Avant la fin de l'été

[CRITIQUE] AVANT LA FIN DE L’ÉTÉ

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Trois amis iraniens sillonnent les routes de France espérant le temps d’un été convaincre l’un d’eux de ne pas rentrer en Iran. Un documentaire revigorant de Maryam Goormaghtigh.

C’est le début de l’été, Arash se prépare à rentrer en Iran en septembre après cinq années passées en France pour ses études. Ses amis Hossein et Ashkan lui proposent une virée vers le sud pour lui laisser le temps de bien réfléchir à sa décision, en espérant qu’il finisse par y renoncer. Commence alors une errance entre road movie et flânerie pour nos trois personnages en quête de sens.

Qui n’a jamais rêvé de filmer ces merveilleux petits moments de la vie où l’on regrette de n’avoir pas de caméra ? AVANT LA FIN DE L’ÉTÉ semble être une compilation de moments volés tellement parfaits que le film ressemble à une fiction. Il faut dire que ce documentaire flirte avec la fiction à chaque instant tant il est formidablement écrit et interprété. Si les personnages sont bel et bien réels, leurs échanges, profonds ou légers, pourraient avoir été écrits par Rohmer.

Dans l’une des premières scènes du film, alors que les trois amis campent éclairés par de petites loupiottes, Arash avoue le sentiment de solitude extrême qu’il ressent en France et qui l’empêche de créer des liens avec les français. « Les français n’ont aucune raison de s’intéresser à moi », lance-t-il. Hossein désapprouve, lui s’est fait de vrais amis en France mais il lui a fallu du temps, et la rencontre avec sa femme française.

PHOTO: Avant la fin de l'été

AVANT LA FIN DE L’ÉTÉ raconte ainsi en filigrane l’exil et le déracinement, la solitude des êtres, la difficulté à communiquer, l’amitié salvatrice. Le film nous montre aussi les rencontres qui ponctuent leur périple, de la jeune serveuse aux deux musiciennes en passant par Miss Noirétable. Car comme tous les hommes (et les femmes), ceux-là recherchent l’amour (à part Hossein déjà marié). Le genre d’amour qui ferait rester Arash en France. Les scènes de drague sont à contre-courant de tous les clichés du genre. Lorsque Ashkan approche la jeune serveuse, il est terrifié et maladroit et n’ose l’aborder plus frontalement. On la voit assise sur le bord de la fontaine là où ils se parlaient quelques instants avant. Hossein l’incite à y retourner et convoque un poète iranien en choisissant au hasard un de ses poèmes, véritable invitation à profiter du moment présent.

« Avant la fin de l’été est un road movie existentiel, délicat et drôle sur l’exil, la rencontre et l’amitié. »

De la rencontre avec deux jeunes musiciennes nait une légèreté qui soudain semble faire douter Arash, lui qui aime « être avec des inconnus ». Sur la plage, Hossein leur montre les différentes façons de porter le voile chez les vieilles iraniennes, tandis qu’Ashkan, toujours aussi maladroitement, tente de les séduire. Les personnages se frôlent, se heurtent, rient ensemble et la cinéaste capture la magie de la naissance des sentiments, vibrants et sans lendemain. Tout au long du film, Maryam Goormaghtigh révèle avec délicatesse et humour la part féminine d’Ashkan, Arash et Hossein, leurs doutes et leurs questionnements. Y compris quand il s’agit de draguer les filles. Ainsi quand Ashkan approche l’une des musiciennes pour mieux titiller l’autre, il semble lui-même ne plus savoir ce qu’il veut. « Laquelle t’intéresse ? Nous non plus, on n’a pas compris », plaisantent-ils.

Avant la fin de l'été

Impeccablement éclairé, découpé et mis en scène, le film regorge de cadres éloquents et percutants tel ce plan dans une fête foraine où une mamie de dos observe la chenille quand deux autres passants se placent soudain juste devant elle. Maryam Goormaghtigh aime filmer ses personnages de dos, comme pour mieux les apprivoiser, l’horizon devant eux, parfois ouvert, parfois contrarié. Chaque scène abonde de savoureux dialogues, de silences et de pépites, comme cette scène où Hossein et Ashkan sont en maillot de bain dans l’eau et évoquent la difficulté de communiquer quand on est dénudés, ou encore celle où, en voiture, les trois amis apprennent aux deux jeunes femmes la richesse de la langue farsi.

Ensemble ils avancent vers le sud, parlent religion, analysent leurs rêves, fument, boivent et dans le silence de la nuit, tentent de trouver des réponses. Leur errance sur fond de paysages français raconte aussi leur place dans le monde, le mal du pays (Hossein avoue davantage se retrouver en France mais se sait indéniablement plus heureux en Iran), et leur envie de liberté. On dirait le sud, on dirait la vie. Un premier long métrage à ne manquer sous aucun prétexte.

Anne Laure Farges

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Titre original : Avant la fin de l'été
Réalisation : Maryam Goormaghtigh
Durée :1h20mn
4
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