AU-DELÀ DES MONTAGNES
© Ad Vitam

AU-DELÀ DES MONTAGNES – Critique

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Mise en scène
8
Scénario
9.5
Casting
6
Photographie
7.5
Musique
7
Note des lecteurs5 Notes
7.9
7.6

Pour moi, le défaut majeur du film est d’arriver après le fabuleux A Touch of Sin… Car il m’a été très difficile de ne pas chercher désespérément dans AU DELÀ DES MONTAGNES (Mountains May Depart en VO), les puissants motifs du film précédent.

A Touch of Sin représentait une forme d’aboutissement formel d’un dialogue politiquement engagé, concret et subtil avec le spectateur. On y suivait 4 histoires, apposant chacune un point de vue radicalement différent sur plusieurs formes de violence (sociale, morale, psychologique, physique)… L’occasion de rendre compte, par la suggestion, de l’état du pays : la Chine.

Maturité/évolution ou volonté d’exploration du spectre cinématographique… En apparence, Jia Zhang-Ke change totalement de registre avec AU DELÀ DES MONTAGNES.
On oublie donc les contes sociaux allégoriques, place au romantisme et au tragique, et à la sacro-sainte trinité amoureuse, base de nombre de mélodrames.
Mais ne vous y méprenez pas : AU DELÀ DES MONTAGNES possède également un scénario intelligent, ne révélant sa véritable force que (très) progressivement. C’est aussi pourquoi je resterai volontairement flou sur les détails les plus importants du synopsis, tout en tentant d’extraire l’essence du film.

Photo du film AU DELÀ DES MONTAGNES

Dans un bled paumé, Tao vivote entre deux hommes : Jinsheng – riche arriviste, et Liangzi – un pauvre mineur. Ne cherchez pas (comme moi) à absolument donner un sens à cette histoire via l’exploration d’un éventuel spectre social ; celui-ci, par définition est présent… Mais il n’est jamais développé autrement que visuellement (la mine et les mineurs notamment, représentent très graphiquement la pauvreté).
Gardez toutefois en tête que cette romance très simple et simpliste, n’est « que » la fondation d’une histoire très complexe ; elle est primordiale, dans chaque détail, au reste de l’intrigue.

Digression : une discussion avec un spectateur chinois, qui a détesté le film, nous aura appris que ce que l’on voit dans cette première partie se nourrit intégralement de clichés, et ne représente pas du tout la Chine. L’on peut alors se dire que le réalisateur cherche à favoriser la distribution sur le marché international : le romantisme surfait (mais réussi) de ce segment ne serait-il pas une façon de nous rendre le film plus accessible ?
Dans ce cas, AU DELÀ DES MONTAGNES serait-il indirectement un ambassadeur du rapprochement Chine/occident ? Gardons cette pensée en tête et intéressons-nous au reste du film.

« AU-DELÀ DES MONTAGNES surprendra celui qui s’attend juste à voir une version alternative de A Touch Of Sin, avant de prendre un sens tout aussi puissant, magnifique et inattendu. »

Car, au moment où l’on commence à se dire que ça devient ronflant, une de ces surprises dont le réalisateur a le secret vient nous rappeler qu’on est bien chez le mec de A Touch Of Sin et qu’un changement de dynamique est à prévoir.
C’est ainsi qu’on embraye sur la seconde partie du film, où la romance fait place au mélodrame, en développant le destin relativement tragique des personnages. Là encore, le motif n’est pas vraiment original, mais il est très prenant. L’installation et l’empathie fonctionnent du tonnerre, tant qu’on s’en tient à regarder le film pour exactement ce qu’il est (d’abord une romance, puis un drame).

Puis, sans prévenir, arrive une dernière partie qui se permet de redéfinir ce que nous avions vu.
Les deux premiers segments prennent un relief nouveau lorsque contrastés avec la profondeur atteinte par cette « fin de parcours » – tant en termes émotionnels, que de réflexion. Mais en même temps, c’est exactement parce qu’elle se nourrit de ces deux parties, que le segment final possède cette force.

Photo du film AU DELÀ DES MONTAGNES

Ce qu’on avait pris pour de la facilité ou de la lourdeur se pare d’une aura d’inéluctabilité… Ou comment de simples décisions peuvent prendre une ampleur insoupçonnée, tant dans l’intime, qu’à échelle plus globale, internationale !
À l’image de la violence dans A Touch of Sin, l’amour est ici, ce qui prend du relief via l’allégorie, et vice-versa : que serait le rapprochement contre-nature entre deux générations et accessoirement deux civilisations – Chine communiste, et occident capitaliste – politiquement, économiquement et culturellement antagoniques…? Une judicieuse question que nous ne nous étions jamais vraiment posée, mais qui trouve ici une admirable et poétique mise en image.

AU DELÀ DES MONTAGNES peut alors s’envisager comme un intelligent conte d’amour métaphysique, ce qui pourrait expliciter son très beau titre original Mountains May Depart : comme une montagne, l’amour est quelque chose de très puissant qui met du temps à se construire. Grâce à de nombreux « matériaux » et à travers temps et espace… Mais il doit s’entretenir ou finit par mourir.

Nous avons découvert AU DELÀ DES MONTAGNES au festival de Cannes édition 2015, où le film fut présenté en sélection officielle – en compétition. Nous lui aurions décerné le Prix du Scénario… Qui sera finalement décerné à l’ignoble Chronic.

Georgeslechameau

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