les proies

[CRITIQUE] LES PROIES (1971)

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C’est l’histoire de Clint Eastwood au royaume des femmes… Les proies est un fantastique thriller sensuel et psychologique signé Don Siegel, dont on vous parle parce que Sofia Coppola va en réaliser un remake.

L’histoire: John McBurney est grièvement blessé à la jambe pendant les derniers jours de la guerre de Sécession. Amy, une sudiste de douze ans, le découvre gisant dans la forêt et parvient à le traîner jusqu’au pensionnat où elle est élevée. Toutes les élèves sont partagées entre leur peur du yankee, et leur désir d’hommes depuis le début de la guerre. Comprenant la situation, John s’exerce à séduire tantôt l’une, tantôt l’autre…

L’image en une de cet article est issu de la première scène des Proies.
McBurney (Clint Eastwood), blessé, est donc trouvé en pleine foret par le petite Amy. Au loin, une bande de soldats confédérés se rapproche. Un danger certain pour l’unioniste McBurney: et si la petite les appelait ? Après tout, elle est une confédérée, lui est l’ennemi… D’où le dialogue suivant, lié a la nécessité de faire diversion.

[column size=one_half position=first ]

« How old are you Amy ? »
« 12, thirteen in decemb… »
« shhhh… Old enough for kisses »

[/column]

[column size=one_half position=last ]

« Quel age as tu Amy ? »
« 12 ans, treize en décem… »
« chhhhut… Assez agée pour embrasser »

[/column]

… … … Et là, il l’embrasse.

Voilà: c’est exactement pour ce genre d’ambiguïtés dérangeantes, qui se reproduira nombre de fois durant le film, que Les proies est si génial.

Photo de Les Proies
prédateur ?

Eastwood AKA l’un des hommes les plus classe/BG/sexy de l’époque, interprète donc un personnage trouble et indéchiffrable comme pas possible, évoluant à milles lieues de la figure du héros (ou du anti-héros) habituelle. Est-il un prédateur sexuel ? un séducteur ? un romantique ? un survivant ? une proie ? Impossible de savoir et pourtant ce personnage est notre repère, celui à qui nous nous attachons, celui par qui nous découvrons ce microcosme féminin. Ces femmes ? Un panel aussi caractérisé qu’immédiatement identifiable. Amy, la « petite fille », Carol la « chaudasse »,  Edwina la « vierge innocente », Hallie, « l’esclave », Martha la « milf frigide »…
Pourtant très vite, à mesure que McBurney (« appelle moi McB » dit-il) fait preuve d’empathie avec elles pour mieux les séduire/manipuler, ces femmes dévoilent de leur coté des facettes bien moins unidirectionnelles que prévues. Bien plus psychologiques, bien plus ambiguës, bien plus dangereuses. Qui est proie, qui est victime ? McB, son double, triple, quadruple, quintuple jeu de séduction est-il pour elles dangereux ou un exutoire ? Une blessure (émotionnelle, psychologique ou physique) ne peut-elle pas également générer un instinct de survie, un état de rage défensive ? Qui blessera vraiment l’autre en premier ?

[bctt tweet= »«Sensuel, tendu, politique, complexe, fascinant, féministe… Les proies est un masterpiece» » username= »LeBlogDuCinema »]

Si décoder la nature réelle et les motivations de tous ces personnages est en soi passionnant, cela passe de plus par une tension sensuelle et sexuelle comme rarement a t-on l’occasion d’en voir au cinéma. Sensuelle et sexuelle, car on parle ici d’un homme, un mâle alpha même (Clint Eastwood on le rappelle), placé au centre des attentions de 8 femmes esseulées. Puis tension, car nous sommes en empathie avec elles autant qu’avec lui… D’où multiple suspense à chaque interaction, chaque intrusion venant de l’extérieur (toujours des hommes), chaque modification de l’équilibre… Jusqu’à ce final, apocalyptique, violent, cruel et paroxystique, mais pourtant d’une incroyable sobriété. La conclusion parfaite pour un putain de grand 8 émotionnel.

Si les atours d’un cinéma commercial sont bien présents et remarquables par l’accessibilité qu’ils donnent au film (rythme, esthétique, casting bankable, genre western/guerre), ils sont toutefois régulièrement parasités par de minuscules moments qui mindfuckent complètement le spectateur. On parlait plus haut du bisou pédophile de Clint Eastwood, mais il y a également dissimulés dans les voix-off ou dans des flashbacks presque subliminaux, des repositionnements des curseurs de normalité et de politiquement correct… vers l’extrême; une pédophilie dès le début, une cruauté gratuite plus loin, une question d’inceste ici, un racisme latent et réciproque par là… Et d’un autre coté, il n’y a pas que ces aspects interrogeant les limites morales qui dénotent, il y a parfois simplement la suggestion d’une profondeur particulière chez les personnages, peu cinégénique car trop réaliste et familière, mais pourtant fascinante car décuplant l’imprévisibilité du film.

Puis en filigrane de cette étude de la femme et de sa versatilité, ainsi que de ces portraits psychologiques sous-jacents, Les Proies porte un regard politisé mais toujours aussi moderne sur l’hypocrisie absolue de quelques unes des emblématiques valeurs américaines; esclavage, désir de propriété, violence et vice inhérents, fantasmes de l’accomplissement, etc.
Si ce n’était son apparence hollywoodienne (partie intégrante de son génie subversif d’ailleurs), Les Proies aurait tout à fait eu sa place au sein des films du Nouvel Hollywood, et se rapprocherait beaucoup du travail d’un Scorsese.

photo de les proies
Proies ?

Cette richesse thématique et émotionnelle ne serait cela dit rien d’aussi puissant, sans une réalisation de qualité. Là encore, c’est une question de subtilité, de dosage. Don Siegel maîtrise clairement théâtralité, dialogues, utilisation de l’espace, direction d’acteurs, montage, gestion de la censure -, mais c’est dans la complémentarité et l’interaction de ces aspects indépendamment réussis, ainsi que porté par un certain jusqu’au bout-isme et une envie de cinéma politique, que Les Proies passe du bon film oubliable, au classique indémodable.

C’est aussi en cela que nous sommes enthousiastes à propos des premières images du « remake » des Proies par Sofia Coppola, qui par le passé sut apposer un regard personnel et sensible sur des scripts quelconques (Virgin Suicides, Lost in Translation, Marie Antoinette) pour en faire de fascinants objets générationnels… Preuves qu’une réalisation singulière associée à des obsessions d’auteur peuvent reformuler un matériau catalogué comme prévisible. Saura t-elle néanmoins s’affranchir de l’oeuvre de Don Siegel ?
Réponse à partir du 23 août 2017.

Georgeslechameau

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Note des lecteurs6 Notes
Titre original : The Beguiled
Réalisation : Don Siegel
Scénario : Albert Maltz, Irene Kamp, d'abrès The Beguiled de Thomas Cullinan
Acteurs principaux : Clint Eastwood, Geraldine Page, Elizabeth Hartman
Date de sortie : 1971
Durée : 1h45min
5
chef d'oeuvre

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