On the Milky Road

[CRITIQUE] ON THE MILKY ROAD

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Passons sur les polémiques de sa « non sélection » au festival de Cannes 2016, ON THE MILKY ROAD sort enfin sur les écrans français. Condensé d’une œuvre en constant bouillonnement, le film est une déflagration du tragique, un capharnaüm d’une vitalité contagieuse qui passe sans sourciller du rire aux larmes.

Difficile de maîtriser le temps qui passe et de garder l’étincelle. Après 10 ans d’absence (si l’on excepte le segment réalisé dans le film collectif Words with Gods en 2012), Emir Kusturica aura donc mis de côté le projet démiurgique Le Pont de la Drina pour revenir à l’essentiel avec ce bastringue cinématographique qui n’appartient qu’à lui. Un univers exalté, bouillonnant, qui ne s’attache pas à la logique et préfère une forme de poésie détraquée qui parasite un réalisme brutal. Projet difficile, lourd à porter, long à aboutir, ON THE MILKY ROAD aura été une expérience extrême, un tournage chaotique pour replonger dans la guerre en ex-Yougoslavie. Ce sera la dernière fois promet le réalisateur qui, sur un contexte similaire, nous avait offert les puissants Underground (1995) et La Vie est un Miracle (2004).Monica Bellucci (On the Milky Road, 2017)Faisant fi des règles de narration bien agencées autour du réalisme, le film trouve d’abords son équilibre au cœur d’un village niché sur une colline. L’occasion pour le cinéaste de nous présenter ce petit monde dont la vie est rythmée par les bombardements, les fusillades, les petites affaires quotidiennes… et la fête ! Justement, Kosta (Emir Kusturica), musicien à ses heures, est chargé de porter du lait frais aux troupes sur le front. Armé d’un parapluie et juché sur sa mule, il trace son chemin entre les balles, passant d’un village malgré tout plein de vie au front où plane la mort. S’il doit se marier avec la fofolle Milena (Sergej Trifunović), Kosta s’éprend d’une réfugiée italienne (Monica Belluci) qui voue une passion pour le film Quand passent les cigognes de Mikhaïl Kalatozov. Fatum oblige, le couple maudit devra s’enfuir après le massacre du village. Rupture de ton. ON THE MILKY ROAD s’ouvre alors aux paysages, à la nature et devient un road-movie désespéré, haut en couleurs, onirique qui étreint la passion sans jamais oublier que la folie et le tragique attendent leur tour.Emir Kusturica & Monica Bellucci (On the Milky Road, 2017)Pour la première fois devant et derrière la caméra, Emir Kusturica dévore la pellicule des deux bouts. Le couple extravagant qu’il forme avec Monica Belucci n’hésite pas à jouer des sentiments échevelés face à l’horreur frontale (les exécutions) ou symbolique (l’oreille recousue). Comme toujours, l’amour contrarié gangrène le récit jusqu’au déchirement. Le cinéaste constate le dérisoire de la guerre, du conflit, de la violence dans cette course poursuite qui ne ménage pas les accents stylisés habituels : l’omniprésence des animaux (le faucon qui danse, des oies dans une baignoire de sang, le serpent dans le lait, les oiseaux multicolores, quelques moutons explosifs, un ours amateur d’orange), les objets grotesques (courge-bouée), la musique (ici c’est son fils Stribor qui se charge de la partition), le conte de fée déglingué, la magie pure, l’absurdité avec un sens de la métaphore inventive comme cette improbable horloge, impossible à réparer.

Dans cet enchevêtrement bordélique, frénétique, comme une fête extravagante, la patte de Kusturica exsude à chaque plan. Certains pourront lui reprocher une certaine légèreté dans le traitement narratif de son histoire, cette façon de jouer avec l’accumulation et la redite d’un style maintes fois visités. Mais quel metteur en scène ! Et c’est justement cette faculté à renouveler son propre univers qui permet à Emir Kusturica de recoller les morceaux. Évidemment, les réfractaire du cinéaste trouveront ici de quoi nourrir leurs réserves habituelles tant celui-ci flirte avec l’auto-complaisance. Une impression renforcée par son omniprésence à l’écran et un jeu naïf et débridé qui ne recule devant rien mais qui pourra être également perçu comme un acte de foi incroyable pour le Cinéma.

Cyrille Delanlssays

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Note des lecteurs14 Notes
Titre original : On the Milky Road (Lungo la Via Lattea)
Réalisation : Emir Kusturica
Scénario : Emir Kusturica
Acteurs principaux : Emir Kusturica, Monica Bellucci
Date de sortie : 12 juillet 2017
Durée : 2h05min
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