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HABEMUS PAPAM – Critique

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Si certains pensaient découvrir une nouvelle satire anticlérical, ils seront déçus. Par bonheur, Habemus Papam va beaucoup plus loin que sa sainteté de sujet.

Les vaticanistes eux-mêmes n’ont pas vu dans cette œuvre de quoi véritablement s’insurger, preuve sans doute que religion et humour peuvent encore aller de pair. Il faut dire aussi qu’avant d’être polémique, Habemus Papam se révèle être une touchante comédie humaine. Touchante par la faculté que le réalisateur Nanni Moretti a de constamment faire ressortir l’homme sous l’habit, aussi cérémoniel soit il.

Nanni Moretti oppose deux mondes : celui de l’intérieur, fermé et mesuré, à celui de l’extérieur, libre et aéré. A l’intérieur, une troupe de cardinaux empêtrés dans leur tunique, beaux mais inefficaces. Habemus Papam nous surprend en nous faisant miroiter en eux nos grands pères autant qu’un grand jardin d’enfant. La véritable pitrerie se retrouve là, dans le burlesque des situations. Nos cardinaux jouent et se chamaillent, toujours prêts à sourire béatement à la vue de Sa Sainteté. Le petit rien trouve ici une grande force comique du fait de son colossal contexte. Mais on rit autant du religieux que du praticien, interprété par le réalisateur lui-même. Comme à son habitude, le réalisateur interprète l’un des personnages principaux pour servir la moquerie, l’un des moteurs de son cinéma. Cette fois ci, c’est à la psychanalyse qu’il s’en prend, régalant le spectateur de sa mauvaise humeur. Le psychanalyste du pape enfermé au Vatican, jouant l’animateur de 108 cardinaux : on prend, on adhère et on savoure. Si la dérision est bien soufflée sur l’institution Vaticane, pas encore de quoi ébranler les murs. Là n’est d’ailleurs pas la volonté de ce film finement équilibré entre drame et comédie. Et c’est au psychanalyste que le réalisateur prête le plus volontiers la parole, laissant plus d’espace à l’errance du pape.

Le petit rien trouve ici une grande force comique du fait de son colossal contexte.

Car à l’extérieur, il y a un pape. Ou du moins un homme, soudainement contraint à endosser une responsabilité démesurée. L’intrigue n’a en cela rien d’extraordinaire, tant la charge qui lui incube est oppressante. Mais la finesse du film tient en ce que c’est l’homme plutôt que le religieux que nous suivons. Michel Piccoli incarne un cardinal/pape en perdition presque bouleversant par sa vulnérabilité, et par l’errance qu’il va entreprendre. Une fois de plus, Nanni Moretti n’en fait pas un héros, et l’éloge catholique peut être attendue en vain. Habemus Papam nous surprend encore, nous menant là où on ne s’y attendait pas. C’est ici que la critique se fait plus profonde, la réflexion douce-amère se portant sur le pouvoir, et la responsabilité qu’il engendre sur une collectivité. Il est plus facile de soutenir une charge qui n’est pas la nôtre, et en cela Habemus Papam porte sa propre leçon d’humanité.

Bien que joliment rythmé par l’écho de ces deux mondes, Habemus Papam souffre de légères longueurs. La fin pourra laisser un léger sentiment d’inachevé, mais n’ôtera rien de la qualité de ce film où côtoie brillamment mélancolie et comédie. Tout en restant consensuel, Habemus Papam ose toucher à ce qu’il y a de plus intouchable, sans jamais tomber dans la facilité. Plusieurs prix et nominations saluent déjà l’art de Nanni Moretti dans ce film mais c’est encore au spectateur qu’il fera le plus de bien. On en ressort un peu plus heureux, avec comme l’envie de jouer au volley…

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  1. Après l’apolitique Il Caïmano, Moretti s’attaque à nouveau au thème du pouvoir dans ce film grandiose. Piccoli est immense, Moretti fait mouche à chaque scène, entre burlesque et violence sourde. Chef d’œuvre.

  2. Nanni Moretti avait un sujet passionnant, il en a fait un film plutôt longuet. Certes c’est gentil (trop gentil même pour créer la polémique) mais c’est loin d’être incisif. Le réalisateur italien choisit la dérision et enferme ses personnages dans des comportements infantiles. Jusqu’à une dernière scène très réussie.