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Crédits : Domino Films / France 2 Cinéma

YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS… et c’est mérité – Critique

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On s’est tous dit qu’une de nos histoires de famille, une de ces anecdotes racontées à chaque Noël, ferait une bonne histoire de roman. On l’a tous pensé, mais peu d’entre nous se sont lancés. Et bien c’est le cas de Youssef Salem, qui est allé jusqu’à écrire une (presque) autobiographie sur lui et sa famille, en pensant que personne ne la lirait. Sauf que voilà, son livre est un best-seller.

Voici le point de départ du nouveau film de la réalisatrice Baya Kasmi (César du meilleur scénario original pour Le nom des gens en 2011) : Youssef, magnifiquement interprété par Ramzy Bedia, aidé par son éditrice bienveillante (Noémie Lvovsky), essaye de cacher son livre à ses parents, qui parle d’eux. Il doit réussir à garder ce secret alors qu’il multiplie les interviews et que tout le monde autour d’eux lit son roman, à commencer par ses frères et sœurs, pas franchement ravis par l’ouvrage.

Ce film aborde une multitude de sujets sensibles, comme la peur de décevoir ses parents même une fois adulte, le fait de leur cacher qui on est vraiment (camoufler sa séparation ou son homosexualité par exemple), la pression communautaire que peuvent vivre les enfants d’immigrés, le sentiment de solitude… C’est un très beau film, plein d’espoir, qui parvient à évoquer ces problèmes touchants avec un ton léger, très drôle, grâce à un scénario bien écrit, rythmé, mis en valeur par des acteurs justes et émouvants. La voix off de Ramzy Bedia, tendre et nostalgique, sert à merveille ce règlement de compte familial, littéraire et involontaire.

Ce que Youssef évoque dans son livre, c’est la pression d’un fils d’immigrés algériens dans les années 1980, qui doit être doublement vertueux, parce qu’il doit rendre fier ses parents, mais aussi être un exemple d’intégration. Il se doit d’être irréprochable et les règles imposées dans son éducation (pas de sexe, de fautes d’orthographes, de vol…) sont tellement répétées, omniprésentes, qu’elles viennent toujours le hanter à 45 ans. Dans son livre, et surtout dans sa vie, il revendique un « droit à la médiocrité », il cherche à se débarrasser du poids de la relation, de la réputation et de l’intégration.

Photo du film YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS
Crédits : Domino Films / France 2 Cinéma

Ces pressions, notamment celle du devoir d’être reconnaissant envers son pays, il la vivait enfant quand son père le menaçait après une bêtise en lui montrant Jean-Marie Le Pen, « le grand méchant loup », qui « va te découper et te manger ». Mais on la ressent aussi une fois qu’il est adulte, par exemple à travers sa mère qui répète tout le long du film, « c’est beau la France ».

Pourtant, ce qu’il cherche à travers son livre, ce n’est pas critiquer son éducation religieuse ou ses problèmes personnels, mais c’est faire un récit universel. Le film évoque avec brio les débats sur le rôle du livre. Pour Youssef, ce n’est pas de défendre un peuple, des traditions ou de combattre le racisme. Il s’est inspiré de sa famille et de ses frères et sœurs pour créer une œuvre universelle, qu’ils ont du mal à voir derrière des descriptions assez fidèles de leurs vies et mensonges.

Le film réussit brillamment ce que veut faire Youssef dans son livre : ne pas parler d’un cas particulier, mais bien de sujets communs (le rapport au succès, la volonté de rendre fier ses parents, les problèmes de famille, la difficulté d’assumer qui on est, la solitude…). Le sujet principal de ce film est bien connu de tous : l’omniprésence du regard des parents, même – et peut-être encore plus – dans notre vie d’adulte. Est-ce que nos parents sont capables de nous accepter ou est-ce qu’il vaut mieux les maintenir dans l’illusion qu’on réussit, pour qu’ils se disent qu’ils ont fait du bon travail ? Doit-on crever l’abcès ou non ? Que peut-il se passer si on décide d’arrêter de jouer le jeu de leur naïveté ? C’est le talent de la réalisatrice Baya Kasmi : choisir une situation atypique, rare, voire totalement loufoque, pour finalement toucher tous les spectateurs car les sentiments qu’elle décrit sont partagés dans toute la société.

Photo du film YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS
Crédits : Domino Films / France 2 Cinéma

Le titre, YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS, ressemble aux titres de la série Max et Lili, livres pour enfants qui aident les parents à expliquer des problèmes précis que rencontrent tous les enfants (comme par exemple Max n’aime pas perdre ou Lili se dispute avec son frère), très bon clin d’œil à la mécanique du film. Il nous indique dès le début que notre héros va vivre un récit initiatique, un processus de construction individuelle par lequel paradoxalement nous passons tous.

Chaque personnage est pertinent et émouvant, notamment les membres de cette famille d’enfants qui s’engueulent très fort et s’aiment encore plus. Mention spéciale à Melha Bedia, hilarante, qui joue cette sœur en colère, accusant à tout bout de champ son grand frère de « grossophobe islamophobe », mais pleine d’amour pour lui.

Ce film est une vraie réussite. Le seul regret, c’est de ne pas pouvoir lire le roman autobiographique de Youssef. On aimerait qu’il existe vraiment, pour continuer à connaître ce personnage et ses problèmes, son lien avec son éducation, sa famille, son rapport à la réussite et à la célébrité… YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS mérite du succès.

Agathe ROSA

Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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Note des lecteurs2 Notes
Réalisation : Baya Kasmi
Scénario : Baya Kasmi, Michel Leclerc
Acteurs principaux : Ramzy Bedia, Noémie Lvovsky, Abbes Zahmani
Date de sortie : 18 janvier 2023
Durée : 1h37min
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