[critique] Armadillo

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Mads et Daniel sont partis comme soldats pour leur première mission dans la province d’Helmand, en Afghanistan. Leur section est positionnée à Camp Armadillo, sur la ligne de front d’Helmand, où ils vivent des combats violents contre les Talibans. Les soldats sont là pour aider les Afghans, mais à mesure que les combats s’intensifient et que les opérations sont de plus en plus effrayantes, Mads, Daniel et leurs amis deviennent de plus en plus cyniques, creusant le fossé entre eux et les afghans. Les sentiments de méfiance et de paranoïa prennent le relais, causant aliénation et désillusion. Armadillo est un voyage dans l’esprit du soldat, un film exceptionnel qui a pour thème l’histoire mythique de l’homme en guerre.

Note de l’Auteur

[rating:8/10]

Date de sortie : 15 décembre 2010
Réalisé par Janus Metz
Film danois
Avec
Durée : 1h40min
Titre original : Armadillo
Bande-Annonce :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=91A0MCZWjm8[/youtube]

A ce qu’on dit, Armadillo aurait fait sensation au dernier Festival de Cannes, et son Grand Prix de la semaine de la critique serait amplement mérité. Ceux qui ont suivi l’évènement attendent donc avec impatience la sortie du film, qui traîne honteusement jusqu’au 15 décembre. Même sans avoir eu vent des échos ultra positifs suscités par les premières projections, on peut tout de même être curieux de voir à quoi ressemble un documentaire sur la guerre en Afghanistan. Sur un sujet aussi sensible, les autorisations de tournage ne sont pas monnaie courante et, d’un autre côté, on s’imagine mal se taper des images de JT pendant 2 heures. Alors on s’attend à découvrir enfin si la réalité ressemble vraiment à Platoon, on se demande quel est le message qui va ressortir d’une telle expérience, et, pourquoi pas, on se prépare au sarcasme en se disant que cette histoire de docu sur la guerre, c’est peut-être juste du flan.

Mais au final, on en prend surtout pour son grade, car le réalisateur Janus Metz nous présente précisément ce à quoi on ne s’attendait pas. C’est bien simple : des pans entiers de son doc ressemblent à de la fiction. Les types qu’il filme ressemblent à des personnages créés de toutes pièces (l’adjudant Rasmus avec son crâne fracturé qui a hâte de retourner au combat), la manière dont il utilise sa caméra, le choix d’un montage cut très sec et le violoncelle qui hante une bande-son obsédante achèvent de nous faire naviguer en zone trouble, à hésiter entre le rêve et la réalité. Certains détails ne trompent pas : les discussions qui ont la saveur fade et parfois involontairement romantique de la réalité, les longs silences, les regards nous assurent que rien de tout ça n’est écrit. Le réalisateur lui-même est totalement absent de son film, et il semble même être absent du camp où il a pourtant vécu pendant plusieurs mois, à filmer sans relâche les soldats. A les écouter et à les regarder sans que jamais ils ne tournent les yeux vers nous, on se retrouve presque dans une position de voyeur.

Parce que quand Janus Metz envoie chier les codes du documentaire, il n’y va pas avec le dos de la cuillère : non content de filmer la réalité comme un plateau de tournage, de se lancer dans un montage de film d’action et de dramatiser les moments de silence par le biais d’un ensemble à cordes, il se refuse aussi à toute voix off et à tout témoignage face caméra. Son docu refuse de ressembler à ce qu’il est et, étant donné le sérieux de son sujet, on peut tout de même se poser des questions sur le fait qu’il soit traité de cette manière.

Armadillo 1

Mais quand on voit le film, et quand on voit le rapport qu’ont les jeunes soldats eux-mêmes avec la réalité à laquelle ils sont confrontés, on se dit que la démarche relève tout de même d’une certaine logique. Car les bleus qu’on suit pendant 1h40 ne ressemblent pas à Stallone, Charlie ou Martin Sheen, et n’ont pas non plus l’air grave avec lequel la mythologie populaire aime habituellement présenter les soldats. Ceux d’Armadillo ne sont que des gosses qui parfois se laissent pousser la barbe pour tenter de masquer leur âge, et le faut qu’on les voie sucer les seins d’une strip-teaseuse comme un nourrisson téterait sa mère dans les premières minutes du film rend immédiatement compte de cette réalité. Malgré leurs tatouages, leurs treillis et leurs gros flingues, ils ne sont que des enfants, qui veulent de l’action, de l’aventure et une bonne dose d’adrénaline. Le pire, c’est qu’ils ne sont déçus que lorsque la situation est calme. Quand ils ont du temps libre, ils matent ensemble des films de cul ou jouent à des FPS sous leur tente avant d’aller se griller une clope en regardant des Afghans, des vrais cette fois-ci, se faire bombarder sur leur écran de contrôle.

Après qu’ils aient échangé des coups de feu avec des talibans et tué 4 ou 5 d’entre eux, ils rejouent l’action dans les vestiaires comme des joueurs de foot après un match. Mais peut-on seulement les en blâmer ? Dans des cas aussi extrêmes, la distanciation devient une ultime mesure de protection contre la folie ; en temps de guerre, soit on perd sa raison, soit on perd son humanité. Chez eux, au Danemark, ils jouaient sûrement à Call of Duty ou Medal of Honor sur leurs consoles, se passaient en boucle Platoon, Rambo ou Full Metal Jacket. Une fois en Afghanistan, ils mettent en pratique autant les enseignements de leur camp d’entraînement que ceux de la culture populaire. D’où la nécessité de les filmer comme des acteurs et non comme des « vraies » personnes.

Armadillo 2

Une fois de temps en temps, le voile se déchire, dans quelques instants oniriques qui donnent au camp Armadillo des allures de colonies de vacances : les jeunes hommes sautent dans une rivière et profitent du soleil, s’amusent à faire des dérapages en moto, plaisantent et nouent ensemble des liens amicaux pour tuer le temps et tenir le coup psychologiquement. Mais ces quelques bouffées d’air frais sont systématiquement contrebalancées par les rencontres fréquentes avec les civils afghans, des paysans pauvres qui n’ont demandé ni aux Talibans de s’attaquer à l’impérialisme mondial, ni aux Occidentaux de venir rétablir la paix, mais qui voient tout de même leurs champs piétinés, leurs maisons détruites, leurs bêtes tuées et leurs proches blessés, comme pour simplement les punir de se trouver là où ils ne devraient pas. Les soldats se sentent d’ailleurs moins préoccupés par leurs problèmes que par ce qu’ils pourraient bien cacher sous leurs larges habits. La paranoïa est omniprésente, et elle gangrène la vision que les jeunes Danois ont de ceux qu’ils sont venus défendre ; ils se murent alors derrière une attitude froide et cynique, tentent de se déculpabiliser en invoquant les sacro-saintes « procédures » qu’ils se doivent de suivre, et rachètent littéralement leur image avec des liasses de billets offerts sans un sourire.

Au-delà de sa localisation géographique réelle et de son ancrage dans l’histoire récente, Armadillo est avant tout un grand film sur la guerre, bien plus fort que n’importe quelle fiction, et bien plus dérangeant. En se passant de voix off et de témoignages directs, Metz nous offre une chance de nous faire notre propre opinion et même, pourquoi pas, celle de ne pas juger, tout simplement. On prend les images comme elles viennent, pour ce qu’elles sont, et on évite de se demander si ces soldats sont pires ou meilleurs que nous, qui les déréalisons à notre tour en les regardant sur un écran de cinéma.

Armadillo 3

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  1. belle article :)
    ils sont super mauvais sur le terrain je trouve , et ce manque de respect et de discipline à peine croyable .
    le mec avec la masse(quand il renforce les barbelés) qui demandent à sont pote de le braquer ac le m16 ,et 40 bastos sur un cadavre même si c’est un barbu c’est pas une raison (ils donnent une mauvaise image de leurs armée )
    c’est pas une question d’age mais de discipline selon moi
    ça vaut pas nos legionnaires mais pas du tout !