LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT
© Warner Bros. France

LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT, classique et complexe – Critique

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L’influence qu’a pu avoir, et possède toujours, John Ford sur le cinéma américain – et mondial – en fait clairement l’un des metteurs en scène les plus importants du XXème siècle, dont LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT constitue probablement l’une des meilleures illustrations.

Déjà parce qu’il réunit deux grands fidèles du cinéaste (on le connait très loyal envers ses équipes de tournage) – John Wayne et Jeffrey Hunter – mais aussi parce que THE SEARCHERS, puisque c’est son titre original, semble avoir défini le western « à papa » tel qu’on le connaît aujourd’hui, au travers d’une imagerie directement héritée de celle que John Ford donna à son Ouest américain et plus particulièrement à la Monument Valley, ici véritable personnage principal du film.

Pilier du Technicolor, LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT se démarque avant tout de par ses magnifiques décors que Ford sublime à chaque instant. C’est ce poids gargantuesque de ces paysages infinis, grandioses et mythiques, qui donne au film toute sa majesté et sa force épique. Cette puissance visuelle est constamment au centre du cadre, écrasant et éblouissant les personnages, dont la figure se détache difficilement de ces espaces sans frontières. Un décor qui semble figé dans le temps, qui voit l’évolution d’une intrigue sur plusieurs années et de personnages dans leurs cheminements initiatiques respectifs aux enjeux finalement très différents – à partir de ceci, Ford installe un sens de l’ellipse et des sauts dans le temps absolument admirable.

LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT est pourtant une œuvre qu’il faut savoir contextualiser – si elle n’a formellement pas pris une ride, la forte ambiguïté de son propos qui pourra, avec un point de vue actuel, paraître raciste si ce n’est vomitif vis-à-vis de sa peinture des amérindiens, est un aspect très dérangeant du film. Un film qui n’est heureusement pas aussi premier degré que d’autres productions de l’époque – le personnage de John Wayne est fortement ambivalent, le regard discriminant qu’il porte sur les indiens n’est jamais considéré comme positif.
Mais LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT n’en est pas pour autant un film-stéréotype reposant sur des valeurs traditionnelles dépassées, il est bien plus intelligent que cela. On n’est pas loin de la tragédie, et c’est une œuvre profondément pessimiste que livre John Ford. Les plus grands drames et les plus terrifiantes horreurs apparaissent hors-champ, ou dans l’ombre, mais elles n’en sont pas moins explicites. Un film sombre, dont la quête désespérée de ses protagonistes se reflète sur la propre ambition artistique de son auteur.

Derrière ces visages que le temps a métamorphosé en archétypes, se cache une œuvre plus complexe qu’elle n’y paraît, dont les tableaux magnifiques cachent une intelligence fataliste presque inédite.

Ce n’est une surprise que LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT soit considéré comme un classique du western classique, tant il allie à la fois tous éléments qui constituent la mythologie du genre (indiens, vieux cowboy confédéré, cavalerie) et la maîtrise incroyable d’un cinéaste majeur. Alliant le souffle épique dévastateur d’une aventure fleuve et des scènes de dialogue tantôt drôles, tantôt intimistes, tantôt profondément pessimistes, Ford donne ses lettres de noblesse à un genre esseulé et surexploité. Pourtant, derrière ces visages que le temps a métamorphosés en archétypes se cache une œuvre plus complexe qu’elle n’y paraît, dont les tableaux magnifiques cachent une intelligence fataliste presque inédite. Indispensable.

Vivien

Note des lecteurs4 Notes
4.5

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