Photo du film THE GREATEST HITS
Crédits : Searchlight Pictures

THE GREATEST HITS, une poétique allégorie du deuil – Critique

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THE GREATEST HITS narre les tentatives désespérées d’Harriet pour sauver son petit ami d’un tragique accident de voiture à l’aide de morceaux de musique qui lui permettent de remonter le temps. Une rencontre dans le présent pourrait cependant bien tout faire basculer et remettre en cause les certitudes de la jeune femme.

Sorti dans un nombre restreint de salles le 5 avril 2024 aux États-Unis pour retrouver un nouveau souffle sur la plateforme SVOD Disney+, THE GREATEST HITS est porté par le réalisateur Ned Benson, l’un des scénaristes derrière le Black Widow de Marvel, et le réalisateur de The Disappearance of Eleanor Rigby, unique autre long métrage de sa création.

Ici, on nous passe l’introduction, pas de survenue de la tragédie dans un quotidien calme et heureux, pas de moment de découverte pour le pouvoir d’Harriet, le spectateur est directement immergé dans les tentatives désespérées de la jeune femme pour prévenir la mort de son petit ami Max à travers un retour dans le passé du couple dont les souvenirs sont rythmés par les musiques qui accompagnaient leurs moments de bonheur, mais aussi le tragique accident de voiture dans lequel succombera l’homme de sa vie. Son quotidien n’est dès lors plus que défini par sa quête obsessionnelle : celle de trouver la chanson susceptible de sauver l’homme qu’elle aime. La première partie du film se concentre d’ailleurs sur ce deuil, et la vie après la perte. Le quotidien d’Harriet, pourtant promise à un grand avenir de productrice de musique, est devenu morne, rythmé par un travail sans saveur et ses visites à un groupe de paroles mené par le Dr. Everlyn Bartlett campée par l’actrice Retta, l’une des têtes d’affiche de la série Good Girls. Avec en prime, un gros point noir au tableau : l’obligation pour Harriet de porter un casque qui l’empêche d’écouter les chansons qui la replongeraient inexorablement (et littéralement) dans le passé.

Pour ce film musical, le réalisateur soigne également le sound design. Certaines idées sont d’ailleurs bien pensées pour nous introduire cette particularité du casque : lorsqu’Harriet le passe pour la première fois, le spectateur est directement immergé dans son monde, de la musique qu’elle écoute aux voix et bruits ambiants étouffés autour d’elle, comme si le casque avait été déposé sur ses propres oreilles. Qui dit film musical dit également références qui y sont très nombreuses. La trame narrative est rythmée par les grands classiques et les chansons plus actuelles, des artistes indés aux tubes de Lana Del Rey, qui replongera sans doute certains spectateurs dans leur propre nostalgie.
En soit, le côté science-fiction du film est plutôt secondaire, et sert à servir une allégorie assez poétique : Harriet a le choix entre trouver la chanson qui sauverait son passé, ou se créer de nouveaux souvenirs sur d’autres chansons susceptibles de l’aider à avancer vers le futur, car elle ne peut désormais plus écouter celles qu’elle connait déjà sans quitter sa propre réalité.

La thématique de la perte d’un amour passé est en soit très classique, mais résonnera avec une grande partie des spectateurs, tout comme ces chansons qu’on ne peut plus écouter car elles nous ramènent inexorablement à certains souvenirs plus ou moins douloureux. Un sentiment partagé par de nombreuses personnes, une émotion si simple, un concept qui rassemble, et offre une dimension originale à l’allégorie du deuil et de ses différentes étapes.
Mais au-delà du drame, THE GREATEST HITS est également un film romantique : le love interest, David, qu’Harriet rencontre à son groupe de parole, est bienveillant, un peu gauche, et sa relation avec elle semble naturelle dans ses moments de complicité et ses moments de gêne. Justin H. Min partage une bonne alchimie avec Lucy Boynton, qui semble d’ailleurs être le choix idéal pour le rôle de l’héroïne, l’actrice étant déjà habituée aux films musicaux, de Sing Street à Bohemian Rhapsody. Leur amour naissant n’est pas romancé, mais proche de ce que sont les relations humaines dans la vraie vie, authentiques dans leurs moments fluides comme ses moments d’hésitation. L’amitié qui la lie à son ami Morris, incarné par Austin Crute, seule personne au courant de son étrange pouvoir, semble également juste dans cette façon qu’on les deux protagonistes de s’appréhender l’un et l’autre. Morris demeure bienveillant envers Harriet, mais ne peut s’empêcher de s’inquiéter du fait que la jeune femme semble ne pas arriver à passer à autre chose. Il le lui rappelle parfois, sans être insistant au point de provoquer des disputes, il s’inquiète au détour d’une conversation, mais la laisse vivre et faire ses propres choix.

Là encore, le côté fantastique du film n’enlève rien à toutes ces thématiques très humaines qui résonnent en chacun : les difficultés des relations humaines, ses ratés et ses succès, amicales et amoureuses. Harriet a une nouvelle chance d’aimer, mais elle est encore prise au piège de ses souvenirs, et David, malgré sa patience, demeure frustré de son impossibilité à regarder vers l’avenir. Des thématiques très larges, donc très convenues, mais qui ne cesseront jamais d’inspirer et d’être d’actualité. On regrettera cependant le peu d’évolution du côté d’Harriet, et le manque de véritable avancement dans une histoire qui semble au final tourner en rond.

Il est également impossible de parler de THE GREATEST HITS sans s’attarder sur sa conclusion qui décide de ne pas creuser l’idée de la vie après le deuil plus loin. Une conclusion trop facile, en fin ouverte, qui semble flirter avec le Deus Ex Machina. Une conclusion qui contredit tout ce que le film semblait avoir essayé de construire tout au long de la trame narrative et qui laisse par conséquent un goût amer à la fin de ce visionnage. C’est un peu comme si tout ce qu’il s’était produit auparavant n’avait pas grande importance, car un coup de baguette magique (on est quand même sur une plateforme qui appartient à Disney) peut tout arranger ou presque. Et bien qu’avant la conclusion, le spectateur pouvait s’identifier aux souffrances d’Harriet, le final l’éloignera d’elle, et ne lui offrira aucune véritable morale sur laquelle se fixer. Et c’est bien le problème de THE GREATEST HITS : on attend sa conclusion avec impatience, car tout le nœud de l’intrigue repose sur la décision finale d’Harriet, et tout tombe dans la facilité, avec une fin qui ne s’assume pas, car laissée à l’interprétation du spectateur. Une interprétation qui, selon celle que l’on choisit, donne une toute autre philosophie et dimension au film. Et on aurait donc aimé que le réalisateur assume son idée jusqu’au bout, et qu’il nous offre une véritable vision qui n’arrive malheureusement jamais.

Au final, THE GREATEST HITS semble se reposer sur l’originalité de son concept, pour nous offrir une histoire d’amour qui aurait mérité une meilleure conclusion. Et si ce film musical se regarde avec nostalgie et bienveillance, c’est dans sa conclusion qu’il tombe malheureusement à plat et rate sa cible.

Kimberley SANSON

Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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