LES OGRES
© Pyramide Distribution

[CRITIQUE] LES OGRES

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Scénario et dialogues
8.5
Mise en scène
9
Interprétation
9
Emotions
9
Musique
8
Note des lecteurs5 Notes
6.7
8.7

Époustouflant ! Vivifiant ! Réjouissant ! C’est exactement l’effet produit et ressenti à la vue de LES OGRES ! La jeune réalisatrice Léa Fehner, dont c’est le second film après Qu’un seul tienne et les autres suivront (2009) nous offre 145 minutes de bonheur. Elle nous embarque avec brio sur les routes, au sein d’une flamboyante troupe de théâtre itinérante, et nous en fait vivre l’envers du décor. Elle a été épaulée dans l’écriture du scénario et des dialogues par Catherine Paillé, scénariste du récent Tempête, et Brigitte Sy, réalisatrice de L’Astragale.

LES OGRES est rythmé comme une pièce de théâtre un peu foutraque à l’image du Davaï Théâtre, mais sans entracte, ni temps mort, car la mise en scène énergique ne nous laisse pas souffler ! D’emblée nous voilà saisi, tel le public qui assiste ébloui sous le chapiteau au spectacle du Cabaret Tchékhov joué par la troupe. Comme lui, nos yeux et nos oreilles sont scotchés par tant de beauté, de vivacité et d’humour. Il y a la musique à l’accordéon et les chants, les costumes flamboyants. Et puis soudain, le drame. L’accident de l’acrobate, mal assurée par Déloyal/Marc Barbé, met la tournée en péril. Cet élément déclencheur va bouleverser l’équilibre fragile de la troupe magnifique. Le directeur de la troupe, François, fait appel à une remplaçante, Lola/Lola Duenas, une ancienne maîtresse, ravivant de mauvais souvenirs à sa femme Marion. Ce sont les propres parents de la réalisatrice, François Fehner et Marion Bouvarel, qui les interprètent. Car Léa Fehner a grandi dans ce milieu et s’en est inspiré pour LES OGRES. Toute la famille (sœur, enfants, compagnon) s’est impliquée, ce qui donne au film une incomparable originalité et réalité, même s’il s’agit de personnages de fiction. Léa Fehner nous en a d’ailleurs parlé lors d’une rencontre à Bordeaux (Lire notre interview).

Photo du film LES OGRES
© Pyramide Distribution

Coup de maître, la réalisatrice parvient à rendre tous les personnages très bien brossés de LES OGRES, sans exception, très touchants et attachants. Comme si on était tantôt sur l’épaule de l’un, tantôt sur celle de l’autre, provoquant une incroyable empathie et une palette complète d’émotions. Ainsi, aux côtés de François, on porte la compagnie à bout de bras, tout en réalisant un peu tard qu’on n’est pas tout seul à le faire. On prend parfois de mauvaises décisions pour arranger les problèmes, on soigne la réputation du Davaï Théâtre, on pète aussi un câble (superbe scène du porte-voix au petit matin). Avec Marion, on crève de jalousie et on souffre de vivre avec un homme dédaigneux. Avec Inès, on désespère de ne pas exister aux yeux des autres et de ne pas trouver sa place au sein du couple que forme ses parents omniprésents. Avec Déloyal, on est en mode survie, on ne parvient pas à se réjouir de la future naissance du bébé, on éprouve tant de peine au souvenir d’un passé qui nous a laissé à terre. Avec Mona/Adèle Haenel, on est tellement dans la vie qu’on ne comprend pas ceux qui restent scotchés aux souvenirs des morts. Avec Lola, on essaie d’oublier le fracas d’une rupture et on cherche partout l’amour où il est susceptible de se trouver.

« LES OGRES est un film merveilleux et flamboyant qui nous met littéralement en joie ! A voir absolument ! »

Les liens que les personnages entretiennent les uns avec les autres sont loin d’être idylliques mais forts et empreints de confiance et d’acceptation. Cela, jusqu’au 2ème acte de LES OGRES, qui met en scène la crise, avec un récit métaphorique très original. Mais une crise nécessaire, salutaire et régénératrice, qui permettra d’exprimer enfin les non-dits, de prendre les décisions qui s’imposent et de continuer à avancer.
Bien sûr, on ne pourra que détester François et la maltraitance psychologique dont il fait preuve avec les femmes de sa vie. On se souviendra longtemps de cette scène très bien filmée de l’humiliation de Marion en public ainsi que des regards gênés de ceux qui y assistent et de leurs réactions profondément humaines. On n’oubliera pas non plus cette scène de l’engueulade à laquelle tous les membres de la troupe prennent part. Mais la réalisatrice ne victimise pas ces deux femmes pour autant, elle leur permet de s’affranchir, chacune à leur manière, avec courage. Elle les autorise à s’exprimer face à la toute puissance et aux paroles méprisantes de cet homme, à qui elle offre avec bienveillance la possibilité de s’amender et de comprendre ses erreurs. De façon subtile, elle nous fait réfléchir sur le remords, mais aussi sur le pardon.

[toggler title= »L’autre point de vue de la scène, par Pierre » ]

Justement, de là, un élément vient particulièrement nous dérouter dans LES OGRES. Il s’agit de la représentation des hommes et des femmes à travers deux couples. D’abord, avec François et Marion. Lui, ne se remettra jamais en question, n’éprouvera aucune honte à regarder avec désir son ancienne maîtresse devant sa femme apathique. Capable même de retourner chaque situation à son avantage, allant par exemple crier à tous l’aventure d’un soir de sa compagne, ne lui laissant même pas, à elle, la satisfaction de l’avoir enfin fait, d’avoir vécu à son tour. Dès lors, les humiliations quotidiennes qu’il lui fait subir agacent terriblement. Son rapport avec sa fille qui ne voudrait qu’un peu de reconnaissance de la part de son père, mais qu’il dénigre tout autant, enfonce un peu plus le clou. Le problème, est que rien ne changera de la part de ce personnage antipathique et détestable au plus haut point. Personne pour le remettre vraiment à sa place (Déloyal, un peu). Mais surtout, sa femme reviendra, sans raison, sans excuse, sans regret de la part de son mari. Voudrait-on nous dire qu’elle devait, elle, changer, s’affirmer seule, pour avoir le respect qu’elle mérite ? On n’ose y croire de la part des trois femmes scénaristes des OGRES.

Il en va de même entre Déloyal et Mona. Cinq ans de dépression pour Déloyal et toujours la même passivité, le je-m’en-foutisme constant, mettant même Mona, enceinte jusqu’aux yeux, dans des situations pas possibles. Le voir revenir comme une fleur avec le sourire après que celle-ci ait donné naissance, sans lui, à son fils, fait enrager tout autant. Décidément il y a des claques qui se perdent, nous dirons-nous. On peut alors y voir chez les scénaristes la volonté de représenter des femmes fortes, capables de prendre sur elles et d’encaisser la difficulté de cette vie avec des hommes lâches, égoïstes et faibles. Position louable mais qui nous touche inévitablement dans notre ressenti. Ce ne sont ainsi pas les qualités du film qui sont remises en question. Mais on remarque qu’il ne peut s’empêcher de déranger.

Pierre Siclier

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Photo du film LES OGRES
© Pyramide Distribution

Car ce qui est extraordinaire avec LES OGRES, ce sont les multiples niveaux de lecture qu’il nous offre. D’abord un regard sur un couple qui, s’il partage la même passion du théâtre, partage aussi le quotidien et les tracasseries d’engagement et d’argent, véritable tue-l’amour et perte du désir. Puis un regard sur la façon dont un enfant parvient à trouver sa place au sein d’un foyer préoccupé par lui-même. Enfin, un regard sur l’humanité de la vie dans une communauté, avec ses joies et ses peines. Car le mot clé du film, c’est le partage ! Le partage dans un joyeux bazar d’une passion par des artistes. Partage de la joie et du rire, des chants et des moments de complicité. Le partage des repas et des lendemains de beuveries, du montage-démontage-nettoyage du chapiteau, de la route ensemble. Le partage des moments intimes de bonheur (magnifique scène à la clinique) ou de tristesse et de désarroi, fidèles à la devise « Heureux ensemble et les uns pour les autres« . Mais surtout le partage avec le public et la transmission d’une certaine folie et d’une part d’enfance, que les acteurs s’autorisent à conserver.
Ceux-là, sont ici tous extrêmement justes et on les aurait volontiers accompagnés dans le dernier acte du film : apaisés car les abcès ont été crevés, mais toujours aussi foutraques et passionnés. Car LES OGRES, réussite à tout point de vue, est un film merveilleux et flamboyant qui nous met littéralement en joie : à voir absolument !

Sylvie-Noëlle

D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?

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Affiche du film LES OGRES

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Titre original : Les Ogres
Réalisation : Lea Fehner
Scénario : Lea Fehner, Catherine Paillé, Brigitte Sy
Acteurs principaux : Adèle Haenel, Marc Barbé, François Fehner
Pays d’origine : France
Sortie : 16 mars 2016
Durée : 2h24min
Distributeur : Pyramide Distribution
Synopsis : Ils vont de ville en ville, un chapiteau sur le dos, leur spectacle en bandoulière.Dans nos vies ils apportent le rêve et le désordre.Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangé du théâtre et des kilomètres.Mais l’arrivée imminente d’un bébé et le retour d’une ancienne amante vont raviver des blessures que l’on croyait oubliées.Alors que la fête commence !

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Scénario et dialogues
Mise en scène
Interprétation
Emotions
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