BOOGIE NIGHTS

[CRITIQUE] BOOGIE NIGHTS

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Pour son second film, Paul Thomas Anderson explore le monde du porno. Tout un programme !

BOOGIE NIGHT est chroniqué dans le cadre d’un dossier consacré à Paul Thomas Anderson, établissant des liens entre les différentes œuvres de sa filmographie !

Le deuxième long-métrage de Paul Thomas Anderson s’ouvre sur un plan long génial de plus de 4 minutes, souvent comparé à celui du prologue de La soif du mal d’Orson Welles. Rien que ça. Cette première séquence symbolise à elle seule l’envol d’un jeune cinéaste ambitieux, sans doute frustré pendant la conception et déçu du résultat de son premier film, le sympathique mais tronqué Hard Eight. Lors de la sortie de BOOGIE NIGHTS, l’homme revenait d’ailleurs sur cette expérience, expliquant qu’il valait mieux essayer de raisonner un cinglé dans la rue plutôt que de justifier la présence d’un long mouvement de caméra à son producteur. Il se jura de ne plus se laisser entraîner dans une telle discussion. Le résultat ? Un an plus tard, nouvelles stars au casting viennent rejoindre celles qui feront (ou font déjà) parti du cercle des fidèles du réalisateur, une nouvelle maison de production soutient le projet, une durée de plus de 2h30 pour une sortie cinéma et surtout une histoire sulfureuse : celle de Eddie Adams, jeune homme discret repéré par un réalisateur de films pornographiques et très vite propulsé au rang de star internationale du X dans les années 80. Mais pour que sa carrière explose, Eddie doit changer de nom, de vie. Ce sera un putain de nom, aussi radical et dingue que l’ultime plan de ce clinquant festival de bruits et de couleurs : Dirk Diggler (Mark Wahlberg). Plus grand, plus beau, plus fort. Comme ce BOOGIE NIGHTS qui s’avère être une belle gradation dans la mise en scène et l’écriture des personnages, où perce à nouveau les thèmes et les obsessions de PTA, déjà implantés dans Hard Eight.

© Metropolitan FilmExport
© Metropolitan FilmExport

A l’instar de ce dernier, le protagoniste principal, un peu paumé, se voit offrir une nouvelle famille d’accueil représentée ici par les techniciens et acteurs/actrices de Jack Horner (Burt Reynolds), charismatique metteur en scène de films pour adultes. Tout ce beau monde se réunit la plupart du temps dans l’immense villa de Jack, profitant de cocktails au bord de sa magnifique piscine, le tout sous un soleil étincelant ou lors d’une soirée quelque peu arrosée. Ce lieu idyllique que nous sommes invités à découvrir lors d’une nouvelle séquence mémorable en caméra portée et non découpée, ne sert pas seulement le rire et la détente. C’est aussi là où l’on travaille, préparant et tournant quelques scènes et où l’on se déchire, faisant voler en éclat bien plus qu’une relation professionnelle : un lien père/fils.
C’est donc ce qui passionne dans BOOGIE NIGHTS, car tous les autres personnages secondaires se révèlent traités de la même façon. En apparence chaleureux et accueillants, ils cachent tous une part d’ombre qui finit par ressurgir, fruit d’un passé trop mal géré (Julianne Moore, fraîchement oscarisée) ou d’un présent difficile à assumer (Heather Graham). Toutefois, le rire naît souvent chez ces marginaux, au détour d’un running-gag mettant en scène le pathétique personnage de Little Billy (William H. Macy). Ce dernier a bien du mal à imposer son autorité envers sa polissonne de femme qui enchaîne les partenaires sexuels sous ses yeux. Bafoué, il sera amené à prendre une terrible décision, à nouveau filmée avec classe et même une certaine retenue. La prestation de Philip Seymour Hoffman prête également à sourire. Il obtient ici un second rôle dans lequel il tombe amoureux de Mark Wahlberg. Si ses apparitions se font assez rares, il s’agit néanmoins d’une belle promotion qui ne cessera d’évoluer au sein de la filmographie de PTA et que nous avons décidé d’analyser à travers ce dossier, pour chaque film chroniqué.
Cette profusion de personnages savoureux, décalés et fragiles rendent l’expérience beaucoup plus proche d’un film choral que du biopic annoncé, tant son auteur insiste à tous les développer. Pas si surprenant quand on sait que Magnolia sortira peu après (en ce qui me concerne, un très grand film choral).

« Une gradation dans la mise en scène et l’écriture des personnages au service d’un divertissement enlevé, clinquant et fun mais aussi sombre et désenchanté. Passionnant.« 

Amoureux de ses personnages, PTA pose également un regard nostalgique sur une époque révolue qui baignait dans l’insouciance. Une fois arrivés au sommet, Dirk et Jack ne peuvent plus grimper. Alors, inexorablement, la chute s’amorce, annoncée par l’arrivée de Philip Baker Hall (Hard Eight, Magnolia) proposant une association à Jack que le spectateur n’aurait pas refusée. Pressentant l’explosion d’autres médias quant au développement du X dans la société, il invite Jack à passer avec lui à la vidéo en délaissant le cinéma, sous peine de définitivement disparaître. Une offre non acceptée. Le film bascule alors, devenant sombre et désenchanté, loin de l’excellent travail photographique de Robert Elswit qui ne cessait de nous balancer ces couleurs aussi chaudasses que Rollergirl et d’une BO d’enfer regroupant les fameux tubes de cette kitchissime et ô combien aimée période culte. Paul Thomas Anderson marque ce passage quasi-obligé dans la déchéance, en nous gratifiant d’une des séquences les plus impressionnantes du métrage, un montage alterné accompagné cette fois-ci non pas par la BO mais la musique originale lourde et grave de Michael Penn. Le sexe est alors mis en scène d’une manière totalement opposée au joyeux enthousiasme qui nous contaminait jusqu’alors.

© Metropolitan FilmExport
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Pour son deuxième film, c’est un tour de force que réalise le jeune prodige. Certes, la construction scénaristique n’est pas vraiment originale (l’ascension vers la gloire, puis la chute du héros) et je conçois que la virtuosité formelle dans la mise en scène peut apparaître bling-bling ou lassante aux yeux de certains. Mais ce PTA est un excellent élève, prétentieux peut-être, mais indéniablement talentueux. Et si l’on gratte un peu, on découvre par delà la séduisante enveloppe, des discours aujourd’hui encore très raisonnants : l’égocentrisme et le narcissisme autour du talent ou encore l’adaptation artistique aux nouvelles technologies. Pour tout cela et bien d’autres éléments précédemment cités, on ne pourra pas reprocher au film son manque de profondeur. Surtout quand on choisit de s’engouffrer dans un tel sujet.

Loris Colecchia

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Mise en scène
Scénario
Casting
Photographie
Musique
Note des lecteurs8 Notes
Titre original :Boogie Night
Réalisation : Paul Thomas Anderson
Scénario : Paul Thomas Anderson
Acteurs principaux :Mark Wahlberg, Burt Reynolds, Julianne Moore
Date de sortie : 18 mars 1998
Durée : 2h33min
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