Crédits : Jason Laveris

STEVEN AVANT SPIELBERG, l’enfance, la vie et la carrière du réalisateur le plus apprécié du monde – Critique

Ça va finir par devenir une redite à force, mais à chaque fois que l’auteur de ces lignes a écrit un article sur un livre, il était question d’une œuvre sincère et personnelle écrite avec un talent remarquable. Et si c’est encore le cas ici – et même plus que jamais, l’ouvrage qui nous intéresse aujourd’hui pousse la réflexion encore plus loin car il s’agit ni plus ni moins, comme le précise la quatrième de couverture, d’une « biographie romanesque » d’un des plus grands cinéastes de l’histoire du cinéma. Et quoi de mieux pour parler de Steven Spielberg, que le faire comme Gilles Penso, avec un regard émerveillé et un ton magnifiquement humain exactement à l’image d’un homme qui fait rêver le monde depuis des décennies ?

Lumières dans le ciel

Noël, c’est fini. Mais si vous cherchez un beau cadeau à faire en retard ou si vous voulez vous avancer pour un anniversaire à venir, STEVEN AVANT SPIELBERG ne peut être qu’une belle idée. Tout récemment débarqué dans les librairies depuis ce 3 novembre 2022, ce beau bouquin à la très jolie couverture se penche donc durant environ trois cents pages particulièrement sur l’enfant et l’homme. Dans une interview pour Mad Movies, l’illustrateur de la dite couverture, Paul Schipper, met d’ailleurs l’accent sur l’étincelle « presque enfantine » qu’il a voulu visible dans les yeux du réalisateur, une idée qui parcourt toute la carrière de celui-ci et donc ce livre en question. Que Penso – également réalisateur et monteur de documentaires ou encore de bonus – débute joliment par l’anecdote de la nuit où Arnold Spielberg réveilla son fiston pour l’emmener admirer un phénomène qui inspirera ce dernier pour toute sa vie future. Car ce que l’informaticien montra à son fils cette nuit-là fut une pluie d’étoiles filantes, aussi appelée les Perséides. Guidé par la phrase de son père « Rien de mauvais ne peut venir de là-haut », le petit Steven s’en trouve émerveillé pour le reste de sa vie, et nourrit dès lors une fascination qui lui donnera vite envie de raconter des histoires sur des êtres inconnus venant d’ailleurs. 

Rien de mauvais ne peut venir de là-haut.

Arnold Spielberg
spielberg vraie photo de famille
Leah, Steven (4 ans) et Arnold.

L’enfant Steven

Avec un regard passionné au plus près de la vie de l’homme avant le cinéaste, à partir du moment où il était un garçon chétif et peureux mais plein d’imagination, on découvre sous un autre angle son enfance, son parcours, ses peurs, plein de moments de sa vie et aussi évidemment ses premiers faits d’armes. En effet, Penso structure son récit en commençant par l’enfance du réalisateur pour ensuite se laisser guider par les thématiques qui ont façonné sa vie et sa carrière. Comme beaucoup à cette époque où à cet âge (Christopher Nolan ou J.J Abrams par exemple), c’est la découverte d’une caméra Super 8 d’un père qui fera naître une passion de l’image et de la pellicule. Steven, en effet, comme nous le décrit Penso, est bien plus à l’aise avec les images qu’avec les mots (il écrira peu de scénarios durant sa carrière). Lorsque par exemple il doit lire Dickens en classe, il transforme l’exercice, difficile pour lui, en « flip books », ces dessins réalisés sur plusieurs pages et qui prennent vie lorsqu’on les tourne. Des images, il en mettra en scène très tôt, sans jamais freiner son ambition. À titre d’exemple, le livre nous raconte comment, à treize ans, il recrutera les brutes qui l’embêtaient pour jouer dans son film de guerre et s’improvisera couturier pour leur confectionner des uniformes. Ne pouvant résoudre son père à lui fournir des véritables explosifs, le jeune adolescent a l’idée de mettre au point une technique pour que les « acteurs » aient juste à marcher sur un bâton de bois qui projette la terre dans tous les sens. Ce court-métrage de 15 minutes en noir et blanc en montre donc déjà beaucoup sur Steven Spielberg, celui-ci allant même jusqu’à demander à son père, travaillant dans l’armée, de tourner des plans dans des vrais cockpits. Ce qu’ils feront ! Pour les plans manquants, Steven achètera des documentaires et le tour sera joué. Pas mal à cet âge là, non ? L’importance du cinéma dans sa vie sera d’ailleurs telle qu’il réussira, et plus d’une fois, à contourner les attaques (mais bien sûr pas toutes, Penso racontant qu’il en a subi de nombreuses au lycée) en faisant jouer ceux qui le frappaient dans ses films. Malgré la souffrance, le cinéma lui donnera donc le courage, non pas d’aller cogner des gars qui le mériteraient pourtant, mais de leur proposer un rôle dans ses films…

young steven spielberg 9
Un petit clic sur la photo pour jeter un œil à la rétrospective en images de sa carrière sur le site d’Amblin ©Universal

La puissance des images

Parce que l’objectif de ce livre est de redécouvrir un homme et un artiste qu’on connaît et apprécie au point de le surnommer « Tonton Spielberg », nombreuses sont les mises en lumière de faits qui définissent qui est Steven Spielberg. Penso nous rappelle donc par exemple que Steven était donc très mal à l’aise avec les livres, tremblant à l’idée d’être appelé au tableau pour lire des phrases devant tout le monde. Mais on était dans les années cinquante, beaucoup de choses étaient encore à découvrir. C’est ainsi que Steven n’apprendra que très tardivement qu’il est dyslexique. Probablement une des grandes raisons pour lesquelles celui-ci se tournera vers les images. Images qu’il aimera tant créer qu’il fera son possible pour louper l’école et faire ses films. On apprend ainsi avec un sourire que dans E.T, Elliott qui pose le thermomètre sur le radiateur pour faire croire à une fièvre, c’était une tactique du petit Steven (dont sa mère se doutait en le laissant faire pour autant). Des années plus tard, quand on lui parlera de Tintin, il achètera une BD et tombera amoureux du personnage sans comprendre un mot car il ne lit pas le français. Ça sera donc les images qui le séduiront. Il sera alors un grand fan de storyboards, dont il mettra par exemple au point une représentation particulière dès Duel dans sa chambre d’hôtel : sur une carte peinte de la région, il indiquera ce qui se passe à tels moments de l’histoire aux endroits concernés ou ajoutera des croquis qui représentent les plans du film. Mais si la lecture (à part de comics) ne lui plait pas, la musique ne s’en sortira pas mieux, Steven accueillant selon Penso les mélodies jouées par sa mère sur le piano du salon avec un déplaisir qu’il ne cache pas. Mais il ne trouvera pas mieux dans la pièce d’à côté, dans laquelle son père s’émerveille de l’électronique et de l’informatique. Des parents qui finiront comme on le sait par se séparer, impactant à vie et de manière énorme l’existence du réalisateur le plus apprécié du monde, et donc par extension d’une grande partie de la planète cinéma. Car Arnold, tels d’innombrables pères de fictions, se montrera de plus en plus absorbé par son travail et fera régulièrement déménager une famille avec qui il passera de moins en moins de temps. Steven tentera de se consoler en réconciliant Indiana Jones et son père Henry dans Le Temple Maudit et comme le rappelle Penso, il orchestrera également une magnifique idée dans son Rencontres du troisième type en réunissant les univers respectifs de ses parents, quand ce seront l’informatique et la musique qui permettront le dialogue avec les êtres venus d’ailleurs…

« La vie trouve toujours son chemin ». Ce pourrait être l’adage rattaché à la filmographie entière de Steven.

Gilles Penso
steven spielberg travelling arriere
© Sébastien Micke

La vie trouve toujours un chemin

Et puis, un des réels plaisirs et intérêts procurés par la lecture de STEVEN AVANT SPIELBERG est donc de redécouvrir les anecdotes les plus célèbres concernant le monsieur. L’auteur ne manque ainsi pas de nous raconter la légendaire virée d’un Steven alors âgé de seize ans qui s’est infiltré dans les locaux d’Universal durant une visite touristique, l’expérience émerveillant un jeune qui fera la même chose pour des millions de gens des années plus tard. Ou la fois où toute l’équipe des Aventuriers de l’Arche perdue est malade alors qu’ils doivent tourner une scène de combat entre Indy et un Égyptien armé d’un sabre. Sauf que la production tourne en Tunisie et que le pays a raison de leurs systèmes digestifs. Malade comme pas deux, Harrison Ford demande à Spielberg s’ils ne peuvent pas se contenter d’un tir pour éliminer l’adversaire motivé, alors que quatre jours de tournage étaient prévus pour cette scène méticuleusement préparée. L’équipe rigole, mais Steven la prend au sérieux et le moment devient culte. Le livre est aussi l’occasion de rappeler l’anecdote du tournage de La Liste de Schindler. Alors que Steven repoussait le projet depuis dix ans, ne se sentant pas prêt, il trouvera le courage de s’attaquer à son quinzième long-métrage une fois plus âgé et parent de plusieurs enfants. Sa femme et une de ses filles l’accompagneront durant tout le tournage terriblement éprouvant pour lui qui partage la même religion que tous ceux morts à l’endroit où il se tient des décennies plus tôt, et quand l’accablement sera trop fort, c’est un certain Robin Williams qui, une fois par semaine, improvisera un quart d’heure de blagues et redonnera le moral à toute l’équipe. Spielberg réalisera un film aussi terrible que puissant et magistral, qu’il conclura en faisant venir de véritables survivants de cette ignominie venus se recueillir sur la tombe des victimes et du véritable Oskar Schindler. Le réalisateur évoluera une nouvelle fois en parvenant enfin à combattre son malaise et acceptera définitivement ses origines en créant la Shoah Fondation dont l’objectif est de recueillir les témoignages du plus de survivants possible…

Bref, c’est avec beaucoup de justesse et d’inspiration que Gilles Penso met dans la lumière les différents aspects de la vie d’un des cinéastes les plus populaires de tous les temps. Naviguant habilement entre les époques, les projets et les nombreuses thématiques, l’auteur relie impeccablement tous les éléments pour composer une toile riche et complète abordant le courage, la peur, la religion, la famille, l’amour, la parentalité… On a également le plaisir de croiser Stanley Kubrick, John Ford, George Lucas, Joan Crawford ou encore Chuck Silvers, l’homme qui le découvrit en train d’arpenter les studios Universal et lui permit de rester. Tel un spectateur devant un film de Spielberg, le lecteur est fasciné et émerveillé de tourner chaque page pour en apprendre plus sur la vie et la carrière d’un immense conteur d’histoire qui a toujours su explorer le monde et l’humanité au fil des décennies et des genres avec un regard qui n’appartient qu’à lui. Un homme qui a toujours été en mesure de se montrer positif et plein d’espoir, de s’adresser aux enfants comme aux adultes mais aussi se montrer plus sombre quand il le fallait. Un cinéaste total à la mise en scène majestueuse et d’une ampleur imparable qui est sans aucun doute un des plus humaniste que le cinéma ait jamais connu, ici merveilleusement remercié par un auteur l’appelant par son prénom et se permettant de lui rendre hommage en s’adressant autant à l’artiste qu’à l’homme.

A l’heure où le grand Steven Spielberg s’apprête à se livrer comme jamais auparavant avec son récit en grande partie autobiographie The Fabelmans, ce livre et Steven Spielberg lui-même nous le rappellent : il n’y a rien de plus beau, pure, sincère et puissant que conserver ses rêves d’enfant. Avec de la volonté, un peu de chance, du cœur et de l’imagination, qui nous dit qu’ils ne bouleverseront pas la vie de millions de gens de tous les âges pendant des décennies ? 

Simon Beauchamps

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Steven avant Spielberg
Gilles Penso
EAN : 9782749951843
Éditeur : Michel Lafon
Sortie : 3 novembre 2022

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