LES MILLE ET UNE NUITS - L'INQUIET
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[critique] LES MILLE ET UNE NUITS – L’INQUIET

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REALISATION
7
SCENARIO
6.5
PHOTOGRAPHIE
6
CASTING
7.5
CRITIQUE SOCIALE
7
Note des lecteurs0 Note
0
6.8

Lire également la critique de la trilogie complète,
par @PSiclier.

[dropcap size=small]O[/dropcap]n parle beaucoup dans Les Mille et Une Nuits. Normal, c’est Shérazade (Crista Alfaiate) qui régale. Avec ce premier volet, L’Inquiet, Miguel Gomes ouvre sa grande narration de plus de six heures, et prend instantanément le registre de langue qui caractérisera son récit. Un ton lent, posé, mélancolique. Car loin de Bagdad et de l’envoûtante cour du cruel souverain, le pays de légendes qu’il dépeint est un Portugal en crise et en pleine quête de lui-même. Dans ces contrées abandonnées à leur sort, l’enchantement semble devoir être le seul remède.

Des banquiers pris d’érection, un coq jugé pour chant inconvenant, des ‘magnifiques’ préparant un bain du 1er janvier, dans l’océan Atlantique rendu glacé par la brume. Autant de merveilleuses fables, autant de terribles épopées. Il paraît même de temps à autre que le texte et l’image se disputent la primauté des faveurs. Le spectateur suit difficilement, il faut le dire, l’enchevêtrement de témoignages perçus en voix-off et les plans qui n’attendent pas pour défiler. Comme sous hypnose, il faudrait se concentrer sur la voix et uniquement la voix. Mais la distraction est constante. Est-ce la fatigue d’une dure journée dans cette salle obscure ? Ou est-ce simplement qu’ici le paysage ne reflète plus le passé heureux que les bouches dévoilent mot à mot, en forme de commentaire sur des illustrations qui ne lui correspondent pas.

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Le Portugal y apparaît en décalage, déjà à demi disparu. Mais comment extraire un documentaire d’une destination qui n’existerait plus. La réponse est aisée : cela est impossible. Impossible et annoncé comme tel dès le départ, lorsque le réalisateur lui-même quitte le champ et les lieux de son tournage. Le film veut échapper à la misère et au misérabilisme. Pour affronter la lassitude des sacrifices de l’austérité, le rêve servira la réalité, l’humour noir soutiendra la critique sociale. Sur l’île des jeunes vierges, on goûte aux délices de l’innocence perdue des dockers, des politiques, des femmes au foyer et des syndicalistes. Et tel un refuge dans l’impasse économique, le conte moral et ses éléments merveilleux travestissent la platitude de la réalité, un coq parlant, une clinique dans l’estomac d’un cétacé (ou une grotte, à juger), une hutte perchée sur les falaises.

L’Inquiet, le réalisateur hésitant, règle des comptes, bien entendu. Evident pour un film à visée sociale et pour un contexte si troublé. On appréciera la maîtrise d’un travelling qui se rapproche centimètre par centimètre de son sujet lancé dans une tirade. On savourera chaque chemin, chaque coin de ciel et chaque accessoire de bureau, arrivé là d’on-ne-sait-où, ajoutant au fouillis ambiant qu’est devenu ce pays naguère prospère. Mais il tacle en douceur, en dressant des portraits attachants. Au total, on ne prononcera le nom d’Europe que quatre ou cinq fois à peine. Plus encore, tout bas, ou glissé en vitesse à la fin d’une phrase, ou sur la langue d’un sorcier vaudou s’exprimant en Français. Le peuple portugais, lui, évite le sujet. Et s’il faut voter, on élit tout le monde, ‘pour ne fâcher personne’.

« Comment extraire un documentaire d’une destination qui n’existerait plus ? La réponse est aisée : cela est impossible. »

Pas besoin de chercher profondément pour la trouver, l’inquiétude. Elle se lit dans les visages de tous. La peur de passer à la trappe, la peur de la précarité et celle de montrer au reste du monde le gouffre vaseux dans lequel on a précipité un Etat européen, un Etat que l’on disait pourtant développé et riche. Ce premier volume constitue une entrée en matière forte et tranchée dans la chair de la créature blessée, même s’il se montre en fait souvent assez bavard. On aimerait aussi un peu de répit, comme ce roi qui se couche, bercé par les histoires de la princesse. Si la suite nous promet d’être désolée puis enchantée, on s’inquiète donc également pour notre conteur, en priant pour qu’il n’use pas son filon. Et ne perde pas la tête.

LES AUTRES SORTIES DU 24 JUIN 2015

 

[divider]INFORMATIONS[/divider]
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24 juin 2015 - les milles et une nuits 1
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[column size=one_half position=last ]- CRITIQUE du Volume 1
CRITIQUE de la trilogie

Titre original : As 1001 Noites – O Inquieto
Réalisation : Miguel Gomes
Scénario : Mariana Ricardo, Telmo Churro
Acteurs principaux : Crista Alfaiate, Adriano Luz, Carloto Cotta, Rogerio Samora,
Pays d’origine : Portugal, France, Allemagne, Suisse
Sortie : 24 juin 2015
Durée : 2h05
Distributeur : Shellac
Synopsis :Premier opus de la trilogie, L’Inquiet conte le Portugal en crise à travers l’intervention des célèbres contes des Mille et Une Nuits.

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Rédacteur depuis le 09.03.2015
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