PORTRAIT DE FEMME

[CRITIQUE] PORTRAIT DE FEMME (1996)

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Mise en scène
6
Scénario
9
Interprétation / personnages
9
Reconstitution
9
Sensibilité
7
Note des lecteurs5 Notes
3.8
8

PORTRAIT DE FEMME a été chroniqué pour préparer la sortie, le 28 octobre 2015, d’un coffret-intégrale rassemblant les films de Jane Campion ! Vous trouverez à cette adresse notre dossier consacré à la réalisatrice.

PORTRAIT DE FEMME débute par une succession de portraits de femmes contemporaines, comme une façon de rappeler l’intemporalité de l’Histoire de la Femme avant de s’immerger dans le 19è siècle, et l’histoire d’une femme entre autres: Isabel.

Isabel donc, est une américaine « importée » par sa tante en Angleterre, pour être « bien mariée ». Ainsi, dès le début de l’histoire, 3 hommes la courtisent: Lord Warburton l’aristocrate, Ralph son cousin parvenu, et un américain – Isabel et lui possédant un évident passif commun. Isabel nous est présentée comme une héroïne purement Campion-ienne: libre, indépendante (d’esprit, puis par la suite économiquement), cultivée, mais également indécise ; Jane Campion nous invite, par ce personnage et sa manière d’influencer son entourage masculin, en terrain connu.

Il y a également dans cette trame initiale, un passionnant sous-texte revendicatif. Isabel n’est ainsi rien, sans la présence, l’approbation et la reconnaissance masculine. D’un autre coté, les orgueils respectifs de ces messieurs seront ainsi mis en jeu, non pas par la personnalité d’Isabel – pourtant forte et charismatique – mais par son refus d’insoumission physique. Une intrigue qui questionne donc déjà la place de la femme au cœur d’une société ou le machisme et la misogynie sont plus culturels que liés à des comportements individuels. Au delà du féminisme, Campion traite de problèmes sociétaux avec cette adaptation, ce qui est une évolution qui va de pair avec de nombreux autres aspects du film;

Photo du film PORTRAIT DE FEMME

En choisissant par exemple, de ne prendre aucune liberté avec le livre d’Henry James, Jane Campion se « condamnait » ainsi d’emblée, à sacrifier cinématographiquement parlant son personnage féminin aux hommes. Ou plutôt, à celui vers qui convergent sans le savoir, tous les autres protagonistes… Le complexe, difficile à cerner et fascinant Osmond.

[toggler title= »Mais qui est Osmond ? Attention, chapitre Spoil » ]

Osmond, d’abord, c’est John Malkovitch.
L’acteur contraste l’idée de cinéma historique par l’incroyable modernité de son jeu. En choisissant de mêler sobriété expressive et surjeu (mimiques, gestes, contre-emplois), il réussit le tour de force de rendre spectaculaire un personnage puisant sa force dans l’immobilisme et le camouflage. Il incarne au delà du simple rôle d’Osmond, cette notion de réalisme à l’intérieur du conte renvoyant au cinéma de Campion.

Photo du film PORTRAIT DE FEMME

Quant au personnage, il s’agit d’une sorte d’anthropologue misanthrope qui, après avoir patiemment observé, analysé et compris ses sujets d’étude (les femmes, et par extension les hommes), déciderait de les détruire uniquement par leurs faiblesses, toutes affectives.

Osmond, pour parvenir à ses fins, se sert avec un plaisir malsain et jamais dissimulé, d’une unique chose: la manipulation. Celle-ci peut prendre plusieurs formes: simuler des émotions, exercer une pression psychologique et sociale, user de psychologie inversée (rassemblant ainsi les comportements des trois prétendants d’Isabel). Toutes ces formes de manipulations sont longues, patientes et réfléchies, comme on agirait lors d’une partie d’échec. Son objectif: se construire un empire affectif constitué exclusivement de femmes parfaites.
L’une par son charisme/esprit/beauté (Isabel), l’autre comme sa progéniture (Pansy), l’une encore comme archétype de l’aristocratie (Comtesse Gemini: riche, cultivée, bête, moche, comère…), et enfin la dernière, comme son miroir comportemental (Mme Merle). Une fois ce harem constitué, l’étape supérieure: les humilier et les détruire, en leur renvoyant une image pitoyable d’elles mêmes, de leurs valeurs et idéaux;

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Un gros bâtard quoi. Mais surtout, il s’agit un personnage inédit chez Campion. Central, dominant, masculin.

C’est pourtant en connaissant bien les thèmes et motifs récurrents chez la cinéaste, que cette sensation d’académisme liée à l’adaptation littérale du livre s’évanouit : ne s’agit-il pas d’explorer par un point de vue complémentaire, les relations de domination et de soumission inhérentes à son cinéma ?

SCORSESE / CAMPION, même combat ?

Une certaine analogie avec le cinéma de Scorsese apparaît; le cinéaste italo-américain établissait de son coté, une vision culturelle du rapport homme/femme des son premier film: binaire et machiste. Une Femme, c’est forcément une maman ou une putain.
Scorsese prenait ensuite le parti d’explorer différentes nuances à ce postulat à travers de complexes et passionnants portraits de femmes – comme Alice dans Alice n’est plus ici, qui « rappelle » par de nombreux traits de sa personnalité, les héroïnes Campion-iennes.

On peut observer un pattern similaire chez Campion : exposer un postulat, puis le décliner dans chaque film.
Dans son cinéma, les hommes, suite à une phase de soumission et de simulation d’une sensibilité miroir, obtiennent ce qu’ils veulent des femmes (sexe, affection, évolutions sociales, culturelles et/ou familiales, etc.)
Les femmes, elles, finissent par se révéler à elles-mêmes quitte à y perdre leurs valeurs initiales.
Au final, seuls les environnements, caractères et conditions des personnages changent. Plus ou moins charismatiques, plus ou moins indépendants, plus ou moins régis par leurs désirs.

Photo du film PORTRAIT DE FEMME

Chaque oeuvre adopte une optique différente , tout en prenant en compte les réflexions précédemment amorcées. Sweetie, par exemple, traitait du désir. Un ange à ma table mettait ensuite en parallèle ce désir et son influence sur l’art; les hommes dans ces deux films, SONT les objets du désir (ou de l’absence de désir) mais restent en retrait. La Leçon de Piano, commençait à introduire l’homme dans un schéma découlant des deux précédents, en resserrant considérablement les enjeux placés autour du désir et des sentiments, et accessoirement de l’art, et de l’environnement.

PORTRAIT DE FEMME poursuit sur cette lancée, en posant presque frontalement la question: que veulent les hommes ?  C’est pas forcément joli-joli vu par le prisme du personnage d’Osmond, mais il s’agit tout de même chez Campion d’une posture assez logique, quoi qu’inédite. Au final, il s’agit toujours de comprendre ce qu’est l’asservissement causé par le corps (le désir), ou les sentiments (amour, orgueil, loyauté, etc.); Il s’agit simplement d’une autre facette – plus masculine – de la question.

On se borne à parler d’évolution plutôt que d’académisme, en abordant cette fois la mise en scène.

Celle-ci perd ouvertement en personnalité. Les effets typiques de Campion, gros plans, caméra aérienne, sur-saturations… Tout cela est considérablement réduit dans PORTRAIT DE FEMME. Idem pour le rythme du film troquant les longues scène sou les sentiments s’expriment pour l’illustration d’une trame scénaristique riche en évolutions de personnages. La reconstitution historique, elle aussi, correspond beaucoup au classiques du genre, accompagnée par une musique tout à fait de circonstance.

En rapportant tout cela à la personnalité de la cinéaste, de nombreuses choses passionnantes en ressortent.
La reconstitution par exemple, est impressionnante. Par le détail et non par l’ampleur de décors, Jane Campion et son département artistique font revivre l’Angleterre Victorienne en plein Florence ! Il y a ainsi une sorte de réalisme indéniable qui s’échappe de cette reconstitution. Dans la façon dont Campion parvient à nous transmettre les codes de cette époque… À travers les manières, les habitudes, l’hypocrisie latente, l’exposition constante de la fatuité, le paraître au delà de l’intelligence, cette haute estime de soi et de la nation anglaise. Plus haut nous parlions de condition de la femme, mais le trait social brossé par la précision de la reconstitution participe lui aussi pleinement à l’analogie que l’on pourrait faire entre le film et notre présent (ou du moins, celui de 1996).

Le supposé classicisme de la mise en scène n’est-il pas d’ailleurs, un moyen pour la réalisatrice de se fondre dans le moule, et ainsi mieux faire comprendre sa vision sociétale ? À l’image d’Osmond, la réalisatrice ne simulerait-elle pas l’assagissement pour mieux gagner notre empathie envers sa cause féministe ? Car au final, ce que l’on retient de portrait de femme, ce n’est pas tant les hommes ou Osmond, mais bel et bien la mélancolie dans le regard de Nicole Kidman/Isabel. Preuve que malgré une sensation de domination masculine, c’est bien le discours inverse qui passe.

Photo du film PORTRAIT DE FEMME

La sensibilité de Jane Campion est finalement ce qui sert de liant entre ce classicisme assumé et la personnalité de la réalisatrice; on ressent par exemple, toujours cette fascination pour le Désir, ces émotions incontrôlables qui irriguent d’ailleurs le cinéma de Campion depuis ses premiers films. Dans l’une des premières scènes de PORTRAIT DE FEMME, ce désir s’exprime frontalement lors d’un court moment fantasmé, comme une signature, un rappel qu’on est bien chez Campion malgré la perte d’identité liée à l’adaptation. Puis, ce désir ira se terrer dans le non-dit et dans l’allégorie (comme ces errements dans cette ville-monument), gagnant en prégnance. C’est ainsi dans ces détails, regards et soupirs exprimant le désir et la sensibilité, qu’on retrouve absolument intacte la Jane Campion de La Leçon de Piano.
On rajoutera que Nicole Kidman était un choix idéal pour incarner le passionnant personnage d’Isabel, la froide beauté de son visage retranscrivant à merveille la passion qui l’anime mais qui DOIT restée enfouie, de même que la tristesse qui l’envahira, plus tard.

Enfin, il y a cette unique liberté prise avec la trame du livre, ultra-significative: [spoiler mode= »inline »]Isabel ne retourne pas à Florence comme dans le livre, mais reste au château. Un épilogue crucial [/spoiler]qui incite à prolonger le débat sur l’indépendance féminine et le désir sous-jacent plutôt qu’a figer le sort des personnages – exprimant ainsi sans ambiguïté, les obsessions de Jane Campion-réalisatrice.

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[divider]JANE CAMPION SUR LE BLOG DU CINÉMA[/divider]

[toggler title= »PORTRAIT DE LA RÉALISATRICE » ]

[dropcap]A[/dropcap]rtiste et cinéaste marquante de ces dernières années, Jane Campion s’est illustrée en parcourant des thèmes singuliers et universels, personnels et communs à tous, originaux et intemporels. Nous profitons de la réédition de sa filmographie en vidéo pour dresser un portrait de la cinéaste à travers l’analyse de l’intégralité de son oeuvre.

[column size=one_half position=first ]

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[toggler title= »CRITIQUES DE SES DIFFÉRENTS FILMS » ]

Analyses des courts métrages, Peel, Passionless Moments, A Girl’s Own Story, After Hours et The Water Diary;

Critique des Longs métrages
– SWEETIE, 1989
 UN ANGE A MA TABLE, 1990
– LA LEÇON DE PIANO, 1993
PORTRAIT DE FEMME, 1996
– HOLY SMOKE, 1998
– IN THE CUT, 2003
– BRIGHT STAR, 2009

Critique de la série
TOP OF THE LAKE, 2013

[/toggler]

[toggler title= »INTÉGRALE JANE CAMPION: le contenu du coffret » ]

http://video.fnac.com/a8932259/Coffret-Jane-Campion-12-films-Edition-speciale-Fnac-DVD-DVD-Zone-2ob_d32b08_3d-boxset-br

Contenu du coffret DVD 

Courts métrages :
– PEEL, 1982
– PASSIONLESS MOMENTS, 1983
 A GIRL’S OWN STORY, 1984
– AFTER HOURS, 1984
– THE WATER DIARY, 2006 (inédit, tous territoires)
– THE LADY BUG, 2007 (inédit, tous territoires)
Tissues (inédit, tous territoires)

Séries
– TOP OF THE LAKE, 2013

Longs métrages
– TWO FRIENDS, 1986 (TV)
– SWEETIE, 1989
 UN ANGE A MA TABLE, 1990
– LA LEÇON DE PIANO, 1993
PORTRAIT DE FEMME, 1996
– HOLY SMOKE, 1998
– IN THE CUT, 2003
– BRIGHT STAR, 2009

[/toggler]

[divider]INFORMATIONS[/divider]

[column size=one_half position=first ]Affiche du film PORTRAIT DE FEMME[/column]

[column size=one_half position=last ]+ DOSSIER: JANE CAMPION

Titre original : The Portrait of a Lady
Réalisation : Jane Campion
Scénario : Laura Jones, d’après Henry James
Acteurs principaux : Nicole Kidman, John Malkovich, Shelley Duvall, Barbara Hershey, Christian Bale
Pays d’origine : U.S.A.
Sortie : 18 décembre 1996
Durée : 2h23min
Distributeur : –
Synopsis : A la fin des années 1800, Isabel Archer, jeune Américaine en visite chez ses cousins anglais, choque son entourage par son esprit libre et aventureux. Son cousin Ralph, phtisique incurable, l’aime en secret. Elle part à Florence où une amie la jette dans les bras de son amant, Gilbert Osmond. Isabel l’épouse. Quelques années plus tard, elle découvre qu’elle a été manipulée. Elle affronte son mari et retourne aupres de Ralph, qui lui avoue son amour sur son lit de mort.

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