TROIS VISAGES
Crédits : Memento Films Distribution

TROIS VISAGES, la possibilité d’un cut – Critique

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Présenté en Compétition Officielle au 71ème Festival de Cannes, le nouveau Jafar Panahi nous embarque dans un petit village rural pour une nouvelle autopsie de la société iranienne.

Une jeune femme envoie à une célèbre actrice, une vidéo dans laquelle elle se suicide parce que sa famille ne l’autorise pas à entamer des études de comédie. Pour tenter de résoudre cette affaire et de confirmer, ou non, sa mort, l’actrice se rend dans le village de la jeune femme afin de rencontrer sa famille. Et elle embarque le réalisateur Jafar Panahi dans ce voyage.

TROIS VISAGES
Crédits : Memento Films Distribution

Durant leur trajet, les deux se demandent si la vidéo est réelle ou un montage. L’actrice s’attarde sur le moment du prétendu suicide en émettant l’hypothèse qu’il pourrait être faux. Un cut serait-il dissimulé pour les tromper ? Les cuts justement, il en question dans l’approche formelle de Panahi. Habitué aux longs plans, il minimise son montage pour capter du réel. En l’occurrence c’est l’état de son pays, très conservateur, qu’il veut filmer. Tiraillé entre la fiction et le documentaire, 3 Visages rejoue encore la carte de l’ambiguïté, questionnant le spectateur sur le pouvoir des images. Le gouvernement iranien sait, à juste titre, comment le cinéma (ou l’art en général) peut s’avère être un puissant outil. C’est cette dictature de la pensée que combat Jafar Panahi et qui lui vaut aujourd’hui d’être assigné à résidence.

Tout le génie de 3 Visages réside dans le glissement entre ce réel et la fiction. En se mettant en scène, Panahi brouille les pistes, insère du faux dans le vrai, tout en ne donnant pas les clés. Le spectateur doit sans cesse se demander si ce à quoi il assiste est scénarisé ou non. Parce que les plans sont effectivement longs, repoussant le cut, mais en même temps ultra-chorégraphiés. Ces panoramiques, avec entrées et sorties de champs précises, ne sont pas le fuit du hasard. Panahi nous interroge davantage nous, que ses images – il en est l’auteur. Tout le long, il faut apprendre à décrypter, à comprendre ce que l’on regarde, qui pose quel point de vue.

Panahi nous amène à questionner les images que l’on voit.

Ce qui ne laisse subsister aucun doute, en revanche, c’est le portrait de cet Iran rural, délaissée, à la fois généreuse et si limitée dans ses ressources. Une partie du pays à l’abandon, auquel Panahi veut rendre hommage tout en pointant du doigt leurs penchants et leurs contradictions. Ils acclament des stars de la télé ou un réalisateur mais voient d’un mauvais œil qu’une adolescente désire à son tour faire du cinéma. Ils sont aussi méfiants vis-à-vis des autres formes d’art (peinture, danse). Leur discours témoigne d’un mode de pensée arriériste. Avec roublardise et intelligence, Jafar Panahi continue d’ausculter ce pays avec un calme olympien, fidèle et confiant en son art. Le résultat est probablement moins puissant que Taxi Téhéran mais tout aussi recommandable.

Maxime Bedini

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Titre original : Se rokh
Réalisation : Jafar Panahi
Scénario : Jafar Panahi
Acteurs principaux : Jafar Panahi, Behnaz Jafari, Marziyeh Rezaei
Date de sortie : 6 Juin 2018
Durée : 1h40min

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