Le Dernier Métro
© Jean-Pierre Fizet

LE DERNIER MÉTRO, film aux 10 César – Critique

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À l’occasion du trentième anniversaire de la mort de François Truffaut, le 21 octobre 1984, à l’âge de 52 ans, Le Dernier Métro (1980) qui fut d’abord projeté en copie haute définition, en mai, lors de la 67e édition du Festival de Cannes, fait l’objet d’une ressortie en salle le 15 octobre et sera diffusé sur Arte dans un cycle François Truffaut du 27 octobre au 7 novembre.

En parallèle la Cinémathèque française, à Paris, propose, du 8 octobre 2014 au 25 janvier 2015, une exposition sur le réalisateur, scénariste et producteur, accompagnée d’une rétrospective de ses films. Trente-quatre ans après sa sortie, le film aux dix César n’a pas pris une ride. Le Dernier Métro est réalisé avec finesse et subtilité en mêlant à l’évocation des conditions de vie durant la Seconde Guerre mondiale à Paris une intrigue amoureuse qu’on ne soupçonne pas devenir un triangle amoureux.

A Paris, en 1942, la comédienne Marion Steiner (Catherine Deneuve) a repris la direction du théâtre Montmartre après le départ de son mari Lucas Steiner (Heinz Bennent), un juif allemand. Avec son ami Jean-Loup Cottins (Jean Poiret), elle monte une pièce norvégienne que Lucas s’apprêtait à mettre en scène. Bernard Granger (Gérard Depardieu), comédien du Grand-Guignol, est engagé et les répétitions peuvent débuter. Certains soirs Marion rentre dormir à l’hôtel. D’autres fois, elle revient en secret au théâtre pour rejoindre Lucas, qui en fait se cache dans la cave.

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© Jean-Pierre Fizet

Le Dernier Métro est l’un des rares films de François Truffaut dans lequel a été mise en oeuvre la reconstitution d’une période historique du passé : L’Enfant sauvage (1970) et L’Histoire d’Adèle H (1975) dont les intrigues avaient pour cadre le XIXe siècle, Les Deux Anglaises et le Continent (1971), le début du XXe siècle et Jules et Jim (1962) la Première Guerre mondiale. Avec Le Dernier Métro, le récit du film nous place en pleine période de l’occupation. Le titre fait référence au dernier métro parisien qu’il ne fallait pas rater à l’époque, sous peine d’être pris dans une rafle après le couvre-feu. La reconstitution de Paris sous l’occupation ne laisse rien à redire. Truffaut nous montre peu de choses de la ville en se focalisant sur le théâtre mais chaque détail amène à une grande authenticité, qu’il s’agisse des décors, des costumes ou des protagonistes. Truffaut mêle aussi faits réels à l’évolution de ses personnages de fiction. On retrouve ainsi en Daxiat (Jean-Louis Richard) un authentique protagoniste de la vie théâtrale de l’époque. On reconnaît en ce personnage Alain Laubreaux, critique du journal collaborationniste et antisémite Je suis partout, qui après s’être attaqué au cinéaste et dramaturge Jean Cocteau subit les foudres de Jean Marais en 1941. Un événement que réutilise Truffaut avec l’agression de Bernard sur Daxiat sous les yeux de Marion. A travers cette scène le film développe autre chose. De manière très fine et discrète, le réalisateur met en place un triangle amoureux entre Marion, Lucas et Bernard. Un thème qu’abordait déjà Jules et Jim mais de manière plus directe et évidente. Ici rien n’y laisse à penser, ou presque. Seulement des indices disséminés le long du film. Car pendant que Bernard essaie sans relâche de séduire Arlette (Andréa Ferreol), la chargée des costumes de la pièce, Marion l’observe. Un simple regard, une légère indiscrétion qui annonce leur future relation. A cet instant le spectateur ne s’en rend pas compte, notamment grâce à la justesse dans l’interprétation de Catherine Deneuve.

Truffaut aborde cette période terrible de façon intelligente.

Viennent alors les répétitions. Bernard et Marion jouent ensemble, mais cette dernière est davantage préoccupée par la présence de son mari dans la cave qui suit en secret l’évolution de la pièce. C’est d’ailleurs cette présence qui oblige Marion à mettre une distance entre elle et Bernard, refusant qu’il la touche durant les répétitions. Mais elle n’est pas la seule à vivre dans le mensonge pour cacher ses sentiments ou ses opinions. Sous ses airs de coureur de jupons insouciant, Bernard fait parti de la Résistance. Arlette, qui se refuse constamment à Bernard, finit par dévoiler l’amour qu’elle porte à Marion. Le film évoque ainsi l’homosexualité méprisée à l’époque. Avec ses personnages plus complexes qu’il n’y parait, Truffaut aborde cette période terrible de façon intelligente. Il pose notamment la question de la collaboration au sein de la troupe. Car pour présenter la pièce il est obligatoire d’être dans les bons papiers des Allemands. On peut se demander si de continuer à jouer et à distraire un public composé en partie de militaires allemands ce n’est pas un geste de collaboration. Cela ne gêne pas vraiment Jean-Loup, tandis que Marion reste plus réticente à devoir faire des politesses à tout va.
Tout comme dans La Nuit américaine, qui mettait en scène le tournage d’un film, Le Dernier Métro montre la création et les coulisses de la pièce. Avec sa caméra Truffaut suit l’évolution de la troupe, montre leur caractère en gardant la distance nécessaire. Une distance qui n’empêche pas le dégoût de s’installer à chaque intervention de Daxiat, qui prêche les opinions nazies dans ses interventions radiophoniques.

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© Jean-Pierre Fizet

Le temps passe et les répétitions font enfin place aux premières représentations. La présence de Lucas dans la cave maintient une tension palpable. Tiendra-t-il jusqu’à la fin de la guerre ? On voit également se développer la complexité des rapports entre Marion et Bernard. On ne sait jamais où ira leur relation. Est-ce qu’ils s’aiment, est-ce qu’ils se détestent ? Sont-ils honnêtes l’un envers l’autre ou bien cachent-ils leurs sentiments ? Quelle influence a la présence du troisième protagoniste qui les observe en cachette ? Jusqu’au dernier plan, Truffaut laisse un doute sur l’avenir de leur relation. Notamment grâce à une dernière scène surprenante qu’on n’aurait pu prédire et qu’il ne faut pas dévoiler.

Le Dernier Métro est probablement, avec la série de films autour du personnage d’Antoine Doinel (Les Quatre Cents Coups – 1959, Antoine et Colette – 1962, Baisers volés – 1968, Domicile conjugal – 1970 et L’Amour en fuite – 1979), l’une des oeuvres les plus connues de François Truffaut. Réalisé quatre ans avant la mort du réalisateur qui fût l’un des représentants, avec Jean-Luc Godard et Claude Chabrol (1930-2010), les plus célèbres de la Nouvelle Vague française, le film est un sommet de maturité et de maîtrise pour l’ancien critique des Cahiers du cinéma. Il aura eu encore le temps de nous offrir deux dernières œuvres : La Femme d’à côté (1981), film sombre et mortifère et Vivement dimanche ! (1983), une comédie. C’est toujours un réel plaisir de redécouvrir chacune de ses œuvres, d’autant plus sur grand écran.

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Mise en scène
Scénario
Casting
Photographie
Musique
Note des lecteurs4 Notes
4.8
Note du rédacteur

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