[SORTIE DVD] LA TRILOGIE DES BALKANS

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LA TRILOGIE DES BALKANS compile trois documentaires portant sur les conflits balkaniques, tournés entre 1992 et 2000 par le célèbre documentariste écrivain globe trotter militant Chris Marker (mort en 2012). Trois documentaires d’une trentaine de minutes chacun-LE 20 HEURES DANS LES CAMPS, CASQUE BLEU, UN MAIRE AU KOSOVO– sur trois périodes -1992, 1995, 2000, avec une perspective différente. Chaque film est présenté, soit par le journaliste Jean-Michel Frodon, soit par l’un des protagonistes François Crémieux, permettant de mieux situer les conditions et le contexte de chaque tournage.

Forte était l’envie, en regardant le DVD, d’en apprendre davantage et en détail sur ce conflit contemporain particulièrement complexe, qui a provoqué la mort de 300 000 personnes et le déplacement de quatre millions de réfugiés. Un conflit dont il faut garder présent à l’esprit l’implication parfois sans effets de la France et de la force d’interposition de L’ONU (FORPRONU).

Trilogie des Balkans montage

Hélas, un des points négatifs de cette belle tentative par trop spécifique est de laisser de côté le spectateur insuffisamment initié sur cette période. On imagine aisément les professeurs d’histoire se saisir de cette Trilogie et en faire un support de cours. Mais le spectateur lambda, manquant de clés et de liens entre ces trois documentaires d’inégale qualité, risque de devoir faire beaucoup d’efforts pour éviter de se perdre en route dans les méandres du conflit. Quant à la partie du livret d’accompagnement qui retrace la chronologie des dix ans de guerre de l’Ex-Yougoslavie, sa lecture est trop rébarbative. On aurait apprécié dans le DVD un judicieux chapitre supplémentaire expliquant cette période de manière visuelle et plus vivante. Au mieux, le spectateur ira creuser la question en lisant ou en allant au cinéma. Ainsi, on a fait un parallèle avec Soleil de plomb de Dalibor Matanic, qui évoque par le prisme d’histoires d’amour le début et la fin de la guerre, ainsi que la haine inter-ethnique.

On conseille donc, aussi bizarre que cela puisse paraître, de ne pas voir les  films dans leur chronologie de tournage, et de commencer par le second documentaire CASQUE BLEU. A notre avis le plus réussi, malgré une mise en scène de fait un peu statique, juste entrecoupée de quelques photographies, ce documentaire permet d’entrer progressivement dans le vif du sujet grâce à un regard extérieur au conflit, lucide et objectif. Chris Marker a recueilli le témoignage du soldat français François Crémieux, engagé pendant six mois dans la FORPRONU. Très prolixe et plutôt fascinant, le jeune homme offre une belle réflexion sur les motivations, les limites morales et l’obéissance aux ordres non discutables de la hiérarchie militaire. Il décrit la réalité des missions de maintien de paix de l’ONU, dont le récent A Perfect Day de Fernando Leon de Aranoa illustre d’ailleurs assez bien les propos. Le film  évoquait en effet l’année 1995 du conflit et les relations tendues entre humanitaires, forces de l’ONU et populations, mais aussi les liens tissés avec les enfants et le contact brutal avec les cadavres.

« Les trois documentaires de LA TRILOGIE DES BALKANS de qualité inégale risquent de perdre en route le spectateur dans les méandres de ce conflit complexe »

Les deux autres documentaires concernent les témoignages des habitants qui ont survécu aux horreurs de cette guerre ethnique. LE 20 HEURES DANS LES CAMPS donne ainsi la parole en 1992 à des réfugiés bosniaques en Slovénie. Certains jeunes ont créé avec l’aide de l’association Cause Commune un projet de télévision alternative et le reportage montre la façon dont ils s’y prennent pour filmer et monter un journal télévisé. Evidemment, il s’agit ici pour le cinéaste Chris Marker de porter un regard critique sur la difficulté de livrer une information objective en cette période troublée. Les témoignages des familles de réfugiés, conscients de ce qu’ils ont perdu et espérant une paix future dans le monde, sont plutôt émouvants. Ils font écho, et c’est l’une des caractéristiques du réalisateur, à que traversent les migrants dans le monde entier, et à toute période de l’histoire. L’émotion est renforcée à l’écoute de la voix chaude des deux narrateurs François Perrier et, déjà, Matthieu Kassowitz.

Le dernier documentaire, UN MAIRE A KOSOVO, tourné en 2000, recueille le témoignage d’un chirurgien qui a soigné les maquisards de l’armée de libération du Kosovo (UCK). Chris Marker filme ce témoin devenu Maire de la ville de Mitrovica au volant de sa voiture, ou devant une table, s’exprimant en anglais. Fidèle à son type habituel de réalisation, il entrecoupe ces moments de vérité et de retour sur soi de photographies ou images d’archives (dont nous n’avons pas ici très bien compris le lien). Ce dernier opus, plutôt ennuyeux, nous a laissé de marbre. Mais on a vu dans l’évocation par le médecin de ses obligations morales à rester avec ses patients au péril de sa vie un parallèle fort avec les propos de François Crémieux. La boucle est bouclée et donne l’occasion au spectateur de réfléchir quant aux difficultés rencontrées à maintenir pour tout être humain sa part de morale et d’éthique au sein d’un tel conflit.

Enfin, le fait de ne pas connaitre précisément le travail, le regard, l’engagement et finalement la patte de Chris Marker est-il un obstacle qui empêche d’apprécier à sa juste valeur cette TRILOGIE DES BALKANS un peu bancale? D’aucuns le penseront sûrement, mais là encore, le spectateur pourra y voir une belle occasion d’approfondir et de découvrir la filmographie du réalisateur.

Sylvie-Noëlle

D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?

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VOL_TRILOGIE MARKER

Titre original : LA TRILOGIE DES BALKANS
Réalisation : Chris Marker
Pays d’origine : France
Sortie : 8 Juin 2016
Durée : 2h00min
Genre : Documentaire
Distributeur : Arte EDITIONS
Synopsis : Ensemble, ces trois films de Chris Marker offrent une perception d’une rare acuité de ce qui s’est joué en ex-Yougoslavie durant la dernière décennie du 20e siècle.
Le 20 heures dans les camps 1993 – 26 min: Au camp de Roska en Slovénie, des réfugiés bosniaques, dépouillés de tout, entreprennent de se réapproprier au moins l’information en créant une télévision sur cassettes dotée de tous les éléments de la « vraie » télévision : présentateurs, jingles et piratage des émissions qui parlent d’eux.
Casque bleu 1995 – 26 min: Le témoignage d’un jeune conscrit qui s’est engagé en 1994 comme casque bleu pour partir en mission en Bosnie. Après 6 mois dans la poche de Bihac, François Crémieux est de retour en France. Quel bilan tire-t-il de son expérience ? Que reste-t-il de ses attentes, de ses fantasmes, de ses espoirs d’avant le départ ?
Un maire au Kosovo 2000 – 27 min: En 1999 Marker recueille le témoignage de Bajram Rexhepi maire de Mitrovica, ville devenue célèbre à cause de son pont qui la coupait en deux et séparait la population albanaise du dernier bastion serbe. Bajram Rexhepi était chirurgien dans l’Armée de libération du Kosovo. Il parle de son engagement et analyse avec lucidité les circonstances qui l’ont fait maire de Mitrovica.

 

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