[critique] Musée Haut, Musée Bas

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Un conservateur terrorisé par les plantes vertes, une mère plastifiée pour être exposée, un ballet de Saintes Vierges, des gardiens épuisés par Rodin, un ministre perdu dans une exposition de sexes, une voiture disparue au parking Rembrandt, des provinciaux amoureux des Impressionnistes, touristes galopins galopant d’une salle à l’autre, passager clandestin dans l’art premier, Picasso, Gauguin, Warhol, ils sont tous là dans ce petit monde qui ressemble au grand, dans ce musée pas si imaginaire que ça, valsant la comédie humaine jusqu’au burlesque.

Note de l’Auteur

[rating:8/10]

Date de sortie : 19 novembre 2008
Réalisé par Jean-Michel Ribes
Film français
Avec Michel Blanc, Victoria Abril, Pierre Arditi, Josiane Balasko, Jean-Damien Barbin, Isabelle Carré, Loïc Corbery, André Dussollier, Xavier Gallais, Guillaume Gallienne, Gérard Jugnot, Valérie Lemercier, Fabrice Luchini, Yolande Moreau, François Morel, Daniel Prévost, Muriel Robin, Annie Grégorio, Dominique Pinon, Philippe Khorsand…
Durée : 1h33min
Titre original : Musée Haut, Musée Bas
Bande-Annonce :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=pBczEj4qMuE[/youtube]

Si Jean-Michel Ribes signe ici son quatrième film, le réalisateur était déjà connu pour son célèbre Palace, mais avant tout pour son œuvre théâtrale. Et dans celle ci, Musée haut, musée bas est une pièce maîtresse. Inlassablement jouée et rejouée depuis sa création en 2004, on aurait pu s’étonner du passage d’une telle œuvre sur le grand écran. Quand on connaît la pièce, la tentative semblait relever du défi. Il s’avère que c’est une réussite. Musée haut, musée bas donne pourtant le ton dès le départ : un petit monologue rondement mené décrivant, expliquant, et insistant sur les dangers de la perspective… Le film est un peu à l’image de ce musée évitant toute ligne de fuite, il est inclassable. Jean-Michel Ribes ne se contente pas d’un simple passage de la scène à l’écran, il recrée son œuvre, lui redonnant un nouveau souffle, tout en gardant l’esprit original. Connaître la pièce, c’est la redécouvrir en voyant le film. Les situations les plus absurdes sont poussées à leur extrême, et on s’étonne de la remarquable fluidité avec laquelle s’enchaînent ces petites saynètes, pourtant nombreuses.

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Aux quelques plans en extérieurs un peu factices s’opposent des plans en intérieurs réfléchis dans les moindres détails : le travail des couleurs, constamment pensé, touche le moindre vêtement jusqu’à l’environnement même du musée. Il faut dire qu’il est ici avant tout question d’art, mais ce n’est pas tant les chefs d’œuvres qui sont dépeints que ceux qui les regardent. Jean-Michel Ribes se plaît à disséquer le fourmillement humain qui tourne autour de ces dernières : des touristes sur-pressés aux admirateurs de l’art dit contemporain, en passant par les prétendus connaisseurs, chacun s’y retrouve. Le réalisateur nous donne sa vision acerbe de l’art et des musées, et Michel Blanc est savoureux dans son rôle de directeur luttant de pied ferme contre l’invasion de la nature (dévoilant ainsi un regard ironique sur l’écologie).

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Plus qu’un film à voir, c’est un film à entendre. Mais si les dialogues nous parviennent si bien, c’est aussi parce qu’ils sont portés par une myriade d’excellents comédiens : le réalisateur ne s’est pas privé pour s’entourer des meilleurs. Comme il le dit lui même, il y a près de 120 rôles dans le film : 120 premiers rôles. On se régale devant cette fresque de comédiens ne se disputant pas la vedette, mais au contraire, donnant le meilleur d’eux mêmes dans quelques phrases. Ce ne sont donc pas les courts passages qui nous empêche d’apprécier le talent de Muriel Robin (la dame Kandinsky) ou encore du duo Xavier Gallais (Sulku) et Jean-Damien Barbin (Sulki), « œuvres d’art vivantes » particulièrement jouissives. Il n’en fallait sans doute pas moins pour qu’un tel texte explose sur le grand écran, et Jean-Michel Ribes se confirme dans son rôle de directeur d’acteur.

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Certains plans sont travaillés comme de véritables tableaux et même si le procédé n’a rien d’original, on s’amuse beaucoup devant ces ouvriers reproduisant La descente de croix de Rubens, ou même devant l’inévitable clin d’œil au Radeau de la méduse. Sans être élitiste, le film n’en demeure pas moins sélectif : on pourrait facilement se lasser des énumérations de peintres, sculpteurs, et autres artistes données à plusieurs reprises. Sans un peu de distance, l’humour corrosif de ce film pourrait presque nous échapper et passer pour de la prétention. Ce serait manquer le côté burlesque d’un petit ovni qui ne se prend pas du tout au sérieux. Musée Haut, musée Bas est une œuvre riche, impossible à décrire, et qui mérite d’être découverte.

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