Mindhunter

[CRITIQUE] MINDHUNTER – Saison 1

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Produite par David Fincher et créée par Joe Penhall, Mindhunter est une des séries événements de la fin d’année 2017. A découvrir sur Netflix.

Un générique peut en dire beaucoup sur un projet. Dans le cas de Mindhunter, cela est vrai. Sur la musique hypnotique de Jason Hill, une main prépare un enregistreur audio analogique afin de mener une interview. Les gestes sont précis, exécutés selon une méthodologie définie. Tout à fait à l’image de la série, qui est un bloc de précision. Pas étonnant de voir un tel résultat lorsqu’on sait que David Fincher est la tête pensante du projet. Producteur mais également réalisateur de quatre des dix épisodes, il infuse son style, définit toute la charte artistique. Lumière, musique, mise en scène, reconstitution, tout témoigne de son influence. De quoi nous rappeler l’extrême maîtrise dont il avait fait preuve en 2007 avec l’impressionnant Zodiac, qui revenait sur l’affaire du fameux tueur ayant terrorisé l’Amérique dans les années 60/70. Mindhunter débute juste après, en 1977, ce qui en fait quelque part une sorte de suite spirituelle – on reviendra sur la filiation entre les deux plus tard.Photo de la série MINDHUNTERAdaptée du livre Mind Hunter: Inside The FBI’s Elite Serial Crime Unit écrit par John E. Douglas, la série raconte comment deux agents du FBI vont rencontrer plusieurs tueurs connus dans le but de comprendre leur fonctionnement et acquérir des connaissances qui pourront aider à résoudre d’autres affaires morbides. Pour comprendre Mindhunter, il faut rappeler l’état dans lequel est l’Amérique en 1977. Charles Manson est en prison après ses crimes atroces, Nixon a démissionné de son poste de président suite à l’affaire du Watergate, les américains se sont retirés de la guerre du Vietnam. C’est dans ce contexte qu’intervient l’Unité des Sciences comportementales afin de faire évoluer les méthodes d’enquête. D’épisode en épisode, de ville en ville, la série dresse un portrait de l’Amérique des 70’s, celle tourmentée qui ne sait plus trop sur quel pied danser, celle qui se réveille tous les matins avec un arrière-goût amer dans la bouche, qui affronte des problèmes complexes tout en gardant des méthodes poussiéreuses.

N’attendez surtout pas de la part de Mindhunter d’être une série policière classique, sinon vous risquez de vous exposer à une grande déconvenue. Pas de coups de feu, de poursuites, de suspense haletant. Ici, on parle. On parle même beaucoup. Évidemment, il fallait s’y attendre, les dialogues sont passionnants. La finesse de l’écriture et la qualité du casting permettent aux nombreux échanges verbaux de nous accrocher avec brio. On saisit toute l’étendue de la prouesse dès le second épisode et l’apparition d’Ed Kemper. Cet ogre, auteur du meurtre de sa mère, de ses grands-parents et de plusieurs jeunes filles, se révèle être un passionnant sujet d’analyse cultivant l’ambiguïté. Comme à l’époque du Silence des Agneaux et de son Hannibal Lecter débordant de charisme, le spectateur est autant fasciné par ces criminels que les inspecteurs. C’est sur ce crédo que décide de s’installer la série, cherchant à analyser avec une minutie les faits, de restituer toute la complexité psychologique de ces figures. Tout cela est d’autant plus saisissant que les faits sont réels, de quoi nous glacer le sang.Photo de la série MINDHUNTERFormaliste de génie, David Fincher est intéressé depuis très longtemps par la notion d’obsession. Bien au-delà de ce qu’il imprime comme style visuel, on ressent que Mindhunter se raccroche à une grande partie de sa filmographie. Il n’est pas question simplement de savoir le pourquoi du comment, il est avant tout question de fascination. Dans Zodiac, Robert Graysmith (incarné par un excellent Jake Gyllenhaal) voyait sa vie contaminée par son enquête, au point de lui dédier tout son temps, de négliger sa propre vie sociale tant le tueur occupait chaque seconde ses pensées. On fait facilement le lien avec Holden Ford, jeune loup en léger décalage avec la société (point commun de nombreux héros fincheriens), absorbé par l’étude qu’il mène, quitte à outrepasser les ordres de ses supérieurs, quitte à négliger sa naissante relation sentimentale (il ne fait que parler de son boulot avec sa copine). L’obsession des protagonistes devient aussi celle du spectateur – et c’est toute l’intelligence de la série, qui joue sur nos penchants les plus sombres, tutoie notre curiosité mal placée, notre désir de frisson déviant.

Tout cela est, sur le papier ainsi que dans l’exécution, assez fantastique. Néanmoins la série fait preuve d’une froideur qui pourra laisser une partie de l’audience sur le pas de la porte. Surtout que tout ce qui concerne la caractérisation des personnages nous empêche souvent d’avoir un point d’accroche émotionnel. Le show se loupe un peu lorsqu’il entreprend d’aller explorer la vie privée de ses protagonistes. Entre un héros tête à claques et une chercheuse maniaco-coincée, le spectateur ne trouve qu’un unique point d’accroche en la personne de Bill Tench (Holt McCally), un agent du FBI imposant physiquement doté d’un background, pour le coup, développé. Cette absence globale de couche narrative intime plus ample saute aux yeux parce que la série refuse d’avoir une intrigue classique où le suspense de l’enquête se mêle aux tourments intérieurs. Soit ce qu’avait fait à la perfection la génialissime saison 1 de True Detective. C’est un des choix forts de la série – que certains ne manqueront pas de qualifier d’ennuyeuse. L’essentiel est de savoir où on met les pieds. Puis de savourer.

Maxime Bedini

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Note des lecteurs39 Notes
Titre original : Mindhunter
Créateur :Joe Penhall
Acteurs principaux : Anna Torv, Jonathan Groff, Holt McCallany
Date de sortie :13 octobre 2017 sur Netflix
Format : 52 min
3.5

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