Le Château de Verre

[CRITIQUE] LE CHÂTEAU DE VERRE

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Chronique d’une famille tourmentée, dysfonctionnelle, braquée contre le système, drôle et tragique à la fois, LE CHÂTEAU DE VERRE permet avant tout à Woody Harrelson de composer un personnage de père fascinant, extravagant, menaçant, poète alcoolique qui se trimballe un passé assez lourd pour fuir son propre avenir. De quoi livrer un biopic hors des sentiers battus ?

Dans la série des personnages en marge, je demande les Walls avec leurs quatre enfants et des parents perchés haut, très haut. Dans le sillage du Captain Fantastic (Matt Ross) qui avait fait du bruit l’an passé, le nouveau long métrage de Destin Daniel Cretton (States of Grace) dépeint le parcours insolite de Jeannette Walls, devenue par la suite chroniqueuse mondaine à New-York. Entre l’enfance et l’âge adulte, le film nous embarque dans un monde extravagant, fait d’échappées belles, d’hystérie, de poésie, d’imagination et de déglingue.

Dès sa première scène, LE CHÂTEAU DE VERRE nous embarque dans cet univers décalé et tourmenté à travers un accident domestique transformé en symbole de résilience et de liberté. En jouant d’une temporalité à double niveau (présent de 1989 et l’enfance du l’héroïne), le récit se fait dès lors s’affronter par flash back deux mondes distincts : l’un porté par l’instinct, la rêverie, l’utopie contre-culture qui doit à tout prix échapper aux diktats d’une société qui a perdu ses repères, l’autre matérialiste, miné par une certaine forme de tromperie, sur l’argent et la possession. Classique.

L’héroïne est évidemment tiraillée entre ces deux univers que tout oppose. De son enfance ouverte sur la nature mais refermée sur sa propre famille (option seuls contre tous), irradiée par l’irresponsabilité de parents déphasés et obligés de fuir la police et les créanciers à travers d’incessants déménagements, à l’âge adulte où elle semble condamnée à renier son propre passé, l’atténuer jusqu’à l’effacement.

Photo du film LE CHÂTEAU DE VERRE

Pour filmer cette trajectoire, le réalisateur adopte un point de vue narratif lui aussi en opposition : au rustique flamboyant de la nature (désert, prairie, montagne, forêt), aux grands espaces où les Walls semblent vivre loin de tout, le présent mercantile se voit représenté par New York (la ville des flambeurs dans les années 80), les amis et des univers nocturnes étouffants, claustrophobes. Malheureusement, le récit reste constamment ambigu et ne s’économise pas quelques raccourcis moraux discutables. Ainsi, le traumatisme et les stigmates d’une grave brûlure finiront, quelques années plus tard, par sauver Jeannette d’un viol. Ce qui pouvait paraître comme un trauma devient alors une véritable force.

A l’instar d’une question qui n’est pas clairement posée ici, Destin Daniel Cretton saute systématiquement d’une position à l’autre. Les zones d’ombres les plus noircies sont parfois éclairées par des renversements de valeurs qui donnent au film cette impression de continuellement hésiter. Si cela offre un peu de profondeur au sujet et rejoint les sentiments contradictoires d’une fillette pour son père, à la fois héros, victime et bourreau, il en ressort également cette impression d’un manque de point de vue avec une mise en image inspirée mais sans véritable implication.

L’enjeu d’un tel récit n’est pourtant pas sa résolution (prévisible) mais bien les tiraillements intérieurs et les fameux démons qui habitent les deux personnages principaux. Ce qui nous est montré comme une relation privilégiée entre un père et sa fille les réunis avant tout dans cette lutte avec leurs souvenirs, avec eux-mêmes. Ce Château de Verre, échappatoire illusoire, devient peu à peu la métaphore d’un endroit où ils ne craindraient plus rien, où leurs peurs seraient laissées à l’extérieur. Utopique tant la brûlure est profonde. Si Jeannette la porte en elle en stigmate, Max se consume à l’intérieur, brisé par son passé, refusant d’affronter le présent et encore moins le futur dans une éternelle fuite en avant. D’abord géographique, puis par l’alcool, seule échappatoire avec son imagination et sa faculté à raconter des belles histoires.

Alors, Max est-il un « monstre » ? Est-il ce démon que Jeannette chassait enfant ? Dans cette représentation, Brie Larson (remplaçante de Jennifer Lawrence un temps associée au projet) fait le boulot mais son rôle reste superficiel et Naomi Watts demeure crédible même si elle frôle parfois la caricature. Mais l’interprétation extraordinaire d’Ella Anderson (Jeannette jeune) et plus encore de Woody Harrelson, absolument bluffant de charisme, charmeur, révoltant et touchant permettent au film de réussir quelques très belles scènes.

Photo du film LE CHÂTEAU DE VERRE

On regrettera que l’histoire s’enfonce peu à peu dans un méli-mélo où le pardon ripoline des actes difficilement excusables, oubliant nombre d’éléments potentiellement dramatiques au passage (le passé de Max ou la petite sœur qui supportera le plus mal cette éducation). LE CHÂTEAU DE VERRE se referme alors sur  lui-même avec une dernière scène poussivement lacrymale et un épilogue qui nous fait rejoindre les « vrais » protagonistes.

Loin d’être raté, le film fonctionne mais devient banal, classique, sans surprise alors que le sujet aurait pu offrir quelque chose de remarquablement en marge. Ce portrait d’une famille atypique ne fait que s’approcher des étoiles quand il aurait pu les décrocher.

Cyrille DELANLSSAYS

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Note des lecteurs3 Notes
Titre original : Le Château de Vere (The Glass Castle)
Réalisation : Destin Daniel Cretton
Scénario : Destin Daniel Cretton , Andrew Lanham
Acteurs principaux : Woody Harrelson, Brie Larson, Naomi Watts
Date de sortie : 2017
Durée : 2h08min
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