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Crédits : Alex De Brabant

JAMES CAMERON, L’ODYSSÉE D’UN CINÉASTE, l’hallucinant parcours du réalisateur de toutes les folies – Critique

On n’a pas fini d’en parler, de James Cameron. Et les mots manquent d’ailleurs peut-être parfois pour en parler comme il se doit. Alors qu’Avatar 2 est un évènement gigantesque pour la planète ciné, c’est l’occasion parfaite pour se replonger sur la carrière du cinéaste de tous les records grâce à l’excellent ouvrage que lui a consacré le rédacteur, scénariste et réalisateur David Fakrikian, qui est un de ses plus grands fans, en 2017.

Tout part de… rien

L’auteur de ces lignes le confirme, au moment où il a commencé la lecture de L’ODYSSÉE D’UN CINÉASTE dans un coffee shop accompagné d’un ou deux cappuccinos, il en a lu une centaine de pages d’un coup, sur les trois cents que contient le livre. Car c’est à un voyage à l’image de l’artiste concerné que nous convie David Fakrikian en entreprenant de raconter les moments les plus déterminants et les anecdotes les plus folles de toute la carrière de l’immense réalisateur canadien : fascinant, unique et proprement exceptionnel. Un parcours d’autant plus vertigineux quand on se rappelle d’où vient le bonhomme. Car bien avant de devenir ce cinéaste révolutionnaire qui invente presque une nouvelle technologie de cinéma à chaque nouveau long-métrage depuis plusieurs décennies maintenant, James Cameron est parti de loin et a connu nombres embûches particulièrement difficiles. Premier d’une fratrie de cinq au total, d’une mère (Shirley) artiste peintre et d’un père (Philipp) ingénieur électricien psychorigide qui lui répétait de choisir un vrai métier, Cameron découvre 2001 l’Odyssée de l’espace à 14 ans, et est complètement fasciné. Il pique la caméra Super 8 de son père et commence déjà à filmer et expérimenter pour comprendre son fonctionnement, sans pour autant ambitionner de devenir réalisateur. En 1971 la famille déménage près de Los Angeles et Cameron fera la connaissance de William Wisher, un aspirant acteur, et de Randall Frakes, ancien militaire et écrivain de science-fiction qui, lui, rêvait d’être scénariste, deux personnes qui vont être essentielles pour la suite (c’est par exemple ce dernier qui lui a appris à écrire un scénario). À 17 ans, il abandonne l’idée de faire une école de cinéma, trop chère, et pense d’abord être scientifique. Il se rend finalement compte qu’il n’est pas assez bon en maths puis quitte l’université et se dit qu’il va expérimenter le monde adulte. Il enchaîne alors les petits boulots, notamment en tant que concierge et conducteur de bus. Mais trois ans plus tard la famille Cameron déménage dans le Wisconsin et le jeune James refuse de les suivre. C’est l’engueulade avec le père qui voulait que son fils trouve un « vrai travail » et attend l’occasion de pouvoir lui dire qu’il l’avait prévenu : « Ça m’a tellement énervé que j’ai été encore plus déterminé à réussir. Je voulais lui montrer que j’allais être le meilleur. Alors j’ai pensé : « C’est bon, je vais être metteur en scène ». Sa copine Sharon lui permettra alors de tenir financièrement, pendant qu’il ira s’instruire à la bibliothèque après son travail, lisant principalement des ouvrages techniques.

Pendant des années, j’ai traîné en compagnie de mes potes drogués, j’ai étudié la physique, j’ai lu, j’ai travaillé, j’ai voyagé en auto-stop… Voilà pourquoi j’ai quelque chose à dire. J’ai vécu, je n’ai pas seulement passé tout mon temps à analyser les films des autres plan par plan.

Petite mise en bouche avant d’aller dévorer le livre…

En 1977, il prend la même claque que tout le monde avec le révolutionnaire Star Wars et aura une réaction éloquente à son sujet : « Ma réaction n’a pas été : C’est cool, je veux en voir plus. Ma réaction a été : Faut que je me bouge les fesses, parce qu’il y a ce gars [George Lucas] qui m’a carrément coiffé au poteau ». Randall Frakes lui parle alors d’un consortium de dentistes qui veulent faire des économies sur leurs impôts en produisant un long-métrage (en faisant, comme la majorité à ce moment-là, leur propre Star Wars). Cameron et Frakes font une démo et parviennent à les convaincre de financer un teaser pour pouvoir attirer d’autres investisseurs. Cameron, galvanisé, quitte alors son job de chauffeur de bus. Quand l’entreprise lui répond qu’il doit respecter un préavis de quinze jours, la réponse est fidèle au bonhomme : « Rien à foutre ». Et il se barre. « Le lendemain, je me suis réveillé, j’ai baillé, je me suis étiré, et j’ai pensé : Ça y est. Je suis réalisateur. La transition était aussi simple que ça. » 

Impossible n’est pas Cameron

Fakrikian poursuit alors son récit et on redécouvre les premières œuvres de Cameron en gardant notamment une idée en tête, essentielle car ce dernier en fera finalement une habitude voire une philosophie de vie: surmonter les problèmes. La tentation est grande de mentionner toutes les péripéties vécues par Cameron ou les anecdotes délectables sur sa façon de s’en sortir à chaque fois, mais on laissera le plaisir aux lecteurs de parcourir les lignes impeccablement rédigées par l’auteur du livre. Rappelons seulement aux non initiés que Cameron a débuté chez Roger Corman, inimitable producteur de séries B à la créativité et l’efficacité légendaires (voir son livre Comment j’ai fais 100 films sans perdre un centime) et que son passage chez ce dernier permettra à Cameron de se forger à tous les niveaux. Car d’abord simple assistant du superviseur des effets spéciaux, il démontrera déjà un culot et une ambition peu courants : il se créé ses propres bureaux sans prévenir personne, va voir Corman pour dire qu’il doit le nommer réalisateur du film qu’ils sont en train de faire s’il veut le mener à bien, ou encore exige le même salaire que le technicien plus expérimenté qu’il remplace… Au fil des projets sur lesquels il officiera, il occupera quasiment tous les postes, devenant capable de presque tout faire (parfois en étant plus doués que les techniciens spécialisés) et dégageant une telle autorité naturelle qu’il montrera une envie de passer à la réalisation. Il développe donc ses compétences et surtout sa capacité à résoudre des problèmes et à toujours trouver une solution. Cameron y rencontra aussi Gale Anne Hurd, productrice majeure depuis plusieurs décennies (voir son portrait par EcranLarge) qui deviendra sa femme pendant un temps ainsi qu’une collaboratrice incontournable. Bref, c’est à tous les niveaux que ces années passées aux côtés de Corman que James Cameron façonneront ce qui fera de lui un des réalisateurs les plus ambitieux de l’histoire du cinéma et ne reculant devant aucun obstacle pour donner vie à ses envies les plus folles…

S’il y a une philosophie que j’ai apprise chez Corman c’est : « Allons-y ! ». Cette mentalité de film à petit budget m’est restée. J’ai appris que l’on peut toujours s’en sortir, et souvent avec moins de moyens qu’on ne le pense. Il faut tourner, quoi qu’il arrive.

Presque à la rue, le James !

On ne va pas refaire tout le CV car David Fakrikian s’en charge très bien lui-même et sinon il y en aurait pour une semaine, mais comme il le rappelle, cet état d’esprit et cette personnalité sont essentiels pour mieux comprendre l’homme et le cinéaste. Car dès sa première expérience post-Corman pour le film Piranha 2 en 1981, il subira une expérience douloureuse notamment à cause du producteur Ovidio G.Assonitis qui ne le respectera jamais et lui fera littéralement faire des cauchemars puisque l’on sait tous que c’est l’un d’eux, alors que Cameron était au plus mal lors d’une nuit fiévreuse, qui donnera à Big Jim l’idée de Terminator. Il souffrira du tournage duquel il sera dépossédé mais démontrera une nouvelle fois sa détermination sans failles en remontant le film plus tard pour qu’il devienne acceptable, refusant de se contenter de renier le film. Puis Fakrikian élabore et raconte comment le canadien s’est relevé de son traumatisme avec la force d’un Terminator inarrêtable. Car c’est bien ce film que Cameron avait dans la tête depuis longtemps lorsque par exemple, alors encore conducteur de camion, il demandait leurs avis aux serveuses des diners dans lesquels il s’arrêtait la nuit concernant l’histoire qu’il a sorti pour la première fois de son esprit grâce à un dictaphone lors d’une nuit – aussi – pendant laquelle il roulait vers Los Angeles. Car l’auteur le rappelle : Cameron a mis du temps à percer et à vécu un temps pratiquement comme un S.D.F (sa mère lui envoyant par la poste des coupons de réductions pour hamburgers). C’est l’occasion, au long de toutes ces pages qu’on tourne avidement, de redécouvrir une force mentale exceptionnelle et un vécu qui l’est tout autant pour mieux saisir l’importance qu’à James Cameron sur tous les aspects de l’industrie, Fakrikian racontant aussi dans le détail, au hasard, l’influence du réalisateur sur le marché de la vidéo ou sur bien évidemment la technologie (notamment avec son ingénieur de frère, Michael).

Ci-dessus, une bien passionnante vidéo de l’irrésistible Antoine Desrues. C’est cadeau.

Rappeler la vérité

Enfin, si on sent toute l’admiration pour Cameron dans le livre de Fakrikian (et aussi dans cet article), l’auteur ne perds évidemment pas l’occasion de raconter les incalculables frasques et éclats de colère d’un homme aussi admirable que régulièrement critiquable. Qu’il ait un jour menacé de jeter un producteur dans l’eau – avec option risque de noyade – ou ait fait enfiler de force à un autre un casque de plongée privé d’air pendant quelques instants (pour lui faire comprendre ce qu’il venait de ressentir lui-même alors qu’il avait manqué de se noyer); qu’il ait improvisé une menace avec un pistolet non chargé pour obtenir ce qu’il voulait ou n’ait pas peur d’envoyer se faire voir ceux qui le chercheraient trop, le nombres élevé de ce genre d’anecdotes à de quoi faire bondir au plafond tout psychologue du travail (voire tout psychologue tout court). Mais le travail méticuleux de Fakrikian n’omet donc pas ce côté plus sombre, et permet de nuancer et d’approfondir la vision que le public peut se faire d’un homme qui lui a – et continue de le faire – tant fait vivre d’expériences aux confins de son âme, de la Terre et de l’Espace. Car, comme le titre de cet article essaie de le faire ressentir, l’intérêt et la fascination pour ce récit reste intacte à chaque chapitre, et on ne peut qu’admirer ce que James Cameron a accompli depuis des décennies. Lire JAMES CAMERON, L’ODYSSÉE D’UN CINÉASTE est un plaisir de tous les instants, le genre de livres à vous faire vous coucher beaucoup plus tard que prévu voire à vous tenir éveillé toute la nuit. Avec un amour (l’auteur s’adressant à « Jim » avec une affection palpable), un travail remarquable (on a par exemple droit à une sélection diverse de documents et d’œuvres conseillés en appendice) et un imparable talent de conteur, David Fakrikian nous emmène voyager au côté d’un des plus grands réalisateurs que le monde du cinéma ait jamais connu, pour nous laisser abasourdis quant à ce que ce monsieur à la personnalité et à la vision unique a accompli pour le septième art au fil des décennies, et impatients d’imaginer où il va nous emmener ensuite. 

Simon Beauchamps

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JAMES CAMERON, L’ODYSSÉE D’UN CINÉASTE
David Fakrikian
Éditeur : Fantask
Date de sortie : 31 mars 2017
Nombre de pages : 344
EAN : 9782374940144
ISBN : 978-2-37494-014-4

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