La Belle Endormie

[CRITIQUE] La Belle Endormie

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La Belle endormie
• Sortie : 10 avril 2013
• Réalisation : Marco Bellocchio
• Acteurs principaux : Toni Servillo, Isabelle Huppert, Alba Rohrwacher
• Durée : 1h50min
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Note du rédacteur

Le cinéma italien se fait de plus en plus rare ces dernières années. Leone, Fellini, Visconti, Antonioni, Pasolini, Scola, Bava, Corbucci et Ferreri ne sont plus là, Bertolucci ne fait plus grand chose. Il reste des cinéastes mineurs comme Argento, Garrone ou Benigni. Mais Moretti et Bellochio (Vincere, Le saut dans le vide) sont toujours là. Dans ce film, Bellocchio tente, une fois de plus, de dresser un portrait de l’Italie à un moment donné.

Tout commence par une scène d’exposition qui nous présente un événement qui a réellement eu lieu. Il s’agit de l’affaire Eluana Englaro, jeune femme italienne restée dans le coma pendant dix-sept ans. Et l’Italie, à cette époque, a divisé aussi bien la société que la politique avec cette affaire. Avec cette affaire, on cerne très vite ce que le cinéaste italien veut capter. Il nous parle de la fin de la vie, et porte une réflexion sur la question de l’euthanasie, en autre. Mais surtout, Bellocchio nous montre un pays où deux parties s’affrontent à cause de conceptions idéologiques.

Photo LA BELLE ENDORMIE

Bellocchio fera cela à travers plusieurs personnages. Des personnages qui n’ont aucun lien les uns avec les autres, ou des personnages qui n’ont aucun lien de parenté avec Eluana Englaro. D’où la simple inspiration de l’affaire pour raconter un contexte politico-social italien à un moment donné. Le grand problème en faisant cela, c’est que Bellocchio nous construit trois histoires (voire quatre, si on sépare celle du député et celle de sa fille) en une. Et comme il n’y a aucun lien entre les histoires ni les personnages, juste le même thème, le film nous livre trois mini-films assemblés pour ne faire qu’un seul. Il y a un grand manque d’unité ici, même si l’on sent que Bellocchio veut être le plus général possible. Cela ne dérogera jamais à la manière dont il conte son histoire. Le cinéaste italien ne prend jamais de parti pris. Ce qui peut rester un défaut au Cinéma, certes. Mais Bellocchio en tire profit. Car en ne prenant ni le parti de ceux qui veulent la loi ni celui de ceux qui la rejettent, Bellocchio condamne les choix dictés par l’idéologie. Il remet en jeu les questions suivantes : le poids des idéologies sur la société, la difficulté à être en concordance avec nos valeurs, les accommodements liées à la politique et la famille. Vous y remarquerez quatre sujets, qui bâtiront les quatre mini-films.

« Bellocchio dresse un portrait de l’Italie à un moment donné sans parti pris aux idéologies, mais il compatit aux choix dictés par l’amour. »

Mais il y a une idéologie où Bellocchio compatit totalement dans cette histoire. De n’importe quelle forme qu’elle soit, il compatit aux choix dictés par l’amour. Il suffit de voir le frère qui ne veut pas voir sa soeur et sa mère souffrir. Ou cette mère qui a mis fin à sa carrière pour rester auprès de sa fille dans le coma. Ou cette histoire d’amour à la Roméo et Juliette entre deux jeunes, qui ont des idées politiques différentes. Voire même cette relation père/fille. Ou encore cette obsession d’un médecin pour l’un de ses patientes. En somme, Bellocchio prône l’amour vainqueur de tout différend, tel qu’il soit. Même si Bellocchio partage les choix impliqués par l’amour, il n’empêche pas que son film en reste toujours grave. Jamais drôle, même si quelques sourires peuvent se graver sur nos visages par des gestes légèrement absurdes, le ton du film est toujours dans la tragédie. Plus qu’un drame, Bellocchio nous montre que l’Italie n’allait pas bien du tout à ce moment précis. Dans un événement aussi pénible qu’une personne dans le coma, le pays se divise et s’affronte à cause d’une loi.

photo de La Belle endormie

A côté de cela, on a un film très sensoriel. Bien au-delà des personnages qui se touchent beaucoup dans le film, Bellocchio analyse les structures qui conditionnent l’individu. En parallèle de la politique, nous avons le droit à la religion. Ce film est un modèle d’intelligence quand il s’agit de capter les sens des personnages et leurs émotions à travers des questions tel que la vie et la mort. Bellocchio touche nos consciences, avec une caméra qui s’agite comme un scalpel, scrutant chaque sens de notre être. De plus, la mise en scène de Bellocchio ne s’arrête pas à cet effet sensoriel. Il y a quelque chose de Fellini dans ce film. Prenons en exemple la scène du bain avec toute cette fumée qui en sort. Nous pouvons également parler du traitement des personnages. Leurs situations sont graves mais Bellocchio ne fera jamais dans le maniériste facile, il jouera avec ses personnages comme Fellini l’a fait avec La Strada (pour ne citer que celui-ci). Il y a aussi un effet de musicalité dans ce film. Exemple frappant, la scène où les patients de l’hôpital deviennent fous. Les images s’embarquant dans un mouvement très choral. Et ce n’est pas sans parler de toute la musique du film. Félicitations au compositeur, qui nous offre ici une symphonie magnifique, qui embellit les âmes et les attitudes des personnages dès qu’une note commence.

Finalement, La Belle Endormie est un film à la fois grave et sensoriel. Bellocchio, à travers une histoire vraie, dresse un portrait politico-social de l’Italie à un moment donné. Il ne prend jamais le parti pris des deux côtés de l’affrontement qu’il filme, mais il compatit aux choix dictés par l’amour. Le cinéaste italien est cependant dans le questionnement de plusieurs idéologies, qui constitueront plusieurs histoires dans son film. Comme des mini-films qui font perdre au film une unité qui lui serait très bénéfique.

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