[critique] Dellamorte Dellamore

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Dellamorte Dellamore, mélancolique gardien de cimetière, flanqué de son fidèle compagnon, Gnaghi, a depuis quelque temps du pain sur la planche. Les morts enterrés dans son cimetière reviennent à la vie et cette mysterieuse épidémie se propage de tombe en tombe, de nuit en nuit.

Note de l’Auteur

[rating:7/10]

Date de sortie : 3 août 2004
Réalisé par Michele Soavi
Film Français, italien, allemand
Avec Rupert Everett, Anna Falchi, François Hadji-Lazaro
Durée : 1h 40min
Titre original : Dellamorte Dellamore
Bande-Annonce :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=y_bX8KRcGxA[/youtube]

A l’occasion de la sortie le 18 juillet prochain de Dylan Dog, l’occasion était trop belle pour ne pas s’attarder sur la seule adaptation du fumetto italien valant la peine d’être vue.

Michele Soavi est un réalisateur qui ne compte pas parmi les plus prolifiques puisque sa filmographie ne comprend que quatre films. Après s’être fait remarqué en 1987 avec son étrange slasher Bloody Bird, Michele Soavi collabore avec Dario Argento à deux reprises : Sanctuaire et La secte, puis disparaît totalement de la circulation en travaillant pour la télévision et en étant, notamment responsable de la deuxième équipe sur Munchausen de Terry Gilliam tourné en Italie. Peu intéressé par les différents projets qu’on lui propose, celui-ci effectue son retour en jetant son dévolu sur un étrange projet : l’adaptation du livre de Tiziano Sclavi, Dellamorte Dellamore, et du fumetto Dylan dog du même auteur.

Financé en partie par Soavi lui-même et par le Studio Canal+, Dellamorte Dellamore fait partie de ces films qui ne ressemblent à aucun autre, des œuvres définitivement uniques. Sans participer directement au projet, l’auteur du roman Tiziano Sclavi, va se montrer particulièrement enthousiaste au scénario écrit par Soavi et Gianni Romoli. Un scénario qui va également décider Rupert Everett, premier choix du cinéaste, à s’engager dans l’aventure d’autant que celui-ci a inspiré le personnage du fumetto Dylan Dog. L’acteur est ensuite vite rejoint par François Hadji-Lazaro (Leader des groupes Français Les Garçons Bouchers et Pigalle), puis par le délicieux mannequin Anna Falchi. Un casting formidable qui convient tout a fait à cette adaptation, Rupert Everett personnalisant parfaitement sur le plan visuel le héros de la BD Dylan Dog.

Cinéaste privilégiant l’image et le visuel, Soavi nous livre un film magnifique oscillant entre le macabre et le merveilleux. Un véritable univers dans lequel des feux follets parcourent le cimetière dans lequel Dellamorte et le personnage d’Anna Falchi font l’amour. L’une des scènes qui montre le travail accordé à la photographie de Mauro Marchetti, l’un des artisans essentiels à la réussite artistique du projet. De nombreuses scènes rappelant souvent l’univers gothique de Mario Bava et même parfois le monde putride de Fulci (le magnifique ossuaire). Un univers véritablement absurde et surréaliste à l’image du Zombie-motard ou encore lors des différents massacres perpétrés par Dellamorte dans la ville ou dans l’hôpital. A la fois romantique, tragique et poétique, le film en plus de nous livrer une succession de magnifiques tableaux contient un véritable fond. Véritable illustration d’un esprit dérangé, le film n’est qu’un monde rêvé par le personnage principal, un solitaire en marge de la société qui se marginalise lui-même en faisant courir le bruit de son impuissance. Un individu qui se crée son propre monde mais qui se retrouve prisonnier de celui-ci, un monde dans lequel la réalité vient souvent frapper à la porte mais qui est sans cesse repoussée par Dellamorte à coup de fusil. A ce titre, le personnage de Gnaghi semble représenter le véritable Dellamorte, à savoir un être asocial et autiste qui vit terré dans une cave et dans le silence, un alter ego réaliste en somme, qui refuse le monde et la réalité encore bien plus que lui.

Par ailleurs, c’est ainsi pour fuir cette solitude maladive que Dellamorte se créé son amour pour la femme idéale symbolisée par 3 incarnations de celles-ci : la veuve, l’amante passionnée et la putain. Trois relations qui seront vouées à l’échec et qui sonnent comme autant de tentatives manquées de sortir de sa marginalisation. Francesco tuera la première en la prenant pour un zombie (magnifique scène de résurrection dans l’ossuaire), la seconde lui refusera toute sexualité et sera attirée par lui pour sa prétendue impuissance, avant de se raviser totalement, et enfin la dernière au moment de réclamer le montant pour ses prestations sera purement et simplement brûlée vive par un Francesco trahi par une passion qu’il pensait sincère. Illustration d’une névrose pathologique, le film est donc une œuvre d’une richesse énorme, et dont le statut culte provient en partie des différentes interprétations possibles du sens de chaque scène. La quête de l’amour impossible de Francesco comporte ainsi de multiples niveaux de lectures. Cet homme emprisonné dans son univers ne parvient pas malgré tout à aller au-delà de certaines limites. Son monde comme le monde réel est cependant guidé par deux constantes : l’amour et la mort.

Un film unique qui prend place aux côtés des plus grandes réussites du fantastique Italien. Un film à la fois profond, léger, romantique, dramatique, comique, gore et sexy. Une étonnante alchimie visuelle pour une véritable réussite de fond. Chapeau monsieur Soavi.

En définitive, Soavi nous livre ici ni plus ni moins que son chef-d’œuvre définitif. Un film gothique terriblement romantique et poétique qui n’hésite pas à mélanger les genres. Parsemé de moments de comédie, de fantaisies et d’un humour noir omniprésent, Dellamorte dellamore apparaît véritablement comme un patchwork dans lequel se mélangent les émotions. Un délicieux et intelligent spectacle macabre dont les petites maladresses techniques (la scène des feux follets et ses fameux fils) ne sauraient amoindrir la portée et la réussite. Une œuvre extrêmement picturale (Soavi rend hommage à plusieurs toiles de maîtres tout au long du film) qui enchaîne les moments de grâce pour parvenir à un résultat ne ressemblant à aucun autre film connu.

Dellamorte dellamore obtiendra très vite un statut d’œuvre culte mais ne connaîtra pas de véritable succès public. Présenté au festival de Gérardmer en 1995, le film de Soavi se verra cependant remettre par John Carpenter (Président du festival) le Prix Spécial Du Jury, le Grand Prix étant attribué à l’autre monument de poésie cinématographique : le formidable Heavenly Creatures de Peter Jackson.

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