[dropcap size=small]G[/dropcap]ros come-back pour Terry Gilliam cette année: le plus britannique des Américains revient sur scène avec la légendaire troupe des Monty Python (et les places se sont écoulées en quelques minutes). Il revient aussi dans les salles obscures avec ce que la bande-annonce semble vendre comme de la SF désenchantée, dans la veine du mythique Brazil (mais les entrées s’arrachent beaucoup moins).
Terry Gilliam était un peu devenu le cinéaste maudit par excellence, celui dont tous les films sont des naufrages, soit parce que le tournage est une telle catastrophe qu’il ne peut pas aller au bout (son projet sur Don Quichotte, qu’il essaie toujours de relancer), soit parce qu’ils ne rapportent pas un kopeck. Lui, mettait ça sur le dos de ses producteurs, qui ne le laissaient pas tourner le film qu’il avait en tête et lui retiraient le final cut, justifiant le résultat bancal de quelques-uns de ses films récents, tels L’Imaginarium du Docteur Parnassus ou Les Frères Grimm, projets au pourtant fort potentiel Gilliamesque.
On avait alors envie de leur dire « Mais merde, c’est le réal de Brazil, L’armée des 12 singes et Las Vegas parano, donnez-lui plein d’argent et les pleins pouvoirs! ». Le rôle d’un producteur n’est pourtant pas que de tenir les cordons de la bourse (et s’assurer qu’ils soient le plus serrés possible), il doit aussi recadrer son réalisateur pour l’empêcher de se noyer dans ses délires. Il suffit d’avoir vu Tideland pour s’en convaincre: livré à lui-même, Gilliam signa certes une œuvre personnelle et originale mais aussi très glauque et qui tint les spectateurs hors des salles, à juste titre pour une fois.
Il a encore dû peiner à financer ce film puisqu’au générique on s’aperçoit que les producteurs et les lieux de tournage sont roumains, une origine plutôt exotique pour ce type de cinéma. Comme dans tout bon film d’anticipation, on est plongés dès le début dans un univers futuriste. Ici on est plus dans la veine pessimiste des Fils de l’homme de l’excellent Alfonso Cuarón (l’avenir sera plus misérable que le présent) que dans celle techno-clinique, acier et verre étincelants, de Minority report. On y suit le « héros » dans des décors urbains déglingués mais avec des murs couvert d’écrans diffusant des pubs s’adressant directement aux passants (concept déjà présent dans Minority report, cela dit). Par manque de moyens, on retrouve la méthode Cuarón pour les véhicules: une horde de Twizy remplace ici les Avantime maquillés. Renault sera certainement content de voir que ses voitures se vendront comme des petits pains dans le futur!
« On retrouve la même critique anarchiste que dans Brazil contre le côté kafkaïen de la société. »
Rayon distribution, Mélanie Thierry, qui semble se spécialiser dans la SF après Babylon A.D. et Chrysalis, tient ici un rôle plus extraverti voire outrancier que d’habitude et ça ne lui va pas mal. Christoph Waltz, dans un rôle assez proche de celui de Lambert Wilson (entièrement rasé, reclus et réfléchissant sur le sens de la vie) dans le méconnu Dante 01, autre film de SF pas abouti. Mais la grande différence avec l’oeuvre fermée de Marc Caro, c’est qu’ici le réalisateur n’oublie pas son passé d’humoriste et désamorce l’aspect trop solennel ou austère en rajoutant quelques détails amusants qui prouvent qu’il ne se prend pas au sérieux.
On retrouve par ailleurs la même critique quasi anarchiste que dans Brazil contre le côté kafkaïen des administrations, du travail, bref de la société dans son ensemble. Si le coeur du scénario peut paraitre léger ou abscons voire pessimiste (le Zero Theorem en question étant une quête du zéro absolu à base d’assemblage d’équations et la conclusion semble être que nous sommes tous amenés à disparaitre dans un trou noir), on en ressort finalement contents d’avoir revu un Terry Gilliam ressuscité, à nouveau ambitieux et agréable à regarder. Pourvu que ça dure…
[divider]CASTING[/divider]
• Réalisation : Terry Gilliam• Scénario : Pat Rushin
• Acteurs principaux : Christoph Waltz, David Thewlis, Mélanie Thierry
• Pays d’origine : USA, Grande Bretagne, Roumanie
• Sortie : 25 juin 2014
• Durée : 1h46
• Distributeur : Wild Side Films / Le Pacte
• Synopsis : Londres, dans un avenir proche. Les avancées technologiques ont placé le monde sous la surveillance d’une autorité invisible et toute-puissante : Management. Qohen Leth, génie de l’informatique, vit en reclus dans une chapelle abandonnée où il attend désespérément l’appel téléphonique qui lui apportera les réponses à toutes les questions qu’il se pose.
[divider]BANDE-ANNONCE[/divider]