[critique] Hunger

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Prison de Maze, Irlande du Nord, 1981. Raymond Lohan est surveillant, affecté au sinistre Quartier H, celui des prisonniers politiques de l’IRA qui ont entamé le « Blanket and No-Wash Protest » pour témoigner leur colère.
Le jeune Davey Gillen, qui vient d’être incarcéré, refuse de porter l’uniforme car il ne se considère pas comme un criminel de droit commun. Rejoignant le mouvement du Blanket Protest, il partage une cellule répugnante avec Gerry Campbell, autre détenu politique, qui lui montre comment communiquer avec l’extérieur grâce au leader Bobby Sands.

Lorsque la direction de la prison propose aux détenus des vêtements civils, une émeute éclate. La violence fait tache d’huile et plus aucun gardien de prison n’est désormais en sécurité. Raymond Lohan est abattu d’une balle dans la tête.

Bobby Sands s’entretient alors avec le père Dominic Moran. Il lui annonce qu’il s’apprête à entamer une nouvelle grève de la faim afin d’obtenir un statut à part pour les prisonniers politiques de l’IRA.

Note de l’Auteur

[rating:10/10]

Date de sortie : 26 novembre 2008
Réalisé par Steve McQueen (II)
Film britannique
Avec Michael Fassbender, Liam Cunningham, Stuart Graham
Durée : 1h 40min
Bande-Annonce :
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Dès les premières secondes Hunger nous prend aux tripes pour nous relâcher qu’à la toute dernière seconde.

D’une rare sensibilité, le film nous plonge dans l’univers carcéral de la prison de Maze durant le conflit opposant les irlandais aux britanniques et nous confronte à l’histoire de ses hommes luttant perpétuellement pour leur liberté, leur dignité, leur droit de vivre.

Le film repose avant tout sur une ambiance sonore et visuelle déroutante à l’image de ces bruits stridents, métalliques qui s’ancrent dans notre tête et notre cœur comme des supplices inhumains et insurmontables et ces murs remplis d’excréments où vivent plusieurs détenus irlandais à laquelle vient s’ajouter très peu de dialogues et de musique. Steve McQueen (pas monsieur Bullitt ou La Grande Evasion, un autre) a voulu que le spectateur se fasse sa propre opinion sur un sujet aussi délicat, il a voulut nous embarquer avec lui dans ce « voyage » complexe à la fois humanisant et déshumanisant.

Dès lors, on se retrouve plongé dans un sentiment de claustrophobie permanent où chaque épreuve est perçut comme une atteinte portée à notre égard. Car toute l’efficacité de Hunger tient dans l’habileté que le réalisateur met à nous impliquer dans le scénario. C’est ce qui confère à ce film toute son authenticité, renforcée par la réalisation « Old School », très peu manichéiste, qui renforce cette crédibilité, cette froideur, cette bestialité quasi documentaire dans laquelle le spectateur est captivé, ému, conquis, par cette sincérité déstabilisante. Hunger est le témoignage de ce que le cinéma peut donner de plus pur en alliant l’intelligence du métier (exploit presque divin pour un premier film !) à celle du cœur.

Mais là où Hunger est un chef-d’œuvre digne de ce nom, c’est dans ce plan séquence incroyable qui restera à tout jamais ancré dans l’histoire comme un véritable coup de maître, un tour de force fantasmagorique de 22 minutes qui nous scotche littéralement à notre fauteuil. Ce dialogue dévastateur entre Michael Fassbender et Liam Cunningham (Dog Soldiers, Breakfast On Pluto, Le Vent Se Lève) est une réflexion émouvante et profonde sur le conflit et plus précisément sur les conditions d’incarcération à cette époque. Un dialogue passionnant auquel le spectateur devient le témoin privilégié de cette descente aux enfers et de ce choix aussi attristant qu’héroïque : la grève de la faim (hunger en anglais pour ceux qui ne le savait pas).

Ce plan séquence sert de transition vers la seconde partie du film plus sombre, plus inquiétante, plus déstabilisante.

Nous assistons dans celui-ci à l’engagement radical effectué par ceux se battant pour servir leur cause. Ainsi, Michael Fassbender (aperçut dans 300 de Zack Snyder et tête d’affiche dans Eden Lake et Angel) confirme son talent désormais indiscutable en apparaissant extrêmement affaiblit et maigre où viennent s’ajouter hallucinations, trouble de l’audition, escarres, perte de sang…

Ce qu’a voulu nous montrer le réalisateur, c’est le désespoir d’un homme qui n’a trouvé comme dernière solution pour se faire reconnaître en tant qu’être humain que le jeûne. Le corps apparaît ici comme l’acte de désespoir ultime, dernière ressource à la contestation.

Ainsi, en perdant plus de 14 kilos, Michael Fassbender rejoint le cercle très fermé des grandes transformations physiques où l’on retrouve Jared Leto pour Requiem For A Dream et Christian Bale pour The Machinist.

Cependant, le réalisateur ne tombe pas dans le piège de la facilité en nous faisant passer ce militant pour un martyr ou une victime. Non rien de cela n’est dit clairement ici. Pas de martyr, pas de victime, pas de bourreau, pas de héro, Steve McQueen a simplement ouvert les portes d’un débat. Rien de plus. C’est ce qui fait tout le charme de ce drame humain à la puissance désarmante qui ne peut laisser personne insensible.

Hunger est un film à considérer comme un coup de théâtre de la part de son réalisateur qui réalise pour son premier film un véritable chef-d’œuvre en tout point comme en témoigne la prestigieuse récompense de la Caméra D’Or qu’il a obtenu à Cannes en 2008.

Nous découvrons ainsi un très grand réalisateur, qui effectua un changement de cap radical alors qu’il était « artiste de guerre officiel » et lauréat de plusieurs prix dans ce domaine dont le Prix Turner en 1999, atteint d’un talent et d’une sensibilité devenant de plus en plus rare dans une société se reposant sur la facilité. Un réalisateur qui vient en un seul et premier film de ce faire nom. A surveiller de très près.

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  1. Un vrai bon film à propos d’un combat légitime pour un statut étrangement refusé – et d’ailleurs à voir autant pour la direction d’acteurs que pour certains « détails » comme le supplice suédois -, et enfin pour les faits vrais qu’il dénonce et dont il parle. Et comme le démontre bien ce genie de Steve Mac Queen dans son histoire ce sont les gardiens les sadiques, pas les prisonniers!!

    Après on peut dire que c’est parfois pénible à regarder, d’ailleurs comme tous les chefs d’oeuvre ce film est passé inaperçu.