[critique] De Beaux Lendemains

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L’existence d’une bourgade au nord de l’état de New York a été bouleversée par l’accident d’un bus de ramassage scolaire, dans lequel ont péri de nombreux enfants du lieu. Les réactions de la petite communauté sont rapportées par les récits de quatre acteurs principaux. Il y a d’abord Dolorès Driscoll, la conductrice du bus scolaire accidenté, choquée par cette catastrophe qui ne pouvait pas lui arriver, à elle. Vient Billy Ansel, le père inconsolable de deux des enfants morts. Ensuite, Mitchell Stephens, un avocat new-yorkais qui se venge des douleurs de la vie. Et enfin Nicole Burnell, la plus jolie fille de la bourgade, adolescente promise à tous les succès, qui a perdu l’usage de ses jambes et découvre ses parents grâce à une lucidité chèrement payée.

Note de l’Auteur

[rating:9/10]

Date de sortie : 7 octobre 1997
Réalisé par Atom Egoyan
Film américain
Avec Ian Holm, Sarah Polley, Caerthan Banks
Durée : 1h52min
Bande-Annonce :

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Grand Prix du Jury du Festival de Cannes en 1997, ces ‘Beaux Lendemains’ écument les cœurs défraîchis de leur substrat émotif – Lecteur, ces petites scénettes qui prennent vie dans les étendues indomptées du Grand Nord ressemblent à s’y méprendre aux pièces dont seul un Ibsen put enfanter. Atom Egoyan, pair d’un certain Sergei Parajanov, est un enfant de la Terre : né en Egypte de parents arméniens, élevé au Canada, ce troubadour puise ses richesses dans les racines de son vécu – ‘Calendar’ (1993) est filmé sur le sol même de ses ancêtres.

Egoyan est le germe éclos de cette diversité culturelle qu’il s’efforcera de transposer tout au long de sa carrière, tant au niveau des scenarii, que du choix des acteurs et collaborateurs. Il incarne cette forme d’universalité peu banale au sein d’une industrie cinématographique dont les contours sont formatés à l’extrême – Lecteur, je t’invite à t’égarer dans ‘Avatar’ pour t’en faire une idée.

Adaptation du roman de Russell Banks, ‘De Beaux lendemains’ dépeint avant tout une galerie de personnages qui se frictionnent : de l’avocat père de famille en proie aux vicissitudes relationnelles, à l’adolescente farouchement secrète meurtrie dans sa chair, sans oublier les habitants d’une communauté rurale cloitrée – au propre comme au figuré- dans une impermanence morale.

S’agit-il d’une démonstration cinglante de déterminisme cinématographique – l’accident du bus scolaire comme déclencheur – ou simplement une trame rabelaisienne décryptant les triturations psychiques dont l’Homme s’affuble malgré lui ? La réponse est âpre et nébuleuse – Lecteur, le cinéaste trifouille ces parcelles insondables de ton âme, prends garde de ne pas perdre pied !

Tel un voyeur, Egoyan déambule dans un dédale de sentiments : la culpabilité, le pardon, la compassion, la révolte, le doute, la solitude, la détresse.

L’Imprégnation du caractère idiosyncratique agit avec force et virulence, le réalisateur ne se privant pas d’une narration elliptique pour encore mieux brouiller les cartes. Au-delà de cette révérence métaphysique, un sentiment plane en filigrane tout au long de la trame : la piété filiale – Lecteur, attarde-toi sur cette scène du couple enveloppant l’enfant endormi dans les nimbes de Morphée, leurs corps à demi recouvert d’un drap immaculé.

Le nœud diégétique de l’intrigue trouve son accomplissement dans ce plan : la volonté de survivre à la perte d’un être aimé, la peur biologique et métaphysique du vide engendré par la perte de cet être, Egoyan nous gratifie une transposition métaphorique stupéfiante, entrebâillant la porte vers cette espérance salvatrice qu’est la VIE.

Par l’usage d’instruments de musique typiquement arméniens, Egoyan renforce davantage cet enracinement d’un cinéma slave, profondément ancré dans la Terre.

Sarah Polley (déjà employée dans ‘Exotica’) et Ian Holm offrent une interprétation tridimensionnelle. L’ambigüité morale dans laquelle se trouve Ian Holm – la confrontation entre son drame familial personnel et l’affaire juridique qu’il tente de mener à son terme- agit miraculeusement sur l’interprétation de Sarah Polley, atteinte dans sa chair d’être humain, victime non-consentante, évoluant dans un univers familial formaté.

L’interprétation de Polley est intergalacticocosmique – Lecteur, ce néologisme ne doit point te perturber, contemple simplement son jeu. Elle poussera le bouchon jusqu’à composer et interpréter une partie de la bande originale, avec un certain talent !

Antonin Artaud proclamait : ‘La peau humaine des choses, le derme de la réalité, voilà avec quoi le cinéma joue d’abord.’ Avec ‘De Beaux Lendemains’ Egoyan écosse littéralement toute notre humanité au travers de cette peinture filmique, s’égosillant à exhumer nos faiblesses et nos forces, nos doutes et nos certitudes, nos peines et nos joies…

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