Le livre de la Jungle
© Walt Disney Company France

[CRITIQUE] LE LIVRE DE LA JUNGLE (2016)

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MISE EN SCENE ET NARRATION
6
SCENARIO ET RECIT
6
REFLEXION CINEMATOGRAPHIQUE
6
EMOTION
6
Note des lecteurs16 Notes
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Cette nouvelle adaptation « live » d’un classique d’animation de Disney – LE LIVRE DE LA JUNGLE (sorti en 1967) – poursuit ce travail de rapprochement entre animation et « live action » par l’intermédiaire des technologies numériques de plus en plus performantes en matière de mimésis (le dytique La planète des singes, Cheval de guerre, Noé, L’Odyssée de Pi, les animaux dans The Revenant etc.). Néanmoins, cet acharnement à vouloir faire « vrai » ne va-t-il pas à l’encontre des principes du récit merveilleux, et plus particulièrement du conte? Il semble que le conte y perd plus qu’il n’y gagne, surtout en matière d’humour et d’innocence (seul Bill Murray en Baloo apporte un peu de fantaisie à tout ça). Première tendance effective, l’assombrissement de l’univers qui, par la présence accrue de Shere Khan dans le récit, acquiert une dimension psychologisante des plus vives et des plus rationnelles. Par principe, le conte se doit d’agencer, par saturation symbolique, certains domaines archaïques qui font échos aux préoccupations de l’enfant : la représentation des figures parentales (le couple Akela/Rashka et Baloo/Bagheera) ; l’angoisse de l’abandon (le flashback traumatique de la caverne, la perte d’Akela) ; les aventures de la sexualité, c’est à dire tout ce qui englobe « l’oralité » (manger et être manger par Kaa ou Shere Khan ; le trou d’où il extirpe l’éléphanteau) même si on pourra regretter ici l’absence de la « jeune fille » ; et bien sûr le soucis de grandir et de s’affirmer (tous les rites d’initiation, encore bien présents).

Copyright Walt Disney Company
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La trajectoire de Mowgli s’effectue selon la tripartie classique naissance-mort-renaissance, mais celle-ci ne s’orchestre plus autour du passage fondateur de l’immaturité infantile à l’âge adulte, comme c’était le cas dans le dessin animé, mais repose sur un socle plus métaphysique. Le Mowgli de Jon Favreau est guidé par des instances psychiques humaines : traumatisme de la mort de ses deux pères (l’homme et le loup), vengeance contre le « monstre » Shere Khan puis rédemption, qui se doit d’être à la fois collective (il n’utilisera pas la « fleur rouge » pour combattre le tigre) et personnelle (il utilisera ses « artifices » humains). Alors que le dessin animé en restait uniquement à la véritable « loi de la jungle » : un simple tigre (j’entends par là sans cicatrice et donc sans passé), mangeur d’hommes, s’en prenait à un petit homme sans que celui-ci en comprenne les pulsions animales. Et finalement, seule la nature, symbolisée par la foudre, venait en aide à Mowgli, lui offrant pour ainsi dire le feu, seule arme à pouvoir vaincre Shere Khan. La nature contre la raison, c’est le cœur de la dialectique qui s’inscrit autour des représentations numériques d’animaux. La question de l’anthropomorphisme ne date pas d’hier dans l’univers de la fable, mais depuis que l’image numérique s’est emparée de l’animal à Hollywood, elle lui a conféré un surplus d’humanité qui réduit ce qui faisait sa principale force émotionnelle : son imprévisibilité. Ces apparitions et autres surgissements sont dorénavant orchestrés par l’agencement des actions et non plus de la mise en scène. Contrairement à la logique du dessin animé, on ne m’ôtera pas de l’esprit qu’il est plus facile de s’émouvoir lorsqu’un animal réel meurt « fictivement » plutôt que son avatar numérique (la mort d’Akela en est la preuve). Le dessin animé de 1967 avait en quelque sorte trouvé la parade en privilégiant un récit sans mort, et surtout en basant une grande partie de son suspense sur les courtes apparitions de son méchant : Shere Khan devenait une menace latente, cachée dans les hautes herbes, prête à bondir (sa trop grande présence nuit potentiellement à l’aspiration merveilleuse).

« Chez Favreau, le conte devient davantage un doublet facile au mythe de Mowgli, voire de l’homme en général. »

Dans les contes, le monde se doit d’être simple et transparent. Si les événements des deux versions apportent des changements dans l’univers du LIVRE DE LA JUNGLE, dans celle de 1967, ils n’ont pas modifié les rapports entre humains et animaux (la crainte reste de mise obligeant Mowgli à vivre avec les siens) alors que la version de 2016 modifie le rapport de Mowgli avec le reste des animaux, qui finissent tous par l’accepter tel qu’il est et parmi eux. Les épreuves initiatiques de Mowgli passent dorénavant par l’acceptation de sa condition d’être humain (ses artifices sont pratiques et font partis de sa nature humaine). En outre, la version de Favreau apparaît bien plus fidèle au récit de Kipling (« Loi de la jungle », Trêve de l’eau, l’année de sécheresse, les éléphants comme « créateur » de la jungle, la relation de Shere Khan et des jeunes louveteaux, etc.) bien qu’une nouvelle fois, elle prend ses distances de l’original en ce qui concerne la mort de Shere Khan ; chez Kipling, Mowgli élabore une stratégie (déjà un artifice humain !) avec les loups, et attends, avant de lancer un troupeau de buffles sur Shere Khan, qu’il soit complètement repu. Chez Favreau, le conte devient davantage un doublet facile au mythe de Mowgli, voire de l’homme en général (l’événement traumatique fonde littéralement le mythe de Mowgli, sauveur de la jungle). En effet, Favreau exalte le duel entre le petit homme et Shere Khan, nous concocte quelques face-à-face spectaculaires (enfin le combat entre Bagheera et Shere Khan) et fait intervenir, ou convie comme simple témoin, tous les animaux de la jungle pour assister à l’avènement de Mowgli. Sa victoire n’est plus de l’ordre du familier (seulement avec Baloo) ou du microscopique (il sauve sa vie) mais elle se place du côté de l’universel et surtout du rationnel (grâce à son intelligence humaine).

Photo du film Le Livre de la Jungle
Copyright Walt Disney Company

LE LIVRE DE LA JUNGLE de Favreau n’est donc plus cette ode à la nature primitive et sauvage, aux craintes des rapports entre l’homme et l’animal (bien que partiellement dépeint encore) mais belle et bien une histoire d’acceptation de soi peuplée de traumatismes psychologiques propres à l’imaginaire humain. En faisant le choix de s’éloigner du dessin animée jazzy de Wolfgang Reitherman (on a d’ailleurs du mal à comprendre pourquoi il fait chanter « faux » Bill Murray et Christopher Walken dans le film), Favreau plonge son conte dans le récit mythologique (Remus et Romulus) et la tragédie (Shakespeare) afin de faire du LIVRE DE LA JUNGLE un mythe littéraire en puissance.

Antoine Gaudé

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Copyright Walt Disney Company France
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Titre original : The Jungle Book
Réalisation : Jon Favreau
Scénario : Justin Marks d’après l’œuvre de Rudyard Kipling
Acteurs principaux : Ben Kingsley, Bill Murray, Idris Elba, Scarlett Johansson, Christopher Walken, Lupita Nyong’o…
Pays d’origine : Etats-Unis
Sortie : 13 avril 2016
Durée : 1heure 46 minutes
Distributeur : The Walt Disney Company France
Synopsis : Les aventures de Mowgli, un petit homme élevé dans la jungle par une famille de loups. Mais Mowgli n’est plus le bienvenu dans la jungle depuis que le redoutable tigre Shere Khan, qui porte les cicatrices des hommes, promet d’éliminer celui qu’il considère comme une menace. Poussé à abandonner le seul foyer qu’il ait jamais connu, Mowgli se lance dans un voyage captivant, à la découverte de soi, guidé par son mentor la panthère Bagheera et l’ours Baloo. Sur le chemin, Mowgli rencontre des créatures comme Kaa, un pyton à la voix séduisante et au regard hypnotique et le Roi Louie, qui tente de contraindre Mowgli à lui révéler le secret de la fleur rouge et insaisissable : le feu. 

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MISE EN SCENE ET NARRATION
SCENARIO ET RECIT
REFLEXION CINEMATOGRAPHIQUE
EMOTION
Note finale

  1. Quelle déception. Ce film est un ratage complet si l’on excepte la qualité de l’image (c’est bien maigre).
    Tout d’abord c’est d’une violence inouïe pour un film qui est censé être pour un jeune public (je le déconseille aux moins de 10 ans) .On a parfois le sentiment de voir un blockbuster.
    A part Ballo, les personnages sont fades et sans émotion, tout comme le film.
    L’humour est totalement absent.
    Bref, à des années lumière du chef-d’oeuvre de 1967.