BELINDA

[CRITIQUE] BELINDA

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Après avoir filmé les deux soeurs en 2001 puis l’ainée devenue jeune mère en 2010, la cinéaste Marie Dumora poursuit sa fresque sensible en se penchant cette fois sur Belinda, la cadette. Présenté en mai à l’ACID et cet été aux Etats généraux du film documentaire de Lussas, BELINDA sort cette semaine.

Belinda est une jeune femme presque comme les autres. Elle aime Thierry et planifie leur mariage. Ce sera une calèche tirée par un cheval, une robe et des chaussures dorées pour rappeler le motif de sa robe. Mais la vie de Belinda est parcourue d’embuches, Thierry est en prison, son père y fait des séjours réguliers, sa mère élève de nombreux enfants et tout semble autour d’elle lui mettre des bâtons dans les roues de sa vie qu’elle aimerait libre.

Enfant, Belinda a grandi dans un foyer de l’est de la France, séparée de sa soeur Sabrina, a fugué à maintes reprises, a évité de devenir vendeuse de chaussures, est revenue aider sa mère puis s’est installée avec son père en attendant la libération de son amoureux incarcéré. Belinda a une confiance inouïe dans la vie. C’est ce qui la tient et ce qui porte ce très beau film, véritable hymne à tous ceux qui restent dans l’ombre à cause de leur vie « moche ».

« Je me situe du côté de la littérature, de Faulkner et de Proust » – Marie Dumora

Marie Dumora est une tisseuse. Elle tourne ses films en les reliant un à un, en y ajoutant les fils du temps. Elle a rencontré Sabrina et Belinda alors qu’elle filmait un foyer dans Avec ou sans toi. Puis elle a continué à suivre ces deux jeunes femmes de leur enfance à leur âge adulte. BELINDA démarre d’ailleurs sur des extraits de Avec ou sans toi où l’on voit les deux fillettes récupérées par leur éducateur et second père, Monsieur Gersheimer, après avoir fugué. Quand on lui demande comment a t-elle su éviter un certain voyeurisme, Marie Dumora explique s’être placée du côté romanesque de leur histoire. Ce portrait de cette famille Yeniche de l’est a en effet des airs de saga et Belinda incarne une héroïne moderne avec une force de vie incroyable que Marie Dumora aime comparer à Silvana Mangano dans les films de Pasolini.  « Bon j’exagère un peu », plaisante-t-elle.

BELINDA

L’une des grandes forces du film est de nous faire parvenir à regarder différemment ces personnages abimés et en rupture, souvent montrés ailleurs à travers le truchement d’une problématique sociale ou économique. « Ces films-là aussi sont nécessaires, mais ce n’était pas mon positionnement ».

Marie Dumora filme la vie de Belinda qui vaut d’être vécue, coûte que coûte, quelques soient les obstacles, les séjours en prison et le manque d’argent. On pourrait y voir aussi une forme de déterminisme, que la cinéaste réfute, tant leur histoire se répète, mais la réalisatrice souligne à juste titre que quelque soit le milieu, la vie se répète. Pour le meilleur comme pour le pire.

Dans une des très belles scènes finales, toujours filmée avec une distance à la fois respectueuse et non sournoise, le père de Belinda raconte la photo familiale (« On dirait du Walker Evans », ajoute la réalisatrice), le camp de concentration par lequel sont passés ses parents, la ferme avec les poules, et soudain se met à jouer avec deux fourchettes et battre le rythme d’une musique tsigane. Et là, dans cet appartement, renait ce qui les relie et les rattache, loin des mots vains et du quotidien parfois sordide. Car ce qui les sauve, ce qui sauve Belinda c’est bien cet amour inconditionnel, maladroit et chaotique qui les unit.

Marie Dumora fait surgir la beauté là où on ne l’attend plus et BELINDA est une pousse au milieu du béton, vivace et vivante.

Anne Laure Farges

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Titre original : Belinda
Réalisation : Marie Dumora
Date de sortie : 1O janvier 2018
Durée : 1h47min
4
Romanesque

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