Un film d’horreur sous l’eau. C’est le pari fou d’Alexandre Bustillo et Julien Maury, réalisateurs de THE DEEP HOUSE. Ont-ils remporté la mise ? Rien n’est moins sûr.
L’urbex, autrement dit « l’exploration urbaine », est à ce point horrifique de nature, que l’on ignore qui du film d’épouvante ou de l’urbex s’est inspiré de l’autre. Il s’agit, pour un groupe de passionnés, d’explorer un lieu désaffecté, dont l’accès est interdit, généralement de nuit. Depuis quelques années, la discipline suscite un nouvel engouement avec l’essor des YouTubeurs spécialisés. Du point de vue des viewers, beaucoup diront que Le Projet Blair Witch en présente une forme embryonnaire. D’autres, qu’en réalité, l’urbex n’est rien d’autre qu’un type de tourisme historique. Et que les versions filmées pour Internet nourrissent à des fins mercantiles un imaginaire populaire, fondamentalement lié au cinéma d’horreur.
Un nouveau filon
Il n’empêche que, débat mis à part, la discipline de l’urbex a offert à l’industrie du film d’horreur un formidable filon à exploiter, voire à « actualiser ». Le found-footage prend désormais pour toile de fond le prétexte de YouTube. Et se rend peut-être ainsi plus crédible que ses aînés qui, souvent, peinaient à expliquer cette pénible obsession de garder la caméra allumée. Depuis YouTube, l’obsession de filmer s’est associée à celle d’engranger le maximum de vues. Et ce, dans un grand concours de popularité, organisé à une échelle mondiale. Naît alors une critique facile de la course aux likes que malheureusement, THE DEEP HOUSE embrasse d’un peu trop près, quitte à en faire des caisses.
THE DEEP HOUSE n’est pas le premier film d’horreur à s’appuyer sur le phénomène. Grave encounters a, en effet, plus ou moins ouvert le bal en 2011 – à ceci près qu’il avait choisi de placer son action sur le tournage d’une télé-réalité d’enquête paranormale. Le très oubliable Urban explorer et le sympathique Catacombes approcheront peu à peu la pratique amateur. Puis, enfin, Night shot mettra les pieds dans le plat en 2018. Redite à la française de Grave encounters, le film met cette fois-ci bel et bien en scène des YouTubeurs urbex. Or, si Night shot apparaissait déjà comme du réchauffé… que fallait-il au genre pour se renouveler ? Avec THE DEEP HOUSE, Alexandre Bustillo et Julien Maury proposent d’y injecter de la nouveauté avec un tantinet d’high concept.
Sous l’eau
Car THE DEEP HOUSE entraîne un couple de YouTubeurs urbex sous l’eau, dans une maison immergée sous un lac artificiel. Or, et c’est là que le bât blesse, le film ne tient son intérêt que dans l’improbabilité de son huis clos. On ne peut que saluer la performance : tourner un film d’horreur dans un bassin rempli d’eau à 9 mètres de profondeur témoigne d’une certaine audace. Nonobstant, cette mise en abîme ne rend pas nécessairement le scénario meilleur. En effet, THE DEEP HOUSE n’est finalement rien de plus qu’un film de maison hantée comme il en existe tant. Où les deux personnages, encombrés de masques et de bouteilles à oxygène, ne parviennent pas à trouver une issue et où les fantômes sortent de l’ombre par jumpscares, après un long moment d’anticipation.
Il devient même amusant de repérer les poncifs du genre énumérés dans le film. Le vieux bonhomme inquiétant qu’on ne devrait pas suivre, le mur de brique qui apparaît soudainement devant la sortie, la famille de dégénérés satanistes qui en veut à notre intégrité physique… C’est entendu, sans surprise, mais toutefois, avouons-le, pas foncièrement désagréable. THE DEEP HOUSE nous offre même de beaux moments de frisson par son inquiétante mise en scène. Le film tire de temps à autres avantage de son high concept, notamment par crainte de ce qui nous guette tapi en eaux troubles. Malheureusement, ces quelques éclats sont desservis par un acting aux fraises, mais aussi – et c’est fort dommageable – par la contrainte du décor immergé…
À voir ?
Après tout, THE DEEP HOUSE n’est peut-être qu’un hommage à certains films d’épouvante ultra codifiés. Et, en ce sens, il n’échoue pas complètement dans ses ambitions. La peur subsiste et le divertissement n’en demeure pas moins fun. Cependant, si l’on s’entend à le considérer comme tel, il n’en devient plus qu’un film de maison hantée passable, parmi des centaines d’autres films de maison hantée passables. Peut-être n’aurait-il pas dû s’encombrer des quelques litres d’eau au-dessus de sa tête. Ou alors, peut-être que le jeu en valait la chandelle. Pour ses quelques fulgurances. Et que la performance vaut le coup d’œil, malgré quelques fuites au scénario…
Lily Nelson
• Réalisation : Alexandre Bustillo, Julien Maury
• Scénario : Alexandre Bustillo, Julien Maury
• Acteurs principaux : Camille Rowe, James Jagger, Eric Savin
• Date de sortie : 30 juin 2021
• Durée : 1h21min