MOMMY
© Shayne Laverdiere

Les parenthèses enivrantes de MOMMY

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[dropcap size=small]L[/dropcap]e 8 octobre 2014, notre ex membre de la rédaction Wyzman publiait un article sur Mommy et son encombrant battage médiatique. En a-t-on trop fait sur le dernier film de Xavier Dolan ? S’est-t-on enflammé ? Peut-être, peut-être pas. Mon intention n’est pas de rouvrir un débat mais plutôt de voir, quelques mois après, à froid, ce qu’il en reste. La sortie DVD et Blu-Ray ces derniers jours est une parfaite occasion pour se replonger dedans. On pouvait, ou non, être en (dés)accord avec les propos déballés par notre ex-confrère. Personne ne sera jugé. Mais il faut avouer qu’il visait juste en concluant ses pensées par une phrase irréfutable : « Car si nous avons des critères objectifs, nous ne serons jamais deux à le percevoir de la même manière. »

Ne l’ayant pas revu depuis sa diffusion à Cannes, il y a un peu moins d’un an, je me suis livré à un petit exercice de mémoire pour me rendre compte de ce qu’il me restait du film. D’abord, des acteurs. Un trio magnifique sur lequel on a déjà tant dit. Puis, le plus important : un tourbillon d’émotions. Des cris, des pleurs mais surtout de la joie. Lorsqu’on me dit Mommy, mon cerveau fait resurgir ces instants de bonheurs. Des petites parenthèses bucoliques, où le temps se suspend pour profiter au maximum du présent. Avant que la tempête ne revienne. La première fois que nous sommes confrontés à une telle échappée, c’est avec la scène du longboard sur fond de « Colorblind ». Une évasion malgré l’étroitesse du format. Les plans larges prennent le dessus, la caméra tournante a du mal à cadrer Steve lorsqu’il fait tourner le caddie sur un parking. Le bonheur est trop fort, insaisissable en totalité par la caméra. Ensuite c’est la fameuse scène « Céline Dion » se ponctuant d’un travelling arrière libérateur. Vient une période de bonheur, en montage alterné, menée par « Wonderwall » d’Oasis. Le cadre s’agrandit durant le plan, symbole d’extase. Cette idée de mise en scène va se répéter vers la fin, à un détail près. L’agrandissement ne sera pas dans le plan mais dans le cut. Une folle envolée lyrique, où on voit Steve grandir et réussir enfin sa vie. L’omniprésence du flou empêche de saisir l’instant et déréalise toutes ces étapes. On a du mal à y croire mais on tente, happé par l’impulsion d’Experience de Ludovico Einaudi. En vain.

© Shayne Laverdiere
© Shayne Laverdiere

Toutes les scènes que je viens d’évoquer sont baignées dans une musique. L’alchimie entre l’image et le son n’aura jamais atteint une telle amplitude dans la filmographie de Dolan. Elle apporte une magnificence capable d’en dire plus que les personnages. L’utilisation de « Wonderwall » impose sa redoutable pertinence. Comme celle de « Ca ne change pas », par Céline Dion. Sur le papier, on est frappé par la ringardise de ces choix. Une fois en image, c’est renversant. Souvenons-nous des paroles du mythique son d’Oasis : “And all the roads/We have to walk are/Winding/And all the lights/That lead us there are/Blinding/There are many things/That I would Like/To say to you/But I don’t know how”. Ces choses qu’on ne sait pas comment dire, s’incarnent sur l’écran en une combinaison enivrante d’images et de musique. « On n’oublie jamais/On a toujours un geste/Qui trahit qui l’on est » dit Céline Dion. Une danse en communion, faire tournoyer un caddie pour se sentir vivant, rouler sur la route pour se croire le roi du monde : autant de gestes qui trahissent l’exaltation des personnages, oubliant la fragilité de l’instant.

Il s’avère qu’après une nouvelle vision, c’est encore dans ces instants que la magie de Mommy s’est déployée. Mes poils se sont dressés, mon cœur s’est emballé. Ils étaient tels que je m’en souvenais : du bonheur à l’état pur. Parce qu’ils étaient une bouffée d’air autant pour moi que pour les personnages. Pris indépendamment, on peut se rendre compte de la beauté de ces scènes. Il faut cependant les voir dans la continuité du film pour en saisir toute la force. Il faut vivre avec quelle violence tous ces moments s’achèvent (l’arrivée d’une lettre, une dispute lors d’un retour à la maison ou un retour à la réalité après un fantasme). Ils participent à la composition d’un rythme de montagnes russes, où le spectateur est secoué dans des sentiments opposés, et agissent comme des sas de décompression bienvenus. L’épanouissement durable est rarement une possibilité dans les films de Xavier Dolan. Il n’est qu’une chimère qui s’échappe dès qu’on pense l’avoir saisi, cette fois, pour de bon. Peu importe de quoi sera fait la suite de la carrière de Dolan, rappelons-nous, pour l’instant, de la pure beauté de ces scènes. Sans se soucier de ce qui va suivre ou de ce qui a précédé. Juste, profitons de voir un gamin de 25 ans être capable de nous faire autant vibrer.

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