[critique] Masked And Anonymous

Nous souhaitons recueillir votre avis sur votre façon de nous lire. Merci de prendre 2 minutes de votre temps en cliquant ici !


Son manager ayant payé une caution pour le libérer de prison, Jack Fate, un chanteur de musique folk, donne un dernier concert.

Note de l’Auteur

[rating:5/10]

Date de sortie : 2003
Réalisé par Larry Charles
Film Américain
Avec Bob Dylan, Jeff Bridges, John Goodman, Jessica Lange, Penelope Cruz, Luke Wilson, Val Kilmer, Christian Slater, Michael Penn, Ed Harris, Mickey Rourke, Cheech Marin
Durée : 1h52min
Titre original : Masked and Anonymous
Bande-Annonce :

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=jZM-yS5uCCM[/youtube]

Je ne sais pas si vous vous en êtes déjà rendus compte mais il n’y a vraiment rien de plus hypocrite que le making-of d’un film de merde. Tous ceux qui y participent sont des salariés de la production et ils ont tout intérêt à faire la promo du truc ; même si une mauvaise langue se glissait dans le lot des interviewés, elle serait coupée au montage comme on photoshope un furoncle disgracieux sur le menton d’un top model.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Masked And Anonymous ne déroge pas à la règle, même si on sent venir le coup foireux à des kilomètres à la ronde : tous les acteurs du film s’accordent à dire que le scénario est génial, mais quand on leur demande de raconter de quoi ça parle, il n’y a plus personne.
Non pas que le film ne parle de rien, loin de là. C’est tout le contraire, en fait : il parle de trop de choses, beaucoup trop de choses. Dans les faits, c’est l’histoire d’un mec qui veut organiser un concert de charité dans un pays totalitaire en passe de devenir une franche dictature et comme personne ne veut venir dans cet endroit du monde ravagé par la guerre civile, il fait sortir de prison une ancienne légende de la musique que tout le monde a oublié. Ca, c’est le squelette de Masked And Anonymous, sur lequel viennent se greffer d’innombrables amas de chair immondes : une critique du pouvoir sous toutes ses formes, un portrait cynique du monde du show-business, une réflexion sur la gloire, des scènes sur les relations père-fils, des monologues sur la nature humaine… et d’autres encore sur lesquels on est bien en peine de mettre un nom.

L’origine de ce foutoir n’est pas un mystère : le réalisateur Larry Charles (celui de Borat) a voulu faire un film qui ressemblait à un morceau de Bob Dylan. Une œuvre nébuleuse, avec plusieurs degrés d’interprétations, qui fait un usage poussé de la métaphore et de la figure de style.
Seulement voilà, ce qui marche en musique ne marche pas forcément au cinéma, et Charles est décidément trop fan de Dylan pour garder le sens des réalités. Parce que, à part avoir fait une salade niçoise psychotrope d’ingrédients qui ne vont pas ensemble et avoir pondu des dialogues tellement obscurs que chaque réplique ressemble à une énigme du Père Fouras, la plus grosse bourde du réal’ est d’avoir confié le rôle principal à Bob Dylan lui-même… Monumentale erreur.
Sur le fond, ça pouvait avoir l’air de se tenir, puisque le personnage en question, Jack Fate, est, par de nombreux traits, un double cinématographique du chanteur : dans un temps lointain, il a connu la gloire, a été une grande icône et ses chansons ont eu une influence majeure sur sa génération, mais il a rapidement sombré aux oubliettes, et ceux qui ne le croient pas mort se fichent pas mal de savoir ce qu’il devient. Il est encore respecté en tant que songwriter pour ses actes passés mais on n’attend plus rien de lui. Une situation déplorable, mais qui ressemble finalement assez bien à celle dans laquelle se trouve Dylan aujourd’hui, si vous mettez votre mauvaise foi de côté.
A priori, il aurait donc été l’interprète rêvé pour jouer ce rôle taillé sur mesure. Sauf que le grand Bob est auteur, compositeur, et chanteur. Mais pas acteur. Certainement pas. Et si Larry Charles n’était pas aussi fan, il s’en serait rendu compte aussi et l’aurait viré vite fait… C’est bien simple : il ne bouge pas, parle à peine, et n’a aucune expression faciale. Pire que Keanu Reeves, imaginez un peu. Forcément, en mettant un film sur les épaules d’un type comme ça, tout se casse la gueule.

Le plus tragique là-dedans, c’est qu’à la fin du film on n’a pas seulement le sentiment qu’il était mauvais ; on a en plus une forte impression de gâchis, ce qui est encore pire. Car, si c’est l’ensemble qui ne tient pas la route, on y trouve néanmoins des scènes complètement dingues qui, prises individuellement, sont autant d’étincelles de génie surréalistes dans un tas de fumier. Larry Charles n’est pas un mauvais réalisateur, ni même un mauvais scénariste, il a juste fait fausse route en tentant de dire trop de choses en même temps et d’une manière trop poétique. Il a pêché par excès de vanité. En ancrant son film dans un contexte réaliste par le biais de la satire politique, il s’est refusé à lui-même l’accès à la transcendance que pouvait lui offrir son sens aiguisé du surréalisme. Et, tant qu’à faire, il a aussi fait tomber dans l’oubli un film dans lequel pratiquement tous les acteurs sont au sommet de leur talent. Au passage, on peut noter qu’il prouve par la même occasion que les têtes d’affiches ne suffisent pas à vendre un film…
On a donc John Goodman en manager hyperactif, Jeff Bridges en journaliste spécialiste du harcèlement moral, Penelope Cruz en hippie new-age, Christian Slater et Michael Penn en roadies fumistes, Cheech Marin qui attend un bus devant un mur tagué (bizarrement, c’est un des plus beaux plans du film), Ed Harris grimé en faux noir ou Jessica Lange en businesswoman acide. La palme revient quand même à Val Kilmer grâce à son monologue sur la condition humaine, et à Giovanni Ribisi et ses divagations hallucinées sur la guerilla à l’arrière dans un bus ; le genre de mecs qui font que tout le reste apparaît comme le gaspillage de quelque chose qui aurait pu être génial.
Masked And Anonymous, c’est donc un film sur Bob Dylan, avec Bob Dylan, au son d’une B.O. de Bob Dylan (à moitié par lui et à moitié par d’autres groupes… qui lui volent la vedette) et construit comme une chanson de Bob Dylan, par un fan de Bob Dylan. C’est un objet cinématographique étrange rempli d’acteurs excellents et doté de quelques scènes géniales, mais qui a été complètement pourri par son propre réalisateur. En un mot : c’est une honte.

Nos dernières bandes-annonces

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

  1. Pas seulment Julien n’a rien compris du film, qu’il resume de façon trop simpliste, mais il ne connait pas l’oeuvre de Dylan. Le Dylan d’aujourdhui non plus. J’espere qu’il souhaite pas devenir critique ciné ou, pir, musical…