LES VISITEURS

[CRITIQUE] LES VISITEURS : LA RÉVOLUTION

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LES VISITEURS : LA RÉVOLUTION
• Sortie : 6 avril 2016
• Réalisation : Jean-Marie Poiré
• Acteurs principaux : Christian Clavier, Jean Reno, Marie-Anne Chazel
• Durée : 1h50min
Note des lecteurs1 Note

On attendait avec une certaine impatience la suite de Les Visiteurs après 18 ans d’absence, d’autant qu’on les côtoie depuis 23 ans ! On avait laissé Messire Godefroy de Montmirail (Jean Reno) et son écuyer Jacquouille la Fripouille (Christian Clavier) dans Les couloirs du temps, là où démarre précisément LES VISITEURS – LA RÉVOLUTION en 1793. On ne vous parle même pas de l’incursion américaine de 2001 des Visiteurs, erreur de parcours. On se disait que retrouver enfin ce duo dans LES VISITEURS – LA RÉVOLUTION, c’était surtout l’occasion de retrouver le plaisir ressenti alors. Aussi cette critique sera-t-elle abordée sous l’angle des ingrédients de ce plaisir-là.

Ce qui fonctionnait et nous faisait rire dans Les Visiteurs, c’était évidemment l’effet de surprise et l’humour jubilatoire provoqués par les chocs générationnels, culturels et de langage. On se pâme encore en entendant « Que trépasse si je faiblis« , « je ne connais pas la peur » et « c’est grande menterie« , on sourit encore aux autres appropriations du XXème siècle « Okay« , « Diiiiingueu » et « nuit-jour » puis on se fatigue assez vite avec le nouvel élément de langage « Hourra ! C’est plus laïque ! ». L’autre confrontation culturelle portait aussi sur la puanteur et la saleté de nos deux protagonistes. Pas de déception de ce côté-là puisque environ 70% des gags de LES VISITEURS – LA RÉVOLUTION s’inspirent, sans rire, de l’odeur putride de leur haleine et de leurs pieds que doivent supporter les révolutionnaires. On les voit grimacer, s’évanouir, s’éventer, ouvrir les fenêtres, se plaindre. Les dialoguistes ne se sont pas foulés avec ce comique de répétition, qui n’est absolument plus drôle.

Gaumont Distribution
Gaumont Distribution

Les scénaristes ont fait d’autres tentatives humoristiques, qui tombent à plat, car soit déjà vues (salle de bain, ronflements), soit clairement à côté de la plaque (recherche de lait dans Paris la nuit). Ils se sont toutefois amusés à glisser, pour les aficionados, des références à d’autres films de la Bande du Splendid. On a ainsi un petit clin d’oeil à la nourriture dans Les Bronzés font du ski, ou à la blessure par balle de Le Père Noël est une ordure, mais là encore, est-il utile de le souligner, en moins drôle.

On avait aussi aimé les effets spéciaux de la transformation des corps des héros qui avalent la potion magique. Sans doute le réalisateur Jean-Marie Poiré et son co-scénariste (par ailleurs co-producteur) Christian Clavier ont-ils jugé que ces effets étaient dépassés en 2016 ou ont-ils simplement manqué de budget ? On aura juste droit à une malheureuse prothèse de goitre pour l’un et un nez de misère pour l’autre à l’évocation de la putréfaction de leurs corps, et à la lévitation de la sorcière.

L’humour en lien avec le rapport social entre Messire et Maraud est vu, battu et rebattu et ne nous fait plus sourire. Même Godefroy et Jacquouille, à force de errer dans les labyrinthes du temps, ont l’air de s’en être lassés. La différence de classe s’est déplacée sur les rapports entre nobles – enfin ce qu’il en reste – et citoyens de la Révolution. On aura ainsi droit à de grandes phrases didactiques sur la nouvelle égalité entre tous, et entre hommes et femmes. Pas de doute, Christian Clavier a bien bossé son Histoire de France et fait ressortir les traits saillants de ses personnages historiques. Il a dû se dire que les gamins qui iront voir le film apprendront au moins quelque chose.

« Le plaisir de retrouver les deux héros de LES VISITEURS – LA RÉVOLUTION est vite émoussé par la foultitude de personnages et l’histoire sans intérêt. Il est plus que temps de faire rentrer Godefroy et Jacquouille chez eux. »

Autant les scénarios des deux premiers films étaient plutôt construits, autant celui-ci part en vrille très rapidement. Dès l’incursion en 1793, en fait. On a l’impression que c’est le casting ou les exigences de la production à voir figurer tel ou tel acteur dans cette Révolution qui ont précédé à la rédaction du scénario. Comment en effet LES VISITEURS-LA RÉVOLUTION dérogerait-il à cette règle qui semble prévaloir dans les comédies actuelles, à savoir cette volonté à créer une histoire autour d’acteurs populaires du moment ? Ainsi Franck Dubosc (plutôt sobre mais du coup fade par rapport à ses films récents Bis, Pension Complète) interprète Gonzague, p’tit p’tit p’tit fillot de Godefroy. A l’opposé de la courageuse Béatrice des Visiteurs originels, il est plutôt couard, mais progressiste et lucide sur son époque. On lui a collé un frère cadet Robert, un Alex Lutz éteint dont le registre au cinéma (Paris-Willouby) est décidément très à l’opposé de ce qu’il est capable de faire en one-man-show. Les scénaristes leur ont adjoint une sœur, Victoire-Eglantine, jolie rebelle en devenir mais dont le personnage n’a pas été creusé plus que cela. Ils ont aussi développé un rôle sur mesure de belle-mère veuve pour Karin Viard, qui s’essaie avec plus ou moins de succès aux comédies et aux langages outranciers (Lolo, 21 Nuits avec Pattie).

Autant vous dire que les péripéties de cette famille de nobles ne nous intéressent guère, pas plus que Godefroy d’ailleurs. Et c’est un autre plaisir perdu dans LES VISITEURS – LA RÉVOLUTION : Godefroy le Hardi, qui éprouvait tant de bienveillance envers Béatrice, regarde ici sa descendance avec condescendance et mépris. La prestance qu’avait Godefroy il y a vingt ans n’est plus, il n’est concerné que par sa quête et l’urgence vitale à rentrer chez lui, abandonnant rapidement celle de remettre le Dauphin sur le trône du Roi décapité. Même Jean Reno marmonne avec un ennui indéniable son peu de dialogues ponctués par trop de « certes » peu engageants.

Gaumont Distribution
Gaumont Distribution

Jacquouille s’en sort mieux, c’est le seul qu’on retrouve avec plaisir parce qu’il est toujours aussi hâbleur, profiteur et dans la vengeance. On vous passe les détails de ses échanges d’un ennui mortel et sans intérêt avec sa propre descendance Antoine-Claude Jacquouillet et le malentendu de sa présence avec un vague oncle Ignace.

Il restait à caser Marie-Anne Chazel : point de Dame Ginette (et c’est bien dommage car on n’ose imaginer ce qu’elle aurait pensé de ce siècle-ci). Elle interprète la concierge de l’immeuble de Jacquouillet, en couple avec le « Sarazin » Philibert (Pascal N’Zonzi, bien meilleur dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?), qui monte de l’eau chaude pour le bain de Marat (Christian Hecq) et cuisine du boudin pour le terrorisant et incorruptible Robespierre (Nicolas Vaude). Car le pompon de LES VISITEURS – LA RÉVOLUTION, c’est la façon dont les scénaristes sont parvenus à nous servir une belle brochette de révolutionnaires dans l’immeuble et à la table même de Jacquouillet qui vit avec Charlotte, dite Lolotte, l’improbable sœur de Robespierre (parfaite Sylvie Testud).

Quant aux autres personnages secondaires, le nobliau Lorenzo Baldini (Ary Abittan) et la maîtresse de Gonzague Flore (Frédérique Bel) n’amènent rien au film, ne mettant même pas en valeur les autres personnages. Cette foultitude de personnages donne le tournis, crie, s’agite, s’insulte, claque des portes. Le bruit n’emplit hélas pas le vide laissé par le scénario et les dialogues. D’ailleurs, notre intérêt est revenu dès que les deux héros ont quitté le siècle des Lumières. On ne dira pas dans quel siècle ils atterrissent, mais l’histoire s’ouvre sur un possible quatrième opus, peut-être plus prometteur quoique inutile a priori. Car il est plus que temps de faire rentrer Godefroy et Jacquouille chez eux.

Notre plaisir des retrouvailles s’est émoussé, puis s’est perdu, comme nos deux héros, dans les limbes du passé, sans doute faussé par le travail du temps sur les souvenirs.

Sylvie-Noëlle

D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?

 

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