Blow-up
© 1966 - Warner Bros.

[critique] BLOW-UP

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REALISATION
7.5
SCENARIO
8
PHOTOGRAPHIE
7
CASTING
7
Note des lecteurs2 Notes
8.1
7.4

A l’occasion d’une exposition à la Cinémathèque française, retour sur la carrière de Michelangelo Antonioni, ses thèmes et ses principales œuvres.

Tourné en 1966, BLOW-UP fut le premier film non italien de Michelangelo Antonioni, bien que son ami le producteur Carlo Ponti y tienne encore les rênes. Dans le Londres un peu décalqué des années de révolution sexuelle, Thomas (David Hemmings) est photographe professionnel. Dans son studio, il exécute toutes sortes de projets, de l’infiltration d’usines à la publicité. Son avidité pour les images lui a greffé un appareil dans la main, jusqu’à suivre un couple dans les recoins d’un jardin public. Il ne lâche jamais l’affaire. Lorsque la femme, Jane (Vanessa Redgrave), exige qu’il lui transmette ses clichés, Thomas réussit donc naturellement à gagner du temps. Le temps de développer sa trouvaille et de désorienter son modèle récalcitrant en lui offrant volontiers la mauvaise pellicule. En observant les véritables instantanés, le photographe comprend alors qu’il a saisi l’impensable : un meurtre, avec revolver dans les buissons et cadavre allongé sur la pelouse. Et pour la première fois, il doute.

Le voyeurisme est la pièce centrale du puzzle anglais d’Antonioni. Dans la société de Thomas et Jane, la caméra a pris le pouvoir et personne ne la conteste. Avec l’avènement de la photo reine, l’indiscrétion n’a plus cours. Le photographe errant dans les rues à la recherche de la vérité de l’image est le digne ancêtre des paparazzis contemporains, armés de leur objectif télescopique. La machine s’est mise au service de la curiosité inébranlable des Hommes, toujours prêts à épier leurs voisins. Cependant, dès lors qu’il prend conscience de l’horreur capturée par son fidèle ami, Thomas ne peut que s’en éloigner. L’appareil, en lui révélant la triste réalité d’un assassinat, a trahi son propriétaire, reflétant lui aussi le crime que les yeux ne veulent pas voir. Ce que voit le photographe, son doigt sur le déclencheur, n’est certainement pas le vrai. C’est un ersatz, une traduction fidèle dans laquelle il fait bon se réfugier. Dès qu’il oublie son engin au studio pour parcourir la ville « à l’œil nu », Thomas se met donc à voir, lui que ses flashes aveuglaient.

© 1966 - Warner Bros.
© 1966 – Warner Bros.

Il aura fallu une femme pour le lui faire comprendre. Pourtant, ce n’était pas gagné. Ici plus que partout ailleurs, les femmes antonioniennes sont traitées comme des objets, comme des ombres fuyantes. Elles sont secrétaires ou mannequins, sourient et se taisent. Elles sont reléguées dans les arrière-boutiques et les locaux obscurs où elles dansent pour des groupes de rock très underground. Elles font l’amour, bien entendu, mais jamais ne gémissent. Deux d’entre elles (Gillian Hills et une jeune Jane Birkin !) font escale au studio pour y finir dévêtues. Leur histoire s’arrête là, c’est dans la boîte. Il n’y a guère que Jane qui prenne des initiatives. Jane qui semble impliquée dans un meurtre, Jane qui n’hésite pas à flirter avec son espion pour récupérer les précieux clichés. Si l’homme traitait déjà l’autre sexe comme inférieur, dénonce-t-on, le miroir de la photographie en fait ainsi une simple apparence sur papier glacé, pendue sur un fil à linge après passage en chambre noire (dans le jargon, ‘blow-up’ signifie « agrandissement »). Tout juste bonnes à poser pour des magazines, ces gonzesses ? Heureusement que Jane finit par prouver le contraire !

« Le voyeurisme est la pièce centrale du puzzle… »

L’Art connaît aussi ce genre de dérives, paraît affirmer le cinéaste. Dans BLOW-UP, la photographie côtoie d’ailleurs une critique acerbe du neuf comme du vieux. On ricane gentiment des peintures de Bill (John Castle), ami de Thomas, qui ressemblent davantage à des arnaques ambulantes qu’à des Rembrandt, avec leurs taches arbitraires et leur postmodernisme façon Jackson Pollock. On se moque tout autant de ce vieil antiquaire, qui entasse des bustes en plâtre et des détritus divers dans sa boutique, tout en refusant catégoriquement de vendre quoi que ce soit. Si Bill est clairement un peintre raté, sa mésaventure apprend à Thomas qu’il est un photographe au moins aussi peu accompli. Son art, enfermé entre quatre murs blancs, a perdu l’essence de la réalité. Il n’est pas surprenant que son premier sujet, une fois sorti des shootings prétendument conceptuels, s’avère le plus cru qui soit, la mort d’un autre.

Voir ou ne pas voir, telle est la question. Le cinéaste italien se torturera perpétuellement avec cette interrogation et ce jusque dans ses dernières œuvres. BLOW-UP est en tout cas sans hésitation celle où ce dilemme prend tout son sens. Quant à Thomas, incapable d’imaginer parce que trop capable de voir, il en finit par voir une partie de tennis entre deux mimes, dont les échanges renvoient par-dessus le filet leur balle…imaginaire. Complexe et tendu, comme ce film à la photographie, justement, particulièrement admirable, entre rêve et réalité, entre rétine et capteur. Cela méritait bien une Palme d’Or.

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PROFESSION: REPORTER

Titre original : Blow up
Réalisation : Michelangelo Antonioni
Scénario : Michelangelo Antonioni, Tonino Guerra et Edward Bond
Acteurs principaux : David Hemmings, Vanessa Redgrave, Sarah Miles, John Castle
Pays d’origine : Italie, Royaume-Uni, Etats-Unis
Sortie : 18 décembre 1966
Durée : 1h50
Distributeur : MGM, Premier Productions
Synopsis : Un jeune photographe londonien épiant un couple dans un jardin public prend conscience, en développant ses clichés, qu’il a en vérité photographié le déroulement d’un meurtre.

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Tietie007
Tietie007
Invité.e
9 octobre 2015 11 h 27 min

Le silence est d’or !

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