une société archaïque où chacun est enfermé dans un rôle. Il montre aussi (ce qui est plus rare dans le cinéma indien) que les femmes ont beau être assouvies, elles ne sont pas pour autant dénuées de désir et de plaisir. La preuve avec Rani émoustillée par les appels mystérieux qu’elle reçoit d’un homme portant le même nom qu’une star célèbre ou de Lajjo et Rani qui s’effleurent avec sensualité lorsque la seconde tente de panser les blessures de l’autre. LA SAISON DES FEMMES rend hommage à ce qui nous fait universellement femmes, indépendamment de notre culture ou notre réalité.
Pourtant malgré l’audace et la velléité louable de la réalisatrice à réhabiliter l’image de la femme dans son désir de liberté, malgré les scènes réjouissantes où les quatre femmes prennent le large, le film reste néanmoins assez inégal mêlant des scènes de danse (bah oui c’est un film indien quand même !), des scènes comiques et des passages tragiques (la scène du viol collectif noyé dans un montage simultané) et finit par nous laisser à distance en nous obligeant à des moments de rupture. On aurait aimé se projeter en elles, leur ressembler et comme dans les Bollywood classiques, éprouver le plaisir de nos émotions primaires. Ici, l’excursion vers un cinéma plus indépendant semble trop tournée vers un public occidental (orientalisme assuré !), et finit par décevoir un peu.
Ceci étant dit LA SAISON DES FEMMES reste un film à découvrir pour sa belle cinématographie, son interprétation réussie, son humanisme certain et son énergie déployée. Et bonne nouvelle, le film qui était jusque là censuré dans son pays, sort le 23 septembre en Inde !
Anne Laure Farges