LE GRAND JEU,avis,critique,film
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LE GRAND JEU, snob et suffisant – Critique

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LE GRAND JEU s’inscrit dans la lignée des films d’auteur aux dialogues extrêmement écrits, précis, regorgeant de références littéraires et politiques dont les spectateurs érudits pourront littéralement jouir ! Mi-pamphlet engagé, mi-fiction, le film s’autocouronne du titre de thriller politico-philosophique puisque le projet de Nicolas Pariser était de prouver qu’un film français pouvait être à la hauteur des films américains du genre. Projet très ambitieux donc, mais auquel on pourra reprocher d’être pour le coup très franco-parisien, trop élitiste et démesurément exigeant.

Si on jubile de voir – mais surtout d’entendre – un trio d’acteurs brillant tel que Melvil Poupaud, André Dussolier et Clémence Poesy dans des dialogues extrêmement pointus, intelligents et adroits, on n’échappe pas à une certaine inintelligibilité du scénario qui noie le spectateur non averti dans de ce qui n’est en réalité qu’un essai politique Marxiste.

De la révolution prolétaire, du gauchisme et de la corruption de la classe bourgeoise et politique en veux-tu en voilà ! C’est intéressant, passionnant sûrement, mais on a du mal à garder les yeux ouverts pendant la séance et on avoue avoir même honteusement somnolé devant l’ inaccessibilité assumée (non sans une certaine suffisance) du sujet…

Photo du film LE GRAND JEU
© Bac Films

Pierre Blum est un écrivain raté, il fait la rencontre non-hasardeuse de Joseph qui travaille pour les services secrets. Il lui propose d’être le nègre d’un livre d’appel à l’insurrection qui déstabiliserait le pouvoir en place. Pierre y voit une activité financière intéressante et peut-être le succès littéraire qu’il n’a jamais eu. Mais cette aventure qu’on lui propose relève surtout d’un moyen de sortir de l’ennui abyssal de son existence on ne peut plus bobo-écolo-gaucho-parisienne faite de déjeuners-débats avec son ex-femme remariée et d’errances chez Gibert jeune.

LE GRAND JEU démarre comme ceci : deux hommes se rencontrent et se lient sur le balcon d’un lieu qui abrite conjointement une salle de mariage et un cercle de jeu. Le ton est donné. On pense immédiatement : poker, Franc-maçonnerie, stratégie et tout l’apanage de l’espionnage. Un cocktail réjouissant dans l’optique d’un polar un peu noir. Et on ne se trompe pas ! Joseph (excellent André Dussolier) est un personnage volatile paré d’un épais brouillard mystère qui tire les lignes et pose les jalons invisibles d’une conspiration politique déguisée en infortune. Quant à Melvil Poupaud, splendide dans son jeu de gauchiste blasé et résigné, il se laisse bluffer avec un malin plaisir par l’homme de l’ombre et jubile de pénétrer dans le côté sombre d’une machination qui le dépasse.
Belle ouverture, belle amorce… Mais amorce seulement… La tension relativement moyenne à la dixième minute du film ne fera que s’effondrer dans une réalisation en retrait et un manque de rythme très préjudiciable.

Le récit s’effondre dans une réalisation en retrait et un manque de rythme très préjudiciable.

Le film porte bien son titre puisque tous les aspects du scénario forment une déclinaison presque monomaniaque de la notion de « jeu». On y évoque le jeu du hasard, la stratégie, les jeux d’argents, le jeu de rôle, de séduction, etc. Les intentions du film sont plutôt abouties. Nous sommes dans une intrigue échiquier où des forces secrètes s’affrontent coups après coups. Sur le fond on veut y dénoncer le discours politique sophiste, les intérêts personnels et la corruption de la classe dominante… Ceux qui gouvernent ne sont pas ceux que vous croyez. Bien. Pas grand-chose à dire sur le scenario structuré en diptyque. On scelle les règles du pacte à Paris et on joue la partie à la campagne. Dans la seconde moitié du film une romance fait irruption. Pierre s’amourache d’une femme militante d’extrême gauche, figure épidermique de l’opposante, avec laquelle il feindra l’indifférence et l’insoumission mais dont il tombera dans les filets… Mouais… Pas nécessaire à l’histoire, mais on comprend le désir du réalisateur d’apporter un peu de fraîcheur et de sensualité au récit très théorique tout de même.

Photo du film LE GRAND JEU
© Bac Films

Globalement le film souffre d’un manque de tension scénaristique et on s’ennuie très vite. Il n’y a pas de mise en scène particulière si ce n’est une direction d’acteur parfaite (pour les premiers rôles seulement, les autres sont franchement en dessous). Mais on a du mal à attribuer ce fait au réalisateur au vue du manque total de partie pris esthétique et du classicisme linéaire de l’écriture. On se dit plutôt que les acteurs largement connus pour leur talent ont été soigneusement choisis et font parfaitement bien fait le job. C’est d’ailleurs dans leurs performances que réside bien la seule qualité « populaire » et un tant soit peu abordable et attirante du film.

LE GRAND JEU n’a de thriller que l’ambition pompeuse. Un film voulant appartenir au genre se voudrait haletant à l’action trépidante, mais le réalisateur n’a misé que sur l’oralité et le discours de ses personnages. Il a eu raison, les dialogues sont intenses et parfaitement livrés. On pense aux films de Desplechin, à la différence que celui-ci livre un cinéma de l’introspection et non de la démonstration intellectuelle. On décroche malheureusement devant ce qui aurait été assurément un bijou au théâtre mais qui, sur la toile, se révèle un objet snob et suffisant.

Sarah BENZAZON

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1.5

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Note finale

  1. Je suis entièrement d’accord. Je n’arrive même pas à comprendre comment le scénario peut rendre crédible aujourd’hui cette possibilité de tuer des gens aussi facilement. Et surtout quel ennui. Sans parler du final :-(

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