99 HOMES
© Wild Bunch

99 HOMES, un duo d’acteurs transcendant – Critique

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Nous en parlions récemment ici, la VOD et les plateformes e-cinéma sont actuellement en plein essor, ne s’agissant plus de sorties secondaires mais concernent de véritables propositions cinématographiques. Au delà de son analyse sur le mode de financement, Pierre concluait ainsi son constat : « La VOD semble ainsi être le lieu le plus adapté à un nouveau cinéma en devenir […] dont se dégage, parfois, une certaine richesse et une matière à réflexion ». En atteste les derniers long-métrages de qualité qui ont été diffusés sur ce nouveau modèle : Beast of No Nation, Made in France, People Places Things… 99 HOMES englobe également l’ensemble de ces caractéristiques en plus d’être une oeuvre aussi aboutie que maîtrisée.

Il restera néanmoins une incompréhension, plus qu’une interrogation. En effet, le film était tout de même reparti du festival de Deauville avec le grand prix du Jury, soit la récompense suprême ! 99 HOMES succède ainsi à une lignée de films qui ont marqué ces dernières années, ni plus, ni moins. Avec des processeurs tels que Whiplash,  Take Shelter, Little Miss SunshineDans la peau de John Malkovich… il est dommageable de constater une sortie en catimini quand le grand écran aurait pu secouer un public plus large. Perte de confiance des distributeurs, peur de l’échec de l’exploitation du film ? 99 HOMES aurait largement mérité une sortie dans les salles obscures compte tenu de ses qualités, son intelligence et son casting impressionnant, même hollywoodien.

Si certains ont légitimement apprécié la légèreté de ton que l’on pouvait trouver dans  The Big Short, il est indispensable de le confronter à 99 HOMES, film percutant, en totale opposition avec le long métrage d’Adam McKay99 HOMES va donc aborder la crise des subprimes de 2008 mais ici, exit les gratte-ciels de NY, les costards et les yuppies à la coiffure impeccable. L’action va prendre place en Floride, au plus près des victimes, directement touchées par les esprits formatés par la dictature du chiffre installés à des milliers de kilomètres. 99 HOMES va donc démontrer l’impact démesuré de ces dommages collatéraux, balayant ainsi les foyers américains d’un battement de cil.

Photo du film 99 HOMES
© Wild Bunch

Rick Carver (Michael Shannon) est un magnat de l’immobilier assez opportuniste et surtout, glacial. Avec la crise qui fait rage, il rachète et expulse des familles sans sourciller. Un jour, il saisit – avec l’aide de la police – le foyer chaleureux de Dennis Nash (Andrew Garfield) et le met ainsi à la rue avec ses proches. Peu de temps après, leurs routes se croisent à nouveau. 99 HOMES va exposer la construction et à l’inverse, la déconstruction sociale à travers le gain et la perte d’argent. Certes, ce n’est pas un secret, l’argent reste le nerf de la guerre mais il devient également un marqueur social. C’est cette facette que va explorer avec brio Ramin Bahrani, en instaurant un jeu d’influence permanent entre ces deux protagonistes principaux, Dennis et Rick.

Commentaire audio

D’emblée, Ramin Bahrani instaure une tension électrisante transcendé par son duo d’acteurs, il dévoile un pays traumatisé, mutilé par la crise financière. Sa mise en scène est percutante, caméra à l’épaule tout en utilisant un langage cinématographique simple, mais parfaitement dosé. La caméra suit de manière magnétique les protagonistes, au plus près de leur visage, de leurs émotions.

On va aussi suivre de près la transformation de Dennis, passant d’une épineuse situation de survie en une position de force, obligé d’agir comme un salaud, malgré lui. Un esprit torturé, tentant de se battre contre les inégalités et les injustices. Dennis sera perpétuellement renvoyé devant sa propre éthique jusqu’au point de rupture moral. Voilà l’enjeu central de 99 HOMES : montrer le combat de ce jeune homme entre sens de l’éthique et de la morale. Si l’accès grandissant à la richesse peut en pervertir plus d’un (L’Argent, Émile Zola), Ramin Bahrani en prend ici parfaitement le contre-pied. Ainsi, lorsque Dennis commence à se rapprocher dangereusement de l’idéal de Rick Carver, on est partagé, pris en otage – nous aussi – de cette insidieuse situation. L’empathie est donc totale et 99 HOMES échappe ainsi au piège dans lequel il était pourtant si facile de tomber, évitant soigneusement la facilité et le manichéisme. Ramin Bahrani a donc parfaitement saisi les enjeux de cette tragédie et il porte ces derniers à l’écran avec subtilité, nuances et compassion.

Une tension électrisante, transcendé par son duo d’acteurs. Ramin Bahrani dévoile un pays traumatisé, mutilé par la crise financière.

Michael Shannon est vraiment un acteur incroyable et il le prouve encore dans son interprétation magnétique du personnage de Rick Carver. Toujours glacial, cruel, le regard dur, il incarne Rick Carver avec vérité, il écrase tout le monde. De même, Andrew Garfield tient la distance et arrive à communiquer ses émotions sans mal. Le résultat est donc au rendez vous, la rencontre de ces deux là fonctionne à merveille. Le Jury ne s’est pas trompé avec ce sacre amplement mérité. D’une qualité dramatique indéniable sans oublier de créer instantanément l’empathie, 99 HOMES se révèle percutant, sensible et ravageur. On retiendra surtout que derrière toute crise financière se dissimule le plus important : l’installation d’une fracture humaine, morale et sociale dont la marque est indélébile.

Sofiane

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