Image film Une femme est unes femme

[critique] Une Femme est une Femme

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Affiche UNE FEMME EST UNE FEMME

« Angela, tu es infâme. – Non, répond-elle, je suis une femme. » Impertinence qui résume ce film. L’histoire : celle d’Angela qui veut un enfant. Mais Émile n’en veut pas. Alfred, qui est amoureux d’Angela, ne dirait pas non. Angela qui aime Émile refuse Alfred mais fait croire à Émile qu’Alfred lui fait perdre la tête…

[rating:7/10]

Date de sortie : 6 septembre 1961
Réalisé par Jean-Luc Godard
Film Une femme est une femme
Avec Anna Karina, Jean-Paul Belmondo, Jean-Claude Brialy
Durée : 1h28min
Bande-Annonce :

Vendredi 8 Mars , journée de la femme : pour certains il s’agit de l’occasion de rappeler l’évolution extraordinaire du statut de la femme depuis le XX siècle, tandis que d’autres réhabilitent les vieux stéréotypes et les incorporent dans la société actuelle (reportages sur les femmes au foyers ou les femmes qui privilégient leurs carrières aux détriment d’une vie de famille). Chacun à sa manière s’approprie cet événement qui sert simplement à se demander ce qu’est une femme ? Et si la réponse la plus simple et la plus juste était : Une femme est une femme.

Le meilleur moyen de marquer cette journée est de voir la femme a travers l’écran de l’art. Le cinéma a donné à voir la femme de toutes les façons possibles, sous tous les angles. Affirmant qu’elle pouvait se rêver et se réaliser de manière infinie. La femme dans l’art est souvent vu par l’artiste, l’homme, l’homme amoureux, l’homme injuste, l’homme qui finit par la mépriser. Godard a dit dans Histoire(s) du cinéma : « Je montre que le cinéma, c’est des hommes qui ont filmé des femmes. Il y a quelque chose de très fatal là-dedans. C’est l’histoire de la beauté qui dans la peinture comme dans la littérature a toujours été liée à des femmes et pas à des hommes. » Affirmation sexiste d’un provocateur ou fait avéré ? Les cinéastes ont sublimé la femme, particulièrement dans les années 50 à Hollywood, alors que le glamour nait.
Godard aime les actrices et le prouvera tout au long de sa carrière. L’amour du cinéaste et si fort qu’il se confond avec l’amour de l’homme : peu après la sortie de Une femme est une femme, Godard épouse Anna Karina.

L’histoire de Une femme est une femme est simple et compliqué, d’ailleurs tout le film se met au service de ce paradoxe jouant sur les notes de la tragédie et de la comédie. Anna Karina est Angela et elle veut un enfant. Cette demande est rapidement explicitée mais ce qui se cache derrière ne l’est pas. Angela ne dit pas l’essentiel : elle aime Emile. Emile, interprété par Jean-Claude Brialy, l’aime aussi, et c’est malheureusement pour Alfred (Jean-Paul Belmondo), également le cas.

Photo UNE FEMME EST UNE FEMME

Emmener le spectateur, le faire voyager puis le ramener brutalement à la réalité : tel est le jeu de ce film.

Perdus entre comique et tragique, les personnages expriment leurs confusions. Angela confesse à la caméra « Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer » . Brialy, comme sorti de son personnage, revêtit le statut de narrateur d’une pièce de théâtre et affirme « Je ne sais pas si c’est une comédie ou une tragédie mais en tout cas c’est un chef-d’oeuvre ». Comme le va et vient de la (nouvelle) vague, le film oscille entre moments de comédies avec tous les ressorts qui l’accompagnent (jeu de mots, répétitions, comique de situation, décalages…) et tragique comme le révèle la scène de comédie musicale. Moment onirique, rêve vers lequel tendent les personnages sans pouvoir l’atteindre : toute la tragédie est soulignée. Les moments d’évasions sont contrés par des séquences tournées comme des documentaires où des gros plans sur de vieux hommes font retomber le rêve. Emmener le spectateur, le faire voyager puis le ramener brutalement à la réalité : tel est le jeu de ce film. C’est un cinéma au service de la magie, son humble créatrice, comme le montre les scènes ou les femmes se retrouvent déshabillées en passant par une porte  : la magie de Méliès est célébrée .

Godard comme un guide, réapprend aux spectateurs à apprécier le cinématographe. Il renouvelle le cinéma en piochant un peu partout dans l’art. Il superpose littérature, théâtre, opéra, chanson, cinéma. Les références sont incorporées est entremêlées pour livrer un fini où tout coule naturellement. Comment exprimer le mutisme, l’impossible communication entre deux personnages ? Godard répond pour une scène mythique où Angela et Emile muets, parlent par livres interposés. Ce procédé souligne le pouvoir des mots et leur importance. Elle montre aussi que Godard ne cherche en aucun cas à prendre son spectateur en traître, ici l’incommunicabilité des protagonistes est montré avec évidence. Certes son cinéma déstabilise car il innove et s’essaye à des ressorts inédits pour exprimer les choses mais ce n’est pas un prétentieux cinéma « intello ».

Godard filme Anna Karina en couleur, en bleu, en jaune, en rouge, en gros plan, en plan large. Pour lui elle pleure, elle chante. Se développe alors une réflexion sur la beauté féminine dans le cinéma et dans l’art. La beauté révulse et fascine : Angela est cruelle et belle. Le filtre de la lumière rouge sur son visage diabolise sa beauté, comme un pouvoir d’assouvissement des hommes. Le mythe de la beauté amère est revisité : Godard et le passeur qui continue par le médium cinématographique l’oeuvre d’Eluard (surtout dans Le Mépris).

Beaucoup n’apprécieront pas la représentation de la femme faite ici : strip-teaseuse qui veut un enfant , fait la cuisine à son mari et lit Marie Claire. Le film est pourtant bien plus que ces simples faits. La femme est complexe, Godard ne le nie pas, et essaye de capter cela par sa caméra.
Un film désormais classique , à voir sans aucuns prétextes, surtout pas celui de la journée de la femme ! Et comme Jean-Paul Belmondo le suggère avec humour dans le film, il ne vaudrait pas rater A Bout de Souffle et l’oeuvre de Godard de façon général.

Photo UNE FEMME EST UNE FEMME

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