Uncharted
Crédits : CTMG, Inc.

UNCHARTED, Le meilleur des blockbusters médiocres – Critique

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Une bague apparait à l’écran. Flottant dans les airs, accrochée au cou d’un jeune brun pour ensuite révéler que celui-ci a réussi à se fourrer dans une situation qui lui promet quelques frissons… Ils étaient beaux, les tous premiers instants d’UNCHARTED. Ils semblaient laisser entrevoir ce que le matériau d’origine est, à savoir des grands récits d’aventure. Mais bien sûr, Hollywood est passée par là et les craintes d’assister à un énième blockbuster fade se justifient assez vite, enterrant les (minces) espoirs des fans de vivre un moment digne de la grande saga vidéoludique. Sauf que…

C’est Simon Riaux, rédacteur de l’excellent site Écran Large, qui a mit le doigt sur un point très intéressant dans sa critique concernant le film. Cinéphile pourtant d’habitude toujours prêt à dégainer une pique bien sentie envers ce qui est depuis des années le résultat de toutes les paresses possibles d’écriture ou de mise en scène accompagnées d’un opportunisme marketing parfois tellement dingue que nos yeux de spectateurs innocents n’en reviennent pas — à savoir bien sûr le blockbuster sans saveur — il réalise que finalement, à notre plus grande surprise, ce nouveau produit hollywoodien réussit à laisser apparaître certaines vraies qualités. Révélation qui apparait encore plus à un second visionnage, une fois que toute attente est évaporée et que le cerveau est prêt à se laisser porter.

Alors bien sûr, il ne faut pas trop s’emballer. On est quand même en présence d’un film qui sort après de longues années de développement plus que laborieuses et qui est réalisé par un homme qui ne nous a en fin de compte pas pondu de film vraiment intéressant depuis son tout premier, qui était Bienvenue à Zombieland… Et c’était il y a déjà treize ans ! Mais comme il faut rester optimiste sinon on ne va pas s’en sortir (car le bougre Fleischer est quand même responsable de Gangster Squad ou, bon sang, de Venom nom de dieu!), on va tenter quelque chose en faisant comme si on pénétrait une réalité alternative en essayant de rester vraiment positifs et dire pourquoi UNCHARTED possède malgré tout certaines qualités surprenamment rare dans ce genre de films qui inondent et pulvérisent pourtant nos cerveaux par dizaines chaque année.
Tout en sachant malgré tout que rien ne pourra changer les choses: UNCHARTED le film est plat et sans saveurs, et tellement opportuniste et je-m’en-foutiste qu’il vaut mieux ne pas trop se poser de questions au risque de finir blotti sous une couverture à se demander ce qu’une des plus grandes sagas vidéoludiques contemporaines a bien pu faire pour mériter ça.

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Préparez-vous, ça boit beaucoup dans ce film (et pour aucune raison concernant Nathan) – Mark Wahlberg et Tom Holland – Crédits : CTMG, Inc.
Si les scénaristes écoutaient un peu de temps en temps ces deux-là…

Ce qui est un des pires exemples récent sur comment développer un film commence donc par un court aperçu de LA scène d’action qui nous attend plus tard, avant de nous ramener plusieurs années en arrière. Séquence avec les deux frères, enjeux posés de manière plutôt simple mais efficace, dilemme dramatique installé pour plus tard, et retour de nos jours… Hop, ni une ni deux, le Nathan Drake version Tom Holland enfile son costume de serveur et va faire swinguer les shakers (oui) avec tellement d’aisance et d’application qu’on croirait que c’est comme ça qu’il se muscle. Heureusement non, car comme ça, quelques plans torse nu de notre ami Tom — pardon, de Nathan — chez lui en pleine séance peuvent débarquer pour nous montrer qu’il s’y prend comme tout le monde en fin de compte (et venir satisfaire une certaine partie du public). Tout ça n’a aucun sens (Nathan n’a JAMAIS été obsédé par l’alcool hein, son truc c’est l’exploration et les trésors) mais comme le disent Seb et Fred entre deux rires impossibles à retenir: « Pourquoi pas ? Allez, admettons ». Car la preuve de l’opportunisme de l’entreprise est probablement dans ces quelques éléments, notamment l’exhibition du torse bien musclé de notre ami de Tom Holland et l’utilisation de ces musiques et chansons rap-électro-mon *** sur la commode qui n’ont AUCUNES raisons d’être là si ce n’est pour attirer le jeune public, encore trop innocent pour rester suffisamment imperméable à la platitude du « spectacle » qui leur est présenté. MAIS, c’est d’ailleurs ce qui faisait aussi un peu peur : avoir un Tom Holland qui fait du Tom Holland (attention à ne pas se transformer en Ryan Reynolds ou Chris Pratt, même si on les embrasse) et même du Peter Parker. Et c’est le cas, mais son vrai capital sympathie, ses grandes qualités athlétiques et même l’absence, finalement surprenante, de lourdeur quant à l’interprétation et à l’écriture du personnage (mais de toute profondeur aussi évidemment) nous permettent d’embarquer avec eux.

Entre temps, Mark Wahlberg — pardon, désolé, Victor Sullivan — s’est présenté lui aussi pour faire démarrer l’intrigue. Et là, les deux hommes se rencontrent, s’envoient des vannes, se la pètent pas mal quand même aussi puis finalement s’associent et s’appellent même déjà par leurs surnoms (la légendaire efficacité hollywoodienne) ! Car heureusement, le film, et c’est là que se joue une grande partie de sa « réussite », ne perd jamais de temps. D’un côté, il ne le prend jamais pour approfondir réellement ne serait-ce quoi que ce soit, mais par extension, de l’autre, il ne l’a pas non plus pour venir avec le genre de gros sabots qui en parasitent tant d’autres. Et toute l’ADN du projet se dessine donc finalement dans ce mélange qui se révèle plutôt pas désagréable.

L' »intrigue » se lance donc sans tarder — Nathan et Sullivan poursuivant le traditionnel gros trésor perdu — et même les stéréotypes attendus se révèlent peu encombrants (même si c’est aussi parce qu’ils n’en ont de toute façon jamais le temps). Le rôle d’Antonio Banderas menace d’être celui du grand méchant pas beau qui tue ses sbires à tour de bras, mais non (sauf pour un personnage quand même, il faut pas déconner). Pareil pour celui de Tati Gabrielle. Elle n’a pas grand chose à faire d’autre mais le fait bien ! Quant à celui de Sophia Ali, à savoir la Chloé Frazer du jeu, il fera bien son job aussi et nous offrira même la surprise presque incroyable de ne pas être là pour tomber dans les bras musclés du héros alors que les personnages féminins atroces sont pourtant une tradition dans les mauvaises adaptations de jeu vidéo. On aurait même presque une certaine affection pour ce pauvre sbire musclé dont on ne saisit que la moitié de ce qu’il raconte lors d’un running gag court mais sympathique…
Enfin, inutile de mentionner Ruben Fleischer, tant, et bien… il n’y a tout simplement rien à dire. C’est le problème de ces « films » dans lesquels plus rien n’a de poids, de textures ou d’aspérités, à l’image des brillants exemples de non mise en scène que représentent des moments tels que Nathan qui pique les clés d’un agent de sécurité aussi facilement que s’il lui disait bonjour où Chloé qui vole la croix à Nate alors que lui et Sully étaient là tout le temps (là c’est la magie hollywoodienne). Comment s’investir après de telles facilités ? Il y a bien, comme tout le monde l’a soulevé, la scène finale avec ses hélicos mémorables ou celle de poursuite de Barcelone qui bénéficie d’une énergie agréable et d’un montage qui – miracle – laisse les plans durer plus de trois secondes. Mais c’est quand même bien peu tout ça.

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Tom Holland, Sophia Ali et Mark Wahlberg qui s’engueulent à propos du scénario (inexistant) – Crédits : CTMG, Inc.

Bref, on va faire comme le film et ne pas s’attarder. Mais avant de terminer, soyons fous et permettons-nous quand même une ou deux suppositions, qui appartiendront à ce qu’est l’analyse filmique en partie, à savoir l’interprétation. Si il est admit que les personnages n’ont pas grand chose à défendre, quelques répliques plutôt surprenantes permettent le doute. Car à plusieurs reprises, Nathan ou Sully, entre deux dialogues pas toujours très inspirés, laissent échapper une ou deux phrases différentes. Le second, traité comme le type complètement égoïste, donnera au final des indices pour imaginer un traitement plus profond et révéler notamment une solitude tout simplement mal vécue. Nathan, lui, parfois, lâchera quelques éléments plus sobres laissant s’esquisser quelques éléments intéressants qui auraient pu être exploités… Vestiges des nombreuses versions antérieures du scénario qui promettaient peut-être une écriture plus aboutie et profonde ? Difficile à dire évidemment, tant les « personnages » n’en sont finalement pas tellement tout fait artificiel, mais ce n’est pas inintéressant…

La grande aventure ne sera donc pas au rendez-vous ici, mais une fois certaines attentes revues à la baisse, nul doute que le spectateur peu regardant passera sûrement un bon moment. Il y a étrangement malgré tout une sensation bizarrement lumineuse d’un blockbuster insignifiant mais qui conviendra à certains. Ce qui révèle quand même un constat angoissant et qui semble être fait de plus en plus : reconsidérer un blockbuster à la hausse parce qu’il est moins mauvais que les tonnes d’autres donne évidemment de quoi se coller quelques sueurs froides quant à l’état de l’industrie aujourd’hui. Mais bon, voyons le bon côté, sinon on ne s’en sortira pas ! Peut-être qu’Uncharted version cinéma nous proposera du divertissement plus décontracté et un peu plus inspiré que la moyenne à l’avenir dans la suite à redouter, même si c’est la moyenne basse… Voire, pourquoi pas, un peu plus ? Soyons fous.

Simon Beauchamps

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Titre original : Uncharted
Réalisation : Ruben Fleischer
Scénario : Rafe Judkins, Art Marcum
Acteurs principaux : Tom Holland, Mark Wahlberg, Sophia Ali, Antonio Banderas
Date de sortie : 16 Février 2022
Durée : 1h48min
2.5
"Oh Crap !", en effet

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