Longtemps jugée pour son amour des films d’horreur, Taous Merakchi en fait aujourd’hui une force. Avec MONSTRUEUSE, elle célèbre une communauté d’outsiders et prouve que les monstres peuvent aussi guérir. Souvenirs de jeunesse, sociologie et créatures mythiques se croisent dans un essai aussi drôle que personnel.
Vous aimez les monstres ?
Vous êtes les premiers en salle quand un nouveau Blumhouse sort ? Vous avez un faible pour les tueurs au visage masqué ? Si vous avez répondu oui à au moins l’une de ces questions, alors vous avez probablement déjà essuyé des regards circonspects — voire méfiants — en évoquant votre passion pour l’horreur.
Aimer les films flippants, ça fait peur. Pour nombre de néophytes, ça rime avec rituel satanique à minuit et sacrifice de chatons dans votre cave. Alors qu’en vrai, c’est juste vous, un plaid et le dernier opus de Destination Finale. Donc, on préfère ne rien dire et laisser notre amour pour Michael Myers au placard.
« Je suis plutôt équilibrée »
Ce jugement, Taous Merakchi l’a essuyé pendant des années. Au collège, c’était la « bizarre » de service. Même à son grand âge, les préjugés persistent encore. Mais promis, vous ne la retrouverez pas derrière les barreaux d’une prison. « Je suis une mère aimante, une amie sympa, une amoureuse tendre et, ma mère et ma psy vous le diront, je suis plutôt équilibrée », rassure-t-elle au bout d’une vingtaine de pages.
Dans MONSTRUEUSE, la journaliste et écrivaine se penche sur cette drôle d’affection pour le cinéma d’horreur. Pourquoi aime-t-on voir des ados se faire trucider sur grand écran ? À la fois plaidoyer et récit personnel, Taous Merakchi s’attelle à comprendre cette frange bien particulière de spectateurs.
Au fil des pages, ses propres souvenirs s’entremêlent — notamment ceux de son adolescence, au cours de laquelle elle a trouvé refuge dans les monstres. « Après tout, qu’est-ce que l’adolescence, si ce n’est un long film d’horreur ? »
C’est peut-être ça, la plus grande force de MONSTRUEUSE : un ton libre et sans chichi, souvent teinté d’ironie. Comme l’impression de parler avec une amie, dans une conversation aussi personnelle que cinéphile. L’analyse culturelle, enrobée d’anecdotes et de références, n’en est que plus plaisante à lire.
L’horreur pour tout le monde
MONSTRUEUSE, c’est le livre qu’on aurait aimé brandir lors de ces débats sans fin, ceux où il fallait se justifier d’aimer le frisson et qui se terminaient par un échec cuisant. Non, vos amis ne lanceront pas un bon vieux slasher en rentrant à la maison, malgré vos innombrables arguments. « Pas pour eux », assurent-ils.
Telle une apôtre, Taous Merakchi vient prêcher la bonne parole : oui, l’horreur est accessible. Qu’importe votre degré de frousse. Vous n’aimez pas le sang ? Tant mieux, car l’écrivaine démontre combien le genre est prolifique. Parmi la multitude d’ambiances, vous trouverez forcément votre bonheur — même s’il ne réside pas dans les farces cracras d’Art le Clown (Terrifier).
L’horreur comme exutoire
Deux heures devant un film d’horreur seraient aussi apaisantes qu’une après-midi au spa. C’est en tout cas l’excellente hypothèse que soutient Taous Merakchi : « Oubliez le yoga et la sophro, c’est dans le sang et la brume qu’on trouvera le salut. »
Ce que nous renvoient ces films, c’est notre propre société. Ils nous tendent une loupe, grossissant notre noirceur pour mieux la comprendre. Regarder un film d’horreur, c’est se voir sous un jour plus sombre… avec les meurtres en plus.
Un monde parallèle où l’on peut « tout expulser sans risquer de déborder sur les autres ». Un défouloir sur lequel on garde le contrôle. Surtout, on sait que le cauchemar a une fin. Les crédits défilent, la lumière se rallume, et chacun rentre chez soi. « On a survécu, on a gagné, c’est terminé. » Tout va bien.
« Le zizou de Godzilla »
MONSTRUEUSE, c’est aussi l’occasion de se plonger dans les communautés de fans — y compris dans leurs recoins les plus sombres. Les « monsterfuckers », par exemple, au nom plus qu’éloquent. Mais, au cas où, il s’agit bien d’internautes sexuellement attirés par les monstres. Et dans laquelle notre autrice a pénétré, pour notre plus grand amusement : « Le voile était levé, je savais à présent à quoi ressemblait le zizou de Godzilla, tant pis pour moi. »
Si l’idée prête à sourire, la journaliste la déconstruit avec respect… et une bonne dose de second degré. Au point d’avouer son propre faible pour Pyramid Head, le méchant de la franchise Silent Hill.
Ses films de chevet
Pour clore ces 220 pages, Taous Merakchi en revient au commencement : son amour du cinéma. L’autrice nous confie ses films de chevet, parmi lesquels Le projet Blair Witch et même sa suite désastreuse, Le livre des ombres. « Une espèce de grosse bouillie peu digeste », admet-elle, malgré son affection pour cette suite. Le plaisir coupable ultime, quoi.
Si les plus élitistes s’étoufferont face à une telle référence, on ne peut s’empêcher de sourire. Cette liste de films, comportant nanars et chefs-d’œuvre, est bien à l’image des spectateurs d’horreur. Parce qu’au fond, Taous, elle est comme nous : capable de regarder L’Exorciste et Sharknado dans la même soirée.
Qu’importe la qualité, si vous ne l’aviez pas encore compris : ce qui prime, c’est bien le plaisir ressenti… que ce soit devant le talent de William Friedkin ou des requins tombant du ciel !
Lisa FAROU
Monstrueuse
Taous Merakchi
Hors collection
Prix : 18.00 €
Nombre de pages : 224
Format : 14 x 20,5 cm
Parution : 10/10/2025
Isbn : 9782360121779
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