CERTAINES FEMMES

[CRITIQUE] CERTAINES FEMMES

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Dans CERTAINES FEMMES, Kelly Reichardt rend hommage aux héroïnes du quotidien et met en avant 4 actrices dans un film sans esbroufe, rempli de mélancolie.

Quelques mois à peine séparent Paterson de CERTAINES FEMMES, deux films aux propos différents mais qui se rejoignent sur cette envie de filmer l’Amérique banale, de refuser les grands sujets pour s’attarder sur les petites choses de la vie. Le nouveau film de Kelly Reichardt met en scène, au travers de plusieurs segments, des femmes face aux obstacles dans leur vie quotidienne (travail, vie de famille, questionnements existentiels) dans un cadre modeste qui tend à forcément les rapprocher de nous. Loin de la poésie discrète revendiquée par Jarmusch et de l’observation du micro-changement, CERTAINES FEMMES fonctionne sur un principe de naturalisme où le but étant non pas de suivre des personnages d’un point A à un point B (la base du scénario classique), mais d’une infime partie de ce parcours. La démarche a de quoi en laisser plus d’un perplexe, que l’on soit initié ou non aux propositions atypiques.CERTAINES FEMMESLe premier plan du 6ème long-métrage de Kelly Reichardt délivre illico la note d’intention : dans un plan d’ensemble sur une étendue déserte, un train arrive au loin. Progressivement, le moyen de transport avance vers la caméra puis continue sa route. Avant que celui-ci ne termine son avancée et achève un mouvement logique en sortant du cadre, un cut intervient. Ce plan semble anodin et pourtant toute l’essence du film est contenue dedans. Au travers de l’image de ce train, la réalisatrice américaine expose son envie de filmer un processus en marche tout en n’omettant pas de préciser qu’elle vise à n’en saisir qu’un chapitre. Ce train, c’est chaque femme que nous allons rencontrer durant 1h40. C’est également l’occasion de poser un cadre. En l’occurrence il s’agit ici du Montana, état du Nord des USA réputé pour être le moins peuplé de tout le continent et ayant une grande densité de zone naturelle magnifique. La nature, Reichardt aime la montrer. On le sait maintenant tant son cinéma se refuse à s’aventurer du côté des grandes villes surpeuplées afin de plonger les personnages dans un environnement dépourvu de superficialité. Ainsi chacun peut se retrouver face à soi-même et à ses questionnements. C’est forcément le rêve américain qui en prend un léger coup lorsqu’on découvre cette face des USA où une avocate doit gérer des cas absurdes, où la solitude peut vous ronger, où votre survie financière post-études consiste à effectuer des heures de trajets pour un emploi barbant.

« CERTAINES FEMMES est un film épuré qui prône une forme d’apaisement plutôt que l’excitation »

CERTAINES FEMMES n’est pas pour autant vocation à exploser le pays de l’Oncle Sam dans une critique acerbe. Loin de là même. Il prône plutôt une forme d’apaisement, une sérénité ambiguë. La scène de la prise d’otage souligne ce sentiment de calme, usant d’un motif propice à la tension (les armes sont sorties !) pour le désamorcer royalement via le dispositif cinématographique. Aucune once d’excitation. Dès que le drame pourrait s’immiscer, il est sans cesse juguler par le mood du film. Comme cette scène « d’accident » se résumant à une sortie de route lente, dénuée de dégâts. Point de montée en puissance rythmique ou scénaristique. Un doux ton maussade émane de l’ensemble, germant jusque dans la mise en scène, quiète, refusant de briller. La ligne directrice formelle met forcément en lumière les arcanes structurelles et ses défaillances. Cette composition en trois actes décroit en intérêt dans son morceau central, n’arrivant pas à tirer son épingle du jeu. Et l’entente Kelly Reichardt/Michelle Williams n’y peut rien (les deux femmes en sont à leur 3ème collaboration).CERTAINES FEMMESAu milieu de l’étrangeté duveteuse de la première partie et de la puissance émotionnelle de la dernière, l’encéphalogramme plat règne. Le projet démontre alors ses limites, ne sachant pas apporter un relief particulier à un segment un peu terne. Une erreur qui n’est pas fatale, lorsqu’on prend le projet dans sa globalité – c’est un peu aussi le jeu du  film-patchwork d’être inculpé d’inégalité. Des hauts et des bas donc mais aussi l’impression que, quelque part, la magie a opéré. Notamment grâce au dernier segment mettant en scène Lily Gladstone et Kristen Stewart, qui diffuse un spleen imparable d’une évidente intensité. Ce long plan sur Jamie, face à la caméra en train de conduire permet au long-métrage d’atteindre un pic émotionnel redoutable, parce que tout a été si bien exécuté en amont, de l’écriture à la mise en scène en passant par l’interprétation (Lily Gladstone, la moins connue des 4 femmes en tête d’affiche vole la vedette à tout le monde). Jamais dans l’auto-satisfaction (une des grandes tares de tout un pan du cinéma indé américain), CERTAINES FEMMES serait, si on se risque à une analogie, un morceau de folk. Épuré dans sa composition instrumentale mais délivrant une authentique part d’humanité. Un morceau qui murmure, à qui saura l’entendre, que malgré les hauts et les bas, la vie continue.

Maxime Bedini

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Titre original : CERTRAIN WOMEN
Réalisation : Kelly Reichardt
Scénario : Kelly Reichardt
Acteurs principaux : Kristen Stewart, Michelle Williams, Laura Dern
Date de sortie : 22 février 2017
Durée : 1h47min
3
DOUX

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