TAJ MAHAL
© Bac Films

[CRITIQUE] TAJ MAHAL

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Scénario
7.5
Dialogues
7
Mise en scène
8.5
Empathie
8.5
Photographie
8
Note des lecteurs5 Notes
5.6
7.9

TAJ MAHAL est le second long métrage du réalisateur Nicolas Saada, après Espion(s) en 2009.  Il aborde ici les attaques terroristes islamiques coordonnées dans plusieurs lieux à Bombay les 26, 27 et 28 novembre 2008, dont l’hôtel Taj Mahal. Conscient de la résonance du contexte post-attentats parisiens du 13 novembre dernier, il a tenu, avec le producteur et le distributeur du film, à maintenir la date de sortie prévue, encourageant « le cinéma à ouvrir au dialogue et à regarder le monde tel qu’il est ». Et franchement, nous pensons qu’ils ont bien fait.

Le réalisateur a offert le beau rôle de Louise à Stacy Martin, récemment aperçue dans La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil et révélée par Nymphomaniac. Grâce à sa magistrale interprétation dans TAJ MAHAL, elle figure d’ailleurs dans la liste des Révélations des César 2016.
TAJ MAHAL, c’est un film sur le regard. Nicolas Saada a choisi de faire de la jeune Louise une photographe en devenir. La vision qu’elle a de l’Inde, pays dense, foisonnant et hyperactif dans lequel elle s’immerge peu à peu est très bien mise en valeur grâce à la caméra à l’épaule du réalisateur, qui nous amène au plus près des habitants de Bombay. Louise observe, parle peu. « Let me look » dit-elle à sa mère. Son œil avisé lui permettra de trouver pendant l’attentat et la prise d’otages à l’hôtel la juste distance entre ce qu’elle vit, ce qu’elle entend, ce qu’elle pressent et ce qu’elle ressent.

Photo du film TAJ MAHAL
© Bac Films

Le parti pris scénaristique du réalisateur est en effet de ne rien montrer des terroristes ou des personnes blessées ou tuées. Saada a délibérément choisi de nous laisser avec Louise d’un côté, et avec ses parents, de l’autre, avec pour seul lien entre les deux un téléphone portable que Louise a acheté quelques jours plus tôt. De fait, le film convoque, outre la vue, deux autres sens de l’héroïne : l’ouïe et dans une moindre mesure, l’odorat. Et ce choix est plutôt malin. Car chaque émotion ressentie par Louise trouvera un écho différent chez les spectateurs. L’un aura peur des bruits d’explosion et de kalachnikov, un autre sera épouvanté par les hurlements des victimes quand le dernier sera figé par le feu et la fumée dégagée. Le réalisateur convie d’ailleurs nos peurs de façon un peu trop exhaustive, enrobées par une musique ultra anxiogène.

Les montagnes russes émotionnelles que traverse la jeune fille sont tout à fait réalistes, ainsi que le processus de transformation physique face à l’horreur absolue. L’incompréhension, l’appel à l’aide de ses parents, l’attente, la peur, le doute, l’espoir, l’audace, le courage, le lâcher prise et l’abattement font ainsi écho à ses tremblements, sa sueur, ses larmes et ses incantations. Nous sommes aux côtés de Louise, nous sommes Louise, d’autant que nous entendons sa respiration, son souffle et parfois le bruit de son cœur. Le pari de l’empathie ressentie envers cette jeune fille est donc réussi, malgré la scène un peu longue de l’incendie à l’hôtel, pendant laquelle Louise rassure une autre cliente Giovanna/Alba Rohrwacher (Vierge sous serment).

« Les nombreux niveaux de lecture font de TAJ MAHAL un film puissant et émouvant, nous brossant le portrait d’une jeune fille et de sa famille dont les vies vont être bouleversées par un attentat. »

TAJ MAHAL est également un film sur une famille, un couple et une de leurs deux filles (sa sœur étant restée à Paris). Une famille bourgeoise, que le réalisateur n’a d’ailleurs pas pris la peine de nommer, renforçant l’idée de les laisser à la porte de cette histoire, comme un parallèle avec ce qu’ils vont vivre à l’extérieur de l’hôtel. Car seuls les otages du huis-clos auront un prénom.
Le père de Louise, c’est Louis-Do de Lencquesaing (Francophonia, le Louvre sous l’occupationqui met toute son énergie à interpréter avec brio ce père distant, occupé, pudique. Ses seules marques d’affection et d’échanges physiques sont destinées à la mère de Louise, dont la froideur britannique est incarnée avec justesse par Gina McKee (Jimmy P). Ces parents-là n’apparaissent pas d’emblée très sympathiques, ni concernés par leur fille. Ils se forcent bien un peu, mais on voit qu’ils sont deux avant d’être trois. Louise, exclue de leur relation, forge aussi son regard en les observant à la dérobée.
Le réalisateur a de même réussi le tour de force de nous faire partager leurs réactions intimes et leur propre évolution face à leur fille au cours cet événement dramatique, surtout celle du père, dont la carapace va peu à peu se fissurer. Il va se révéler un soutien sans faille par ses conseils prodigués à sa fille, même si celle-ci décide parfois, par instinct de survie, de ne pas toujours les suivre.

Photo du film TAJ MAHAL
© Bac Films

Enfin, TAJ MAHAL est un film sur l’après-trauma. Car Nicolas Saada ne nous abandonne pas après le sauvetage de Louise. Il nous fait accompagner Louise dans la gestion de cet après. Et c’est en cela que le film résonne précisément avec les victimes des attentats de Paris : comment fait-on pour reprendre le cours de sa vie quand on a effleuré d’aussi près la mort et qu’on a eu si peur ? La réponse est simple, on ne peut pas. Certains décident de ne plus en parler quand d’autres, comme Louise, voudraient pouvoir échanger avec ceux qui ont vécu la même expérience. Car partager la souffrance dans ces conditions extrêmes crée inévitablement des liens imprévus.

Les nombreux niveaux de lecture font de TAJ MAHAL un film puissant et émouvant, nous brossant le portrait d’une jeune fille et de sa famille dont les vies seront bouleversées de bien des façons par cet attentat. Louise perdra son innocence, deviendra brutalement adulte et son regard sur le monde sera évidemment affecté de manière définitive.

LES SORTIES DU 2 DÉCEMBRE 2015

LE PONT DES ESPIONS, BABYSITTING 2, MIA MADRE, MARGUERITE ET JULIEN, LE PROPHETE, THE THING (Carpenter, 1982)…

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Affiche du film TAJ MAHAL

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Titre original : Taj Mahal
Réalisation : Nicolas Saada
Scénario : Nicolas Saada
Acteurs principaux : Stacy Martin, Louis-Do de Lencquesaing, Gina McKee
Pays d’origine : France
Sortie : 2 décembre 2015
Durée : 1h31min
Distributeur : Bac Films Distribution
Synopsis : Louise a dix-huit ans lorsque son père doit partir à Bombay pour son travail. En attendant d’emménager dans une maison, la famille est d’abord logée dans une suite du Taj Mahal Palace. Un soir, pendant que ses parents dînent en ville, Louise, restée seule dans sa chambre, entend des bruits étranges dans les couloirs de l’hôtel. Elle comprend au bout de quelques minutes qu’il s’agit d’une attaque terroriste. Unique lien avec l’extérieur, son téléphone lui permet de rester en contact avec son père qui tente désespérément de la rejoindre dans la ville plongée dans le chaos.

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Scénario
Dialogues
Mise en scène
Empathie
Photographie
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